2 février 2021 / admin / 0 Comments
A. Sur les traces de mon Identité
I. Que transmettent les parents de la diaspora pakistanaise à leurs enfants ?
1. Introduction
Bismillahirahmaniraheem. Salam Aleekum tout le monde. Bienvenu à cette nouvelle épisode de Podcast Oraq : le podcast qui parle de la diaspora pakistanaise en France. Et moi, je suis Warq votre hôte pour ce podcast.
Dans les podcasts précédents, nous avons essayé de définir ce qu’est une identité culturelle et en quoi sa transmission est importante pour la diaspora. Nous avons également exploré la culture pakistanaise et son caractère pluriel et changeant.
Dans le podcast d’aujourd’hui, nous faisons un état des lieux de ce que les parents de la diaspora pakistanaise transmettent à leurs enfants et comment le caractère contraignant de la culture prend le dessus.
2. L’état des lieux parents pakistanais
Une étude canadienne menée par Sahar Khan[1] début 2020, intitulée Elever les Canadien-stanais : la parentalité dans les communautés musulmanes au Canada, met en lumière un fait très intéressant : L’islam conditionne la parentalité. Nos parents « apportent leurs croyances et attitudes de leur pays et essaient de les mettre en place avec leurs enfants » La plupart des conflits entre les parents et les enfants vont avoir lieu non pas sur le type de repas, d’éducation ou la nature de travail mais sur les aspects qui clachent avec la religion c’est-à-dire les sujets concernant le dating, l’orientation sexuelle et la sexualité qui occupent un pan non négligeable dans la société d’accueil et sont considéré haram et/ou tabou dans la société d’origine.
Selon Zaidi et al. : « Les parents musulmans sont très engagés à s’assurer que leurs enfants comprennent et suivent leur religion car ils s’inquiètent que si leurs enfants vont la perdre, ils ne la passeront pas aux générations futures. » Les parents enseignent à leurs enfants les 5 pilliers de l’islam, incluant le jeûne pendant le Ramadan, lire le Quran et comment faire une prière au plus jeune âge. Et pour beaucoup d’enfants d’immigrants, l’Islam occupe une place centrale dans leurs vies. Mais cela peut se révéler comme un challenge dans leurs vies de tous les jours comme par exemple résister au choix de tester de nouvelles cuisines où la viande n’est pas halal. Même si pratiquement tous vont se refréner de consommer le porc. Il en est de même, quand il est question de faire ces cinq prières à l’heure. L’étude de sahar Khan poursuit « le problème ici est que l’école et le travail dans le pays d’accueil prend la majeur partie de la journée et il n’y a pas beaucoup de possibilité de prendre des pauses pour aller prier comme dans le pays d’origine. » Les immigrants sont donc confrontés à un clash de remplir leurs devoir religieux et académique en même. Ce qui résulte à faire des compromis : on va rattraper les 5 prières à la maison, on va aller prier que le vendredi à la mosquée. Le Canada commence à fournir des salles dédié aux religions pour permettre aux élèves de pratiquer la religion. Ce qui est un progrès pour soulager les enfants des conflits intérieurs qu’ils peuvent avoir.
« Les parents issus de l’immigration sont extrêmement anxieux de perdre leur culture et traditions avec les générations et c’est primordial pour eux de s’assurer qu’elles sont transmises d’une génération à l’autre. » Selon Wakil et al (Wakil et al., 1981, p. 939) La plus grande peur des parents est de voir leur enfant devenir occidental au-delà d’être reconnaissable dans sa culture d’origine. Les enfants sont encouragés à faire mieux dans leurs études et carrières professionnels alors que les aspects les plus intimes de leurs vies sont régies par les normes d’une une société lointaine. Donc tout ce que la culture pakistanaise peut représenter pour eux est d’une certaine façon une contrainte : C’est le cas de la notion d’honneur de famille. On doit respecter les aînées même s’ils sont injustes et pas très instruits. L’étude mentionne que le respect des ainées est particulièrement important pour les pakistanais aussi bien dans le pays d’origine que dans le pays d’accueil. Leur manquer de respect équivaut à ternir la réputation de la famille, ce qui est la pire chose qu’une personne puisse faire dans un foyer pakistanais. Cet aspect est commune à l’Asie en générale visible par exemple dans la gestion de la pandémie en Chine et dans les autres pays asiatique : la société prime sur l’individu. C’est valable pour les pakistanais « les membres de famille sont supposée considérer les besoins, statuts et l’honneur de leur famille avant leur besoins et désirs personnels ».
Pour ce qui relève de l’égalité des sexes : Les filles sont élevées d’une façon différentes que les garçons : elles vont devoir prendre part aux taches ménagères plus que leur frères tout en poursuivant leur études et être compétitives dans le milieu de travail ce qui est témoin d’une éducation avec deux poids deux mesures. Selon Zaidi et al. « Historiquement et traditionnellement les filles étaient gardées à la maison et élevées pour être maternels, responsables et obéissantes. Le domaine des garçons était de s’occuper des affaires externes à la maison où ils apprenaient comment être indépendant et devenir le soutient de la famille. » Le poids d’honneur semble se reposer essentiellement sur les filles que sur les garçons d’une même famille, de même origine et de même religion.
Puisqu’on parle de filles, parlons mariage qui constitue un aspect important de la culture pakistanaise aussi bien dans son fond que dans sa forme. L’étude de Sahar Khan est assez complet là-dessus. Pour les parents, le concept de « sortir avec quelqu’un » et/ou « tomber amoureux avant le mariage » est une aberration alors que dans la société d’accueil, ça fait partie des mœurs. Les parents immigrants le perçoivent comme une atteinte à leurs valeurs et cela génère les conflits. Certains jeunes vont donc cacher leurs relations à leurs parents. Voir quelqu’un peut toutefois devenir acceptable en vue de mariage même si les mariages arrangés sont le mode préféré dans la communauté pakistanaise.
Pour rentrer un peu plus dans le vif de sujet : on constate aussi que la discussion autour de sexe et la sexualité est considérée comme tabou dans les foyers pakistanais. Selon l’étude d’Ali Faisal datant de 2018, « Même si beaucoup de parents, incluant les parents musulmans, ne sont pas volontaires à communiquer ouvertement sur le sujet de sexualité, ils transmettent leurs comportement sexuels à travers les enseignements culturels et leur comportements » et si le sujet n’est pas abordé à la maison, il l’est à l’école et dans les médias. Les enfants reçoivent des messages souvent multiples et souvent contradictoires de différentes sources. Le sex avant le mariage est considéré comme haram car interdit par le Quran[2] « toute déviation à ces normes religieux peut produire le culpabilité et honte. Ali-Faisal aussi suggère les termes de la culpabilité sexuel et anxiété sexuel qui est une attente de punition par la société pour avoir transgressé ou de transgresser les standards et le comportement approprié. Les conséquences des épisodes amoureuses peuvent avoir des conséquences très drastiques sur les filles comme des mariages forcées ou un boycott social. Les interviews avec les mamans musulmanes et leurs jeunes filles, conduits par la chercheuse ont mis à jour l’inégalité de traitement selon le genre « Les jeunes filles avant mariage ne sont pas censée connaître le sexe alors que c’est une attente envers les garçons avant le mariage » Il y a aussi une intolérance pour toute relation LGBTQ+ parce que les relations homosexuels sont considérés comme haram. La plupart des personnes le cachent et s’engagent dans les mariages qui ne finissent pas bien.
Les aspects évoqués dans cet étude sont réelles cependant un héritage pakistanais ne peut se résumer qu’à cela. Etre un parent immigrant n’est pas une tâche facile et les parents font de leur mieux pour transmettre ce qu’ils jugent important. Les parents immigrants font preuve de beaucoup d’ouverture et d’adaptation et négliger cet aspect reviendrait à présenter une image tronquée. Les filles sont encouragées à poursuivre leurs études et être indépendante financièrement pour ne pas subir des relations malsaines. Les enfants d’immigrants pakistanais abordent le mariage comme une relation à vie. Les parents pakistanais essaient de soutenir leur enfants jusqu’à l’autonomie financière sans considération d’âge. Les grands-parents essaient de garder leurs petits enfants pour permettre à leurs belles filles de travailler. Les mariages d’amour sont envisageables et souvent pratiqués. Les enfants de leur côté n’ont pas cette pression de mise à la porte à leurs 18 ans comme constaté dans certaine famille européenne. Un couple dès lors qu’il a des enfants se construit autour d’eux. Les mamans pakistanaises perpétuent la tradition d’hospitalité avec un grande générosité. A leur tour les enfants dans leurs interactions sont généreux. A l’image de leurs parents, les enfants des pakistanais sont persévérants, curieux et fières. Chacun des enfants de cette génération est un pionnier dans son domaine que ce soit les finances, le transport, la psychologie, le design, l’informatique. Et notre héritage identitaire a un rôle dans tout cela. Cependant, ces aspects restent absent des études. Peut-être acceptent-on d’instrumentaliser l’identité assignée pour justifier nos défauts ou bien surenchérit-on en ne mettant en avant que les aspects négatifs de nos foyers.
3. Une identité multiple des enfants de la diaspora
Concernant ces enfants d’immigrants qui se sentent tiraillé entre deux identités, j’ai trouvé que Gabrielle Oliviera, doctorante en anthropologie et éducation, auteur de livre Motherhood across borders qu’on peut traduire comme « être Maman sans frontières » a une réflexion intéressante sur la complexité de l’identité des enfants de 2ème génération ou génération 1.5.
Elle affirme qu’ « Il y a une approche sociologique linéaire qui stipule qu’un enfant va s’assimiler au pays d’accueil à une extrémité et l’autre extrémité, il y a une fluidité transnationale d’identité et comment les enfants d’immigrants et les enfants qui ont eux même immigré sont constamment entrain de négocier leur identités à l’intérieur et extérieur de l’école. » Elle travaille pour « qu’on se rapproche plus de deuxième courant qui comprends la fluidité des identité et fait comprendre [aux enfants d’immigrants] qu’ils sont plus que les personnes qui ont appris [la langue de pays d’accueil] mais qu’ils portent en eux leur fonds de connaissances et qu’ils connaissent déjà des choses et qu’on devrait s’appuyer sur les choses qu’ils connaissent déjà par opposition à l’approche déficitaire de ce qu’ils ne connaissent pas. » [3]
Le fait est que les enfants ont très peu de ressources disponibles pour mener cette réflexion à bien et très peu de modèles à suivre aussi pour accepter cette fluidité identitaire et de pouvoir vivre à fond son identité française et son identité pakistanaise transcendée par l’identité religieuse. Ce qui nous manque, sans doute, c’est de s’accepter soi même, avec tout notre bagage culturel et se permettre un peu de créativité pour imaginer une place dans la société ou on peut être soi même. Aucune société ne voudra rejeter des personnes pieuses, respectueuses, gentilles et solidaires, qui prennent soin de leurs voisins qui sont attentionnées envers leurs familles, qui sont justes dans leurs entreprises.
Nous pouvons influencer les gens, et les voir s’adapter à nous lorsque nous même formulons nos besoins et sommes en paix avec notre identité. J’ai vu mes amis revisiter des recettes de porcs caramélisé en poulet caramélisé, de s’abstenir de dire des gros mots ou de manger devant moi pendant le mois de Ramadan alors que rien ne les y obligeaient. J’ai vu des gens être conscient de calendrier hégirien et des sociétés High-Tech ouverte au port de voile. Ce qui est un grand signe d’espoir et traduit justement le fait que « si l’individu s’adapte à la société, la société s’adapte à son tour à l’individu ».
Le transmetteur d’un héritage culturel doit veiller à ne pas mettre l’emphase que sur les contraintes culturelles. En effet dans la société hôte, on peut être tentée de retenir que des aspects les plus stricts de la société d’origine afin de réclamer son appartenance. Mais de la même façon qu’il est conseillé d’introduire aux enfants l’amour d’Allah avant la crainte d’Allah, les parents devraient aussi maintenir un équilibre entre les aspects qui plaisent aux enfants et les aspects plus stricts. En effet les surahs instituant le jeûne, l’interdiction formelle d’alcool, les règles de partage de l’héritage, L’interdiction de l’usure sont révélés à Médine, soit après la hijrah, des années de prêches initiaux. Ainsi les enfants ont besoin d’une culture où ils ont plus à y gagner qu’à perdre.
4. Conclusion
Pour conclure ce podcast, toutes ces polémiques sur la culture résultent de fait que la première génération d’immigrants et la seconde ont menés des vies très différentes. Les jeunes grandissent dans un environnement où il est très difficile de résister à la tentation. Ce clash constant d’opinion met les enfants dans une situation difficile et une anxiété de perte d’héritage s’empare des parents. Le racisme, la difficulté d’apprentissage de la langue, la nature de travail des parents peut être source de ce décalage.
Cependant, si les enfants réalisent que leurs identités plurielles sont une richesse, que le caractère multiculturel est un atout dans une société de plus en plus globale, cela devient plus facile d’être à l’aise avec sa double culture.
Nous allons terminer le podcast avec une suggestion de livre d’Amin Maalouf intitulé les Identités meurtrières qui dès les premières pages trouve un écho en moi. Pensez à la planète et achetez des livres seconde main sur @recyclivre par exemple ou empruntez à la bibliothèque c’est encore mieux.
Merci d’avoir écouté ce podcast, vos commentaires et remarques sont bienvenus. Si vous avez apprécié le podcast partagez le avec vos amis, famille et connaissances. N’hésitez pas à interagir avec nous sur notre page facebook et instagram au nom d’ @oraqpodcast. Nous avons un site de même nom oraqpodcast.com
Prenez soin de vous, à bientôt, Salam Aleekum !
[1] http://ejournals,library,ualberta.ca/index/php/cjfy
[2] https://quran.com/24/2?translations=31
[3] https://www.youtube.com/watch?v=K_TUUA-aHAw
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1 février 2021 / admin / 0 Comments
A. Sur les traces de mon Identité
I. Identité culturelle
1. Introduction
Salam Aleekum tout le monde. Bienvenu à cette nouvelle épisode de Podcast Oraq : le podcast qui parle de la diaspora pakistanaise en France. Moi, je suis Warq votre hôte pour cet épisode.
Avant de commencer, Je tiens juste à préciser que je ne suis pas sociologue ou anthropologue donc je n’ai certainement pas les outils d’études ou exposé. Ce podcast est un cheminement, la recherche sur le sujet me permet de comprendre chaque jour de nouvelles choses. Vos commentaires sur vos ressentis sont bienvenus afin d’améliorer et rester le plus authentique possible. Pour que cette discussion puisse atteindre un grand nombre de personnes, n’hésitez pas à le partager avec vos amis, familles et connaissances.
Aujourd’hui, nous abordons le sujet de la transmission culturelle au sein de la diaspora pakistanaise. Selon l’UNESCO, «La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances.» [1]
Selon Patrick Chareaudau, linguiste français « aller à la quête de son identité culturelle, c’est aller à la quête de soi »[2]. Selon Taylor « la culture est un ensemble d’habitudes acquises par l’homme en société ».[3] S’il y a plusieurs sociétés, il y a plusieurs cultures. Il explique que les flux migratoires provoquent un mélange culturel qui résulte parfois en perte culturelle donc de son identité culturelle. Un phénomène qu’on appelle d’ « acculturation » par opposition à l’ « enculturation » qui est le fait d’acquérir une culture. On apprend donc que l’identité culturelle est un phénomène mouvant. Cette acculturation nous pousse à partir à la recherche de notre « culture originelle ». C’est exactement dans cette démarche que le projet de Podcast Oraq s’inscrit.
Beaucoup de parents ayant choisi l’immigration ont du mal à savoir comment transmettre leur culture.
Une maman écrit sur son blog TPL Moms[4] : « Je suis d’origine sénégalaise, française, canadienne et j’habite au Québec. La personne que je suis est teintée de toutes ces cultures. Longtemps, j’ai refusé mon héritage culturel sénégalais, pas assez cool à mon goût, jusqu’à ce que je me rende au Sénégal à 33 ans et que je réalise que la culture sénégalaise faisait partie intégrante de la personne que j’étais.
Mon héritière (ma fille) a aussi un héritage multiculturel et je veux qu’elle en soit fière. Il est important qu’elle sache d’où elle vient et quelle est l’histoire de sa famille. Lorsqu’elle est née, je lui ai laissé en héritage un prénom sénégalais. Rassurez-vous, si elle trouve que son prénom est trop typé, elle a encore trois autres prénoms avec lesquels elle peut le substituer. »
Dans une petite série de podcast nous allons nous pencher sur l’identité culturelle pakistanaise, comment elle est actuellement transmise au sein de la diaspora et comment on pourrait optimiser sa transmission.
2. Qu’est que l’identité culturelle et pourquoi cela prend des dimensions si importantes pour les parents immigrants ?
Selon Edward T Hall c’est la relation que l’homme« entretient avec lui même, avec ses institutions, ses idées, son entourage immédiat ou élargi à la communauté humaine, en un mot, à la relation qu’il entretient avec sa culture »[5]. La rencontre avec l’autre, serait une opportunité d’ouverture de soi et sur l’Autre selon Marianna Poulet dans son mémoire intitulé » La famille comme Lieu de transmission, Transmission & héritage culturelle ».
Elle questionne : En arrivant dans la société d’accueil doit-on abandonner son identité culturelle ? Certes s’intégrer dans une société reste important. Le sentiment d’appartenance à un groupe constitue un des aspects de l’identité et du sentiment de Soi. Le groupe nous donne des repères, une sécurité. En appartenant à un groupe on se définit à travers eux. Ainsi le fait d’être intégré dans une société nous permet de nous construire et d’être reconnu par les autres.
Dans l’article « L’identité culturelle entre soi et l’autre », Patrick Charaudeau parle de la quête de soi à travers l’autre. En effet, dans son texte il explique que le regard de l’autre se rapporte à nous-mêmes, il est comme notre miroir. Il cite les Fables de la Fontaine. Selon lui dans chacune d’elles l’auteur confronte deux animaux pour rendre compte à l’autre de ce qu’il est : « Le corbeau se découvre naïf et orgueilleux, sous le regard du renard ; la cigale frivole et irresponsable aux dires de la fourmi ; le lion pas si puissant que ça devant l’action du rat qui le libère des mailles du filet qui l’emprisonnent… »[6].
3. Une transmission réussie résulte d’une intégration réussie
J’ai lu plusieurs études sur la transmission culturelle concernant les mexicains aux Etats Unis, Les Réunionnais au sein de l’île même, les polonais en France et les pakistanais au Canada.
Il y a deux types de courants. Ceux qui embrasse la culture de pays d’accueil par amour, curiosité et s’intègrent. C’est le cas dans l’étude polonaise de Marianna Poulet. Elle a conduit des entretiens avec plusieurs immigrantes polonaises dont une témoigne : « j’avais envie d’apprendre la cuisine d’ici ! J’étais curieuse des habitudes des gens d’ici, et puis j’avais envie surtout ! […]J’ai intégré dans ma façon de vivre les traditions et les fêtes familiales de mon mari. J’ai construit beaucoup de chose autour de mon enfant. J’ai pris le meilleur de ma culture et de la culture française et j’ai essayé de regrouper les deux ». Elle me semble avoir atteint le modèle parfait de symbiose culturelle. Mais je suppose que de base il y avait certains points commun. Au niveau de la religion, il avait les mêmes fêtes mais différentes façon de les célébrer. Ils avaient des bases communes de pays européen et donc relativement moins de stigmatisation par rapport à quelqu’un qui vient de tiers monde. Les polonais partagent les mêmes notions à propos de travail des femmes, du style vestimentaire similaire au niveau de normes pudique. Ils ont la même couleur de peau donc une fois la langue de pays d’accueil apprise, l’intégration est naturelle et le caractère d’ « immigrants » difficile à détecter.
L’autre courant concerne les mexicains aux Etats-Unis, les réunionnais et les pakistanais au Canada, notre physique étant un passeport vivant de nos origine atteindre ce niveau d’intégration semble de base difficile. Si dans un premier temps l’individu s’adapte à la société, la société doit aussi faire l’effort de s’adapter à l’individu. Le dilemme est que dans ce contrat l’individu doit abandonner les valeurs en désaccord avec la société d’accueil, en France cela signifie abandonner sa religion or pour les pakistanais la religion est une partie intégrante de leur identité. De plus, on voit dans le film « Va, vit et devient » O combien cette abandon n’est pas naturelle.
4. Qu’est ce que la culture Pakistanaise ?
Gardons cela en tête et avant d’aller faire un état des lieux de la transmission culturelle dans la diaspora Pakistanaise, je vous propose de s’arrêter sur un article de DAWN, publié en 2015 et qui s’intitule La culture Pakistanaise : évolution, transformation et mutation[7]. Ce qui est appréciable dans cet article c’est que ça ne s’est pas arrêté aux aspects les plus acceptables de la culture.
L’article explique que le « Pakistan a vu le jour en 1947 suivant une théorie nationaliste qui décrivait les musulmans de l’Inde comme une culture et une entité politique à part dans la région. Les gauchistes et les partisans libéraux de Mohammad Ali Jinnah, fondateur de Pakistan, ont interprété cette impulsion séparatiste comme une tentative de créer un pays à majorité musulmane qui va d’office annihiler l’atmosphère de conflits intercommunautaires qui avait envahi l’Inde à l’époque.
Mais alors que les libéraux et la gauche ont considéré le mouvement séparatiste comme juste une manœuvre politique pour protéger la minorité musulmane de L’inde de la vague des conflits de l’Inde pré-partition, la droite politique l’a interprété en termes théologiques. Pour eux, la création du Pakistan était une première étape pour établir un possible califat dans l’Asie du Sud
Mais les idées de la droite ont été défiées par les progressistes dans les années 60. Ceux-ci portaient l’idée que la culture pakistanaise n’était pas monolithique mais naturellement plurielle et l’islam était une de ses facettes et non l’intégrité. C’était la combinaison de toutes les cultures individuelles des différents courants islamiques et les groupe ethniques qui occupaient le territoire. Ils ajoutaient aussi que la culture pakistanaise avait aussi adopté des éléments de la culture occidentale en héritage de son passé coloniale.
Ce qui permet à la droite de les accuser de vouloir « singer les occidentaux » et de perpétuer les rites hindous. Même si la droite elle-même est accusée d’inciter les pakistanais à « singer les arabes » et accepter un statut d’un musulman de seconde zone.
A l’heure actuelle, la définition officielle de la culture Pakistanaise reste vague et l’état se doit encore d’embrasser ses différentes ethnies, religions et les cultures sectaires qui y évoluent depuis des siècles. Il n’y a pas de mal à absorber des influences positives de l’extérieur. Parce que si les conservateurs considèrent que l’influence occidentale est non islamique et alien à la culture pakistanaise c’est aussi le cas des influences provenant des pays de Golf qui nient les courants religieux indigènes du Pakistan. Le pays possède ses propres mouvements libéraux et conservateurs qui sont en accord avec l’évolution des sociétés et personnes à identités plurielles tout au long de la rivière Indus.
La volonté de remplacer au moyen d’ingénierie culturel les identités plurielles par une seule idéologie et identité social ne va que générer des problèmes et empiéter sur l’authenticité de la nation pakistanaise. »
Cet article offre un bon nombre clichés qui sont surprenant :
Les femmes paraissent très émancipées on y voit les filles pratiquant de taekwondo en 1948 ou sur la plage en robes sans manches ou encore entrain de fumer, chanter, danser, lire de la poésie. Les publicités sur les marques d’alcool et bières, les soirées dansantes, des publicités des cabarets, des établissements comme le cinéma et les clubs racontent un pan de la société aujourd’hui devenue invisible et tabou au Pakistan. On apprend également que c’était une société ouverte d’esprit dans l’accueil des étrangers sur son sol, on voit des banderoles de bienvenues pour Jackie Kennedy et des touristes hommes et femmes sans escortes , le pape Jean Paul II en visite auprès de la communauté chrétienne en 1981.
On en conclut donc que la culture est pluriel et en mouvance. Un exemple concret de ces changements intra culturelles à été illustré par Mariam Abou Zahab sur les rites shittes dans une conférence sur YouTube[8] : « Les rites shiites qui ont beaucoup changé. Après la révolution iranienne, il y a eu la volonté d’un groupe de gens jeunes et élite éduquée de faire le ménage dans les rites qui étaient hindoues. Donc il y a eu des rites beaucoup plus rationnels, austère à l’iranienne. C’a marché un petit peu pour une minorité de gens (les gens qui ont 60 ans en 2017). Au début de l’année 90, les violences contre les processions ont eu deux conséquences : les sunnites ne participaient plus aux processions. Donc c’est devenu [exclusivement] shiite avec le temps. Et les shiites ont commencé à faire des processions de plus en plus ostensoirs pour affirmer qu’ils n’avaient pas peur eux. Et puis avec le temps ce qui était devenu plus austère dans les habits et dans les prêches […] les prédicateurs ont changé leur style et adopté le style punjabi, [où ils s’évanouissaient d’émotion à la fin]. Avant on venait pour apprendre des choses, écouter les femmes qui passait de persan à l’ourdou, de l’ourdou à l’arabe. La poésie était extraordinaire. C’était éducatif. Et puis d’un coup on est revenu à des récits de Karbala qui partaient dans tous les sens pour faire pleurer les gens, on revenu à des choses plus locale et les pratiques hindoues sont revenues [comme] marcher sur les braises. Il y avait que Begum Sheesh Mehal 1970 à Karachi qui faisait ça ramené par les mohajjir. D’année en année, il y avait de plus en plus d’endroits au Punjab où on marchait sur des braises. Et puis on a trouvé une justification pour dire pourquoi les shiites faisaient cela : c’était Zainab qui courait sur le sable brulant d’une tente à l’autre sur la scène de Karbala. Les rites changent tout le temps et ça dépend de l’endroit. Sur 40 ans d’expérience, on introduit toujours de nouvelles choses. »
5. Conclusion
Ainsi, dans ce podcast nous avons décrit l’identité culturelle, nous avons définit la culture pakistanaise et exploré son caractère multiple et changeant.
Restez connectés avec nous pour les prochains épisodes sur les mêmes thèmes et n’hésitez pas à partager autour de vous si vous avez apprécié l’épisode.
Prenez soins de vous Salam Aleekum
[1] Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet – 6 août 1982. https://www.bak.admin.ch/bak/fr/home/themes/definition-de-la-culture-par-l-unesco.html#:~:text=%C2%ABLa%20culture%2C%20dans%20son%20sens,soci%C3%A9t%C3%A9%20ou%20un%20groupe%20social.
[2] Patrick CHAREAUDAU, L’Identité culturelle entre soi et l’autre, Actes du colloque de Louvain-la-Neuve en 2005, [en ligne] http://www.patrick-charaudeau.com/L-identite-culturelle-entre-soi-et.html 2009.
[3] Famille comme lieu de transmission, transmission et héritage. Mariana poulet 2016
[4] https://tplmoms.com/2015/09/24/comment-transmettre-un-heritage-culturel-un-enfant-bi-ou-multiculturel/
[5] Edward T. HALL, Au-delà de la culture, Collection Points Essais, Les Éditions du Seuil, Paris, 1987.
[6] Source 4
[7] https://www.dawn.com/news/print/1174696
[8] https://www.youtube.com/watch?v=szuc8UfQvXM&ab_channel=iReMMO
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1 février 2021 / admin / 0 Comments
A. Sur les traces de mon Identité
I. Identité
1. Introduction
Bismillahirahmaniraheem. Salam Aleekum, dans ce podcast nous allons un peu rétropédaler. Nous avons beaucoup parlé de l’identité hybride et questionné l’identité de la diaspora Pakistanaise. Mais concrètement, qu’est ce que l’identité ?
Dans son étude Education et Transmission familiale de l’identité culturelle à la réunion : Entre refus et appropriation[1], Alexandrine Dijoux fait un remarquable travail de définition de l’identité et les différentes réactions qu’on peut avoir.
L’« identité » est un terme polysémique. Sa définition est donc difficile car elle est très personnelle et très différente en fonction des personnes ; elle évolue tout le temps. Mais d’une manière générale, étymologiquement, selon le Robert, l’« identité » vient du latin « identitas », de « idem » qui signifie « le même ». Elle renvoie à ce par quoi un individu, un groupe se sent définit, accepté et reconnu comme tel par autrui. L’« identité » renvoie à la question « qui ? » et à l’être : être quelqu’un.
Elle est multiple : identité personnelle et Identité sociale, professionnelle, culturelle.
i. Identité personnelle
L’identité personnelle pour le psychologue Pierre TAP, est « le sentiment d’identité, c’est-à-dire le fait que l’individu se perçoit le même, reste le même dans le temps » Le prénom est donc un attribut de l’identité personnelle, ce qui le rend unique mais il partage d’autres attributs commune à la société auquel il appartient. Ce qui forme l’identité sociale.
ii. Identité sociale
Le plus évident marqueur de l’identité sociale est le phénotype, les traits sont similaires, les couleurs sont proches. Ensuite, il y a le partage des statues sociales et légales similaires : Les individus appartenant à une même société vont avoir tendance à idéaliser ou exercer certains métiers et se partager la même identité légale au niveau des nationalités, doits et passeports. Cette identité sociale englobe les différents groupes auxquelles on peut appartenir : pakistanais, français, européen, sud-asiatique, femmes, hommes, jeunes, vieux, riches pauvres, etc sachant que la famille est le premier groupe d’appartenance observable. Par opposition au prénom, le patronyme ou matronyme, lui est un signe d’origine. « Grâce à lui, on peut définir la parenté et faire le lien avec la lignée, l’histoire personnelle… C’est le marqueur de la filiation, de la génération, mais c’est parfois aussi un classificateur indiquant un ancrage local d’une région, d’un pays ou encore d’un statut social. Il s’agit là d’une difficulté pour les descendants d’esclaves qui n’ont pas eu droit d’utiliser leur réel patronyme ; difficulté également pour ceux dont le phénotype ne correspond pas toujours au patronyme. »
iii. Identité professionnelle
Le sociologue Renaud SAINSAULIEU, dans son livre L’identité au travail soutient que « l’entreprise est une petite société et donc aussi un lieu où, par la socialisation collective au travail, se construit l’identité et se fait la réalisation de soi. » Un emploi se traduit par une identité sociale et influe sur son image de soi. L’individu construit son identité professionnelle sur son identité sociale, et inversement son identité sociale se construit sur son identité professionnelle.
iv. Identité collective, culturelle et ethnique
L’identité collective quant à elle, regroupe les membres d’une communauté, qui dépassant leurs inégalités sociales se sentant attachés à une même langue et histoire ainsi qu’aux symboles et valeurs communes.
Appartenir à une culture, à une identité culturelle, implique selon Carmel CAMILLERI1 « qu’on soit reconnu comme semblable aux autres ».On acquiert cette culture via le phénomène dit « socialisation ou de enculturation » qui commence dès l’enfance et dure tout au long de la vie, toujours en construction, toujours inachevé » L’identité culturelle va se définir dans le temps et dans l’espace car les mœurs évoluent avec le temps et diffèrent au sein même d’une territoire. Il est quasi impossible d’en capter l’essence par écrit car en perpétuelle mutation, toute description est obsolète avant même de paraître.
2. Donc finalement ? Qu’est ce que l’identité ?
L’identité est multidimensionnelle avec une composante de l’identité personnelle qui est subjective, une composante objective qui est identité sociale, et l’identité culturelle qui est mouvante. Tout en étant plurielle, écrit Etienne BOURGEOIS, docteur en Sciences de l’Education, l’identité « n’est pas une juxtaposition de ces multiples identités. Elle en constitue l’intégration en un tout structuré, plus ou moins cohérent et fonctionnel ». Selon Erik Erikson, psychanalyste américain : L’identité a un caractère fluide, de transformation jamais achevée.
On peut donc en conclure que l’identité est la double articulation d’une composante permanente et d’une composante changeante. C’est un phénomène instable soumis au temps : Elle se repose sur l’histoire, sur l’époque actuelle et nos projets. D’autre part elle est soumise aux relations sociales : on va se définir relativement aux autres.
L’individu reste tout de même acteur conscient ou non dans la construction de son identité. Lorsque la société leur attribue une identité sociale et ethnique, les minorités ont des comportements diversifiés allant de rejet, négociation à l’acceptation. Pour cela elles peuvent avoir recours à plusieurs stratégies : On va essayer de définir succinctement quelques stratégies :
i. L’intériorisation
L’intériorisation consiste à accepter totalement l’image qu’on associe au groupe même s’il n’est pas juste.
ii. La surenchère
Dans la surenchère on va accepter l’identité assignée mais aussi mettre en avant les traits les plus stigmatisant en avant. Cette stratégie est individuelle.
iii. Le contournement
Lorsque les critères identitaires assignés sont assez floues, cela permet à un groupe de ne pas se sentir concerné et se construire une autre espace identitaire propre à lui.
iv. Le retournement sémantique
L’identité assignée est respectée mais transforme la négativité en positivité. C’est une des stratégies les plus fréquentes que de transformer ses faiblesses en ses points forts.
v. L’instrumentalisation de l’identité assignée
C’est un mode d’acceptation ou le groupe se rend compte des injustices et tente de les utiliser à son avantage.
vi. La recomposition identitaire
La recomposition identitaire vise à donner un nouveau sens aux attributs assignés même si ce n’est pas authentique.
vii. L’assignation au majoritaire
Les individus vont embrasser les valeurs du groupe majoritaires afin d’accéder à leur identité sociale. Leurs tactiques sont multiples :
- Changement de prénom et de patronyme
- Adoption à 100% de la langue majoritaire délaissant la langue d’origine
- Etablir son domicile à l’écart des individus de groupe minoritaire
- Changement d’identité nationale à travers la naturalisation
viii. Le déni
Le refus net d’accepter les traits assignés aux groupes.
ix. L’action collective
Stratégie collective par un groupe pour contester et revaloriser collectivement leur identité. Comme la condition des femmes par exemple.
3. Conclusion
Pour conclure, d’après cette étude on constate que l’identité a une constante permanente et l’autre constante est justement le changement car l’identité change en fonction de temps et espace. Les individus et les groupes ont différentes stratégie pour conserver leur identité ou de l’abandonner. J’espère que ces définitions nous permettront de mieux comprendre les podcast à venir inshallah. Selon vous, quelles sont les stratégies identitaires que les pakistanais de France ont adopté ?
Merci d’avoir écouté ce podcast, n’hésitez pas à partager avec vos amis et votre famille. Vous pouvez nous retrouver sur instagram et facebook avec le nom @oraqpodcast. Vous pouvez également lire l’article associé sur notre site. Vos commentaires et remarques sont toujours bienvenus et essentiel pour continuer la discussion. Gardez nous dans vos prières à bientôt inshallah.
[1] https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01127947
8 janvier 2021 / admin / 0 Comments
A. Sur les traces de mon Identité
VIII. Entre inclusion et exclusion : une étude de Sonia Butt-Awan
1. Introduction
Nous avons parcouru ensemble dans les précédents podcasts le chemin emprunté par la diaspora Pakistanaise en France. J’ai eu de la chance de pouvoir lire la thèse qui s’intitule Entre Inclusion et exclusion, une étude comparative des Pakistanais en France et les Pakistanais à Oldham, en Grande bretagne de Sonia Butt-Awan qui vient d’être publié en Septembre 2020.
Salam aleekum Sonia, je suis très contente de pouvoir discuter avec toi aujourd’hui.
Plaisir Partagé ! Merci de m’avoir invitée sur ton plateau.
2. Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Oui bien sûr ! Je suis doctorante à la Sorbonne Nouvelle et ma recherche de doctorat se focalise sur la Diaspora Pakistanaise en France. Mon mémoire de M1 traitait du syndicalisme au Port de Karachi dans l’empire britannique. L’année d’après, j’ai fait ma dissertation de M2 sur le statut comparé des Pakistanais ici et au Royaume Uni, et j’ai eu un retour très encourageant pour ce travail de recherche, c’est pourquoi j’ai décidé de faire un doctorat.
3. Pourquoi tu as été amenée à faire cette étude ? Dans ce domaine où il y a finalement peu de noms familiers (à consonance orientale)…
Je me posais beaucoup de questions sur les Pakistanais en France. Les Pakistanais que l’on voit un peu partout, des hommes seuls et sans papiers, sont très différents des Pakistanais qui sont venus travailler en France dans les années 1970, et qui sont finalement restés en France. Je voulais mener l’enquête pour pouvoir présenter, écrire et décrire la communauté Pakistanaise de France, une communauté d’environ 100 mille personnes aujourd’hui et un peu plus si on compte les sans-papiers. Et c’est justement le fait qu’il y ait si peu de recherche sur cette Diaspora que moi je m’y suis intéressée. Au départ, ma recherche devait se focaliser sur les Pakistanais de France mais finalement, j’ai fait une étude comparative et tout compte fait, c’est bien mieux comme ça car la comparaison permet de mettre en évidence pas mal d’aspects auxquels on ne pense pas autrement
4. Tu commences ta thèse par une citation de Kalra :
Si la migration a pu être au cœur d’une formation d’une nation-état, alors Pakistan est le meilleur exemple de pays émergeant des mouvements de peuples… Les implications indirects de la partition sont encore de nos jours au stade d’exploration mais il est possible de supposer que le déracinement massive initial a provoqué une sorte de dislocation psycho-social et qui facilite les migrations futures plus facile à entreprendre.
Est-ce que tu penses que la diaspora actuelle de quelque pays que ce soit est voué à errer ? Chaque génération marquée par sa migration ?
J’ai été très marquée par la citation de Kalra et impressionnée par le travail exceptionnel qu’il avait fait sur les Pakistanais d’Oldham en 2000, juste un an avant les émeutes. Ceci dit, oui chaque génération est marquée par la migration et par son statut ‘issus de l’immigration’ mais ce n’est pas pour autant que toute Diaspora d’un pays quelconque, soit vouée à errer ou à échouer. Et justement, ma recherche actuelle se focalise sur le transnationalisme…. Aujourd’hui il n’est plus question de rester ou de rentrer mais de construire des ponts, créer des liens, jouer la carte de la double identité, sans être déloyal ou désengagé pour autant ……
Effectivement je suis d’accord que maintenant un travail d’un autre genre doit commencer.
Tu as pris comme étude de cas deux villes : La ville de Villers le Bel et Oldham. Le profil de personnes qui sont venus en France dans les années 70 sont plus tôt des jeunes hommes punjabis relativement éduqués et les ‘babas’ qui s’installent à Oldham sont des Mirpuris dans leurs trentaine dans les années 50. Ces deux populations ont des trajectoires différentes.
5. Tu peux par exemple de nous parler des mirpuris d’abord ? Comment ces deux populations vont s’adapter à leur pays d’accueil ?
Pour moi, la découverte des Mirpuris fut très intéressante et révélatrice d’un point de vue anthropologique et sociologique. Même s’il est vrai que des milliers d’hommes ont quitté leurs villages lorsque le gouvernement décida d’y construire un réservoir d’eau, les habitants de Mirpur étaient déjà très mobiles bien avant cela. Mais, dès 1962, la construction du réservoir se présente comme une opportunité unique. Le gouvernement Pakistanais délivra des passeports, des visas et parfois même des promesses d’embauche à ces hommes, qui eux finalement n’étaient que des agriculteurs et des fermiers illettrés. Une fois arrivés au Royaume Uni, même s’ils ont réussi à trouver du travail dans les usines de coton du Lancashire, ces hommes ont fait très peu d’efforts pour vraiment s’intégrer, apprendre l’anglais ou le savoir-vivre à la British, ou bien même sociabiliser d’une manière quelconque. Ils pensaient rester quelques années et rentrer au pays, d’où le fameux mythe du retour. Or, dans les décennies suivantes, avec l’arrivée des familles, les choses se sont empirées car les nouveaux arrivants ont bénéficié de l’aide des familles déjà installées.
Ainsi, des communautés minoritaires se sont formées et installées à Oldham sans qu’il n’ y ait aucune tentative de créer des liens avec les habitants blancs de la ville. Ces Mirpuris, hommes et femmes, pratiquaient un Islam barbare, à connotation sufi, fondée plus sur des superstitions que sur les textes sacrées. Au lieu de manœuvrer pour la construction de bonnes écoles et une amélioration de leurs conditions de vie de quartier, ces Mirpuris ont insisté sur la construction de mosquées. Dans les années 1980, alors que les usines de coton se fermaient l’une après l’autre, des pères et des fils se sont tous retrouvés au chômage en même temps. Cependant, les élus travaillistes ont bien profité de l’ignorance de l’électorat Mirpuri sans donner grand-chose en retour. Cela dit, Oldham n’était pas une ville très accueillante et dynamique, au contraire c’était l’une des villes les plus pauvres du Royaume Uni ; une ville travailliste ou les partis politiques d’extrême droite et les nationalistes blancs étaient très actifs voire agressifs et malveillants vis-à-vis des communautés d’origine étrangère. Il va sans dire que l’intégration est un processus qui va dans les deux sens.
6. En France qu’est ce qui était différent ?
A peu près tout dirais-je. Les migrants Pakistanais des années 1970s étaient des hommes venus des grandes villes du Punjab et pas mal d’entre eux avait fait des études. Ils appartenaient souvent à des familles relativement aisées car pour partir travailler en France, il fallait financer le voyage. Habitants de moyennes et grandes villes, ils avaient eu accès au cinéma et à la radio pakistanaise ourdou et c’est aussi à travers ces média que ces hommes ont trouvé des modèles et pris connaissance des modes et des tendances. Désormais, ils rêvaient d’une vie meilleure. C’est pourquoi, arrivés en France, ils ont tout de suite apprécié le mode de vie français et l’opportunité qui se présentait à eux. Ils ont trouvé du travail dans les usines ou ateliers de Paris et ses environs et ils se sont tous dispersés au fil du temps. Ça c’était bien, parce que justement, ça leur a permis de s’intégrer, d’apprendre le français, de socialiser et de se faire des amis. Une fois qu’ils ont obtenu le droit de travailler et de vivre en France, ils sont retournés au Pakistan pour se marier mais pas avec n’importe qui. Ils se sont souvent mariés dans des familles plus aisées et plus urbanisées. Et pour la même raison, une fois en France, ces femmes pakistanaises ont, pour la plupart, réussi leur intégration mais aussi la réussite scolaire de leurs enfants……
Ceci dit, n’oublions pas que les modèles sociaux français et britanniques sont très différents. En France, la formation de ghettos ethniques et le communautarisme sont mal vus, et on met l’accent sur l’intégration de l’individu. Au Royaume Uni, il y a plus de liberté pour la pratique religieuse, et tout comme aux Etats Unis, les notions de multiculturalisme et communautarