A.    Sur les traces de mon Identité

 

       I.            Que transmettent les parents de la diaspora pakistanaise à leurs enfants ?

 

1.      Introduction

Bismillahirahmaniraheem. Salam Aleekum tout le monde. Bienvenu à cette nouvelle épisode de Podcast Oraq : le podcast qui parle de la diaspora pakistanaise en France. Et  moi, je suis Warq votre hôte pour ce podcast.

Dans les podcasts précédents, nous avons essayé de définir ce qu’est une identité culturelle et en quoi sa transmission est importante pour la diaspora. Nous avons  également exploré la culture pakistanaise et son caractère pluriel et changeant.

Dans le podcast d’aujourd’hui, nous faisons un état des lieux de ce que les parents de la diaspora pakistanaise transmettent à leurs enfants et comment le caractère contraignant de la culture prend le dessus.

2.      L’état des lieux  parents pakistanais

Une étude canadienne menée par Sahar Khan[1] début 2020, intitulée Elever les Canadien-stanais : la parentalité dans les communautés musulmanes au Canada, met en lumière un fait très intéressant : L’islam conditionne la parentalité.  Nos parents « apportent leurs croyances et attitudes de leur pays et essaient de les mettre en place avec leurs enfants »  La plupart des conflits entre les parents et les enfants vont avoir lieu non pas sur le type de repas, d’éducation ou la nature de travail mais sur les aspects qui clachent avec la religion c’est-à-dire les sujets concernant le dating, l’orientation sexuelle et la sexualité qui occupent un pan non négligeable dans la société d’accueil et sont considéré haram et/ou tabou dans la société d’origine.

Selon Zaidi et al. : «  Les parents musulmans sont très engagés à s’assurer que leurs enfants comprennent et suivent leur religion car ils s’inquiètent que si leurs enfants vont la perdre, ils ne la passeront pas aux générations futures. » Les parents enseignent à leurs enfants les 5 pilliers de l’islam, incluant le jeûne pendant le Ramadan, lire le Quran et comment faire une prière au plus jeune âge. Et pour beaucoup d’enfants d’immigrants, l’Islam occupe une place centrale dans leurs vies. Mais cela peut se révéler comme un challenge dans leurs vies de tous les jours comme par exemple résister au choix de tester de nouvelles cuisines où la viande n’est pas halal. Même si pratiquement tous vont se refréner de consommer le porc. Il en est de même, quand il est question de faire ces cinq prières à l’heure. L’étude de sahar Khan poursuit «  le problème ici est que l’école et le travail dans le pays d’accueil prend la majeur partie de la journée et il n’y a pas beaucoup de possibilité de prendre des pauses pour aller prier comme dans le pays d’origine. » Les immigrants sont donc confrontés à un clash de remplir leurs devoir religieux et académique en même. Ce qui résulte à faire des compromis : on va rattraper les 5 prières à la maison, on va aller prier que le vendredi à la mosquée. Le Canada commence à fournir des salles dédié aux religions pour permettre aux élèves de pratiquer la religion. Ce qui est un progrès pour soulager les enfants des conflits intérieurs qu’ils peuvent avoir.

 « Les parents issus de l’immigration sont extrêmement anxieux de perdre leur culture et traditions avec les générations et c’est primordial pour eux de s’assurer qu’elles sont transmises d’une génération à l’autre. » Selon Wakil et al (Wakil et al., 1981, p. 939) La plus grande peur des parents est de voir leur enfant devenir occidental au-delà d’être reconnaissable dans sa culture d’origine. Les enfants sont encouragés à faire mieux dans leurs études et carrières professionnels alors que les aspects les plus intimes de leurs vies sont régies par les normes d’une une société lointaine. Donc tout ce que la culture pakistanaise peut représenter pour eux est d’une certaine façon une contrainte : C’est le cas de la notion d’honneur de famille. On doit respecter les aînées même s’ils sont injustes et pas très instruits. L’étude mentionne que le respect des ainées est particulièrement important pour les pakistanais aussi bien dans le pays d’origine que dans le pays d’accueil. Leur manquer de respect équivaut à ternir la réputation de la famille, ce qui est la pire chose qu’une personne puisse faire dans un foyer pakistanais. Cet aspect est commune à l’Asie en générale visible par exemple dans la gestion de la pandémie en Chine et dans les autres pays asiatique : la société prime sur l’individu. C’est valable pour les pakistanais «  les membres de famille sont supposée considérer les besoins, statuts et l’honneur de leur famille avant leur besoins et désirs personnels ».

Pour ce qui relève de l’égalité des sexes : Les filles sont élevées d’une façon différentes que les garçons : elles vont devoir prendre part aux taches ménagères plus que leur frères tout en poursuivant leur études et être compétitives dans le milieu de travail ce qui est témoin d’une éducation avec deux poids deux mesures.  Selon Zaidi et al. « Historiquement et traditionnellement les filles étaient gardées à la maison et élevées pour être maternels, responsables et obéissantes. Le domaine des garçons était de s’occuper des affaires externes à la maison où ils apprenaient comment être indépendant et devenir le soutient de la famille. » Le poids d’honneur semble se reposer essentiellement sur les filles que sur les garçons d’une même famille,  de même origine et de même religion.

Puisqu’on parle de filles, parlons mariage qui constitue un aspect  important de la culture pakistanaise aussi bien dans son fond que dans sa forme. L’étude de Sahar Khan est assez complet là-dessus. Pour les parents, le concept de  « sortir avec quelqu’un » et/ou « tomber amoureux avant le mariage » est une aberration alors que dans la société d’accueil, ça fait partie des mœurs. Les parents immigrants le perçoivent comme une atteinte à leurs valeurs et cela génère les conflits.  Certains jeunes vont donc cacher leurs relations à leurs parents. Voir quelqu’un peut toutefois devenir acceptable en vue de mariage même si les mariages arrangés sont le mode préféré dans la communauté pakistanaise.

Pour rentrer un peu plus dans le vif de sujet : on constate aussi que la discussion autour de sexe et la sexualité est considérée comme tabou dans les foyers pakistanais. Selon l’étude d’Ali Faisal datant de 2018, « Même si beaucoup de parents, incluant les parents musulmans, ne sont pas volontaires à communiquer ouvertement sur le sujet de sexualité, ils transmettent leurs comportement sexuels à travers les enseignements culturels et leur comportements » et si le sujet n’est pas abordé à la maison, il l’est à l’école et dans les médias. Les enfants reçoivent des messages souvent multiples et souvent contradictoires de différentes sources. Le sex avant le mariage est considéré comme haram car interdit par le Quran[2] « toute déviation à ces normes religieux  peut produire le culpabilité et honte. Ali-Faisal aussi suggère les termes de la culpabilité sexuel et anxiété sexuel qui est une attente de punition par la société pour avoir transgressé ou de transgresser les standards et le comportement approprié.  Les conséquences des épisodes amoureuses peuvent avoir des conséquences très drastiques sur les filles comme des mariages forcées ou un boycott social. Les interviews avec les mamans musulmanes et leurs jeunes filles, conduits par la chercheuse ont mis à jour l’inégalité de traitement selon le genre «  Les jeunes filles avant mariage ne sont pas censée connaître le sexe alors que c’est une attente envers les garçons avant le mariage » Il y a aussi une intolérance pour toute relation LGBTQ+ parce que les relations homosexuels sont considérés comme haram. La plupart des personnes le cachent et s’engagent dans les mariages qui ne finissent pas bien.

Les aspects évoqués dans cet étude sont réelles cependant un héritage pakistanais ne peut se résumer qu’à cela. Etre un parent immigrant n’est pas une tâche facile et les parents font de leur mieux pour transmettre ce qu’ils jugent important. Les parents immigrants font preuve de beaucoup d’ouverture et d’adaptation et négliger cet aspect reviendrait à présenter une image tronquée. Les filles sont encouragées à poursuivre leurs études et être indépendante financièrement pour ne pas subir des relations malsaines. Les enfants d’immigrants pakistanais abordent le mariage comme une relation à vie. Les parents pakistanais essaient de soutenir leur enfants  jusqu’à l’autonomie financière sans considération d’âge. Les grands-parents essaient de garder leurs petits enfants pour permettre à leurs belles filles de travailler. Les mariages d’amour sont envisageables et souvent pratiqués. Les enfants de leur côté n’ont pas cette pression de mise à la porte à leurs 18 ans comme constaté dans certaine famille européenne. Un couple dès lors qu’il a des enfants se construit autour d’eux. Les mamans pakistanaises perpétuent la tradition d’hospitalité  avec un grande générosité. A leur tour les enfants dans leurs interactions sont généreux.  A l’image de leurs parents, les enfants des pakistanais sont persévérants, curieux et fières. Chacun des enfants de cette génération est un pionnier dans son domaine que ce soit les finances, le transport, la psychologie, le design, l’informatique. Et notre héritage identitaire a un rôle dans tout cela. Cependant, ces aspects restent absent des études. Peut-être acceptent-on d’instrumentaliser l’identité assignée pour justifier nos défauts ou bien surenchérit-on en ne mettant en avant que les aspects négatifs de nos foyers.

3.      Une identité multiple des enfants de la diaspora

Concernant ces enfants d’immigrants qui se sentent tiraillé entre deux identités, j’ai trouvé que Gabrielle Oliviera, doctorante en anthropologie et éducation, auteur de livre Motherhood across borders qu’on peut traduire comme « être Maman sans frontières » a une réflexion intéressante sur la complexité de l’identité des enfants de 2ème génération ou génération 1.5.

Elle affirme qu’ « Il y a une approche sociologique linéaire qui stipule qu’un enfant va s’assimiler au pays d’accueil à une extrémité et l’autre extrémité, il y a une fluidité transnationale d’identité et comment les enfants d’immigrants et les enfants qui ont eux même immigré  sont constamment entrain de négocier leur identités à l’intérieur et extérieur de l’école. » Elle travaille pour « qu’on se rapproche plus de deuxième courant qui comprends la fluidité des identité et fait comprendre [aux enfants d’immigrants] qu’ils sont plus que les personnes qui ont appris [la langue de pays d’accueil] mais qu’ils portent en eux leur fonds de connaissances et qu’ils connaissent déjà des choses et qu’on devrait s’appuyer sur les choses qu’ils connaissent déjà par opposition à l’approche déficitaire de ce qu’ils ne connaissent pas. » [3]

Le fait est que les enfants ont très peu de ressources disponibles pour mener cette réflexion à bien et très peu de modèles à suivre aussi pour accepter cette fluidité identitaire et de pouvoir vivre à fond son identité française et son identité pakistanaise transcendée par l’identité religieuse. Ce qui nous manque, sans doute, c’est de s’accepter soi même, avec tout notre bagage culturel et se permettre un peu de créativité pour imaginer une place dans la société ou on peut être soi même. Aucune société ne voudra rejeter des personnes pieuses, respectueuses, gentilles et solidaires, qui prennent soin de leurs voisins qui sont attentionnées envers leurs familles, qui sont justes dans leurs entreprises.

Nous pouvons influencer les gens, et les voir s’adapter à nous lorsque nous même formulons nos besoins et sommes en paix avec notre identité. J’ai vu mes amis revisiter des recettes de porcs caramélisé en poulet caramélisé, de s’abstenir de dire des gros mots ou de manger devant moi pendant le mois de Ramadan alors que rien ne les y obligeaient. J’ai vu des gens être conscient de calendrier hégirien et des sociétés High-Tech ouverte au port de voile.  Ce qui est un grand signe d’espoir et traduit justement le fait que « si l’individu s’adapte à la société, la société s’adapte à son tour à l’individu ».

Le transmetteur d’un héritage culturel doit veiller à ne pas mettre l’emphase que sur les contraintes culturelles. En effet dans la société hôte, on peut être tentée de retenir que des aspects les plus stricts de la société d’origine afin de réclamer son appartenance. Mais de la même façon qu’il est conseillé d’introduire aux enfants l’amour d’Allah avant la crainte d’Allah, les parents devraient aussi maintenir un équilibre entre les aspects qui plaisent aux enfants et les aspects plus stricts. En effet les surahs instituant le jeûne, l’interdiction formelle d’alcool, les règles de partage de l’héritage, L’interdiction de l’usure sont révélés à Médine, soit après la hijrah, des années de prêches initiaux. Ainsi les enfants ont besoin d’une culture où ils ont plus à y gagner qu’à perdre.

4.      Conclusion

Pour conclure ce podcast, toutes ces polémiques sur la culture résultent de fait que la première génération d’immigrants et la seconde  ont menés des vies très différentes. Les jeunes grandissent dans un environnement où il est très difficile de résister à la tentation. Ce clash constant d’opinion met les enfants dans une situation difficile et une anxiété de perte d’héritage s’empare des parents. Le racisme, la difficulté d’apprentissage de la langue, la nature de travail des parents peut être source de ce décalage.

Cependant, si les enfants réalisent que leurs identités plurielles sont une richesse, que le caractère multiculturel est un atout dans une société de plus en plus globale, cela devient plus facile d’être à l’aise avec sa double culture.

Nous allons terminer le podcast avec une suggestion de livre d’Amin Maalouf intitulé les Identités meurtrières qui dès les premières pages trouve un écho en moi. Pensez à la planète et achetez des livres seconde main sur @recyclivre par exemple ou empruntez à la bibliothèque c’est encore mieux.

Merci d’avoir écouté ce podcast, vos commentaires et remarques sont bienvenus. Si vous avez apprécié le podcast partagez le avec vos amis, famille et connaissances. N’hésitez pas à interagir avec nous sur notre page facebook et instagram au nom d’ @oraqpodcast. Nous avons un site de même nom  oraqpodcast.com

Prenez soin de vous, à bientôt, Salam Aleekum !

[1] http://ejournals,library,ualberta.ca/index/php/cjfy

[2] https://quran.com/24/2?translations=31

[3] https://www.youtube.com/watch?v=K_TUUA-aHAw

Photo by Miguel Á. Padriñán from Pexels

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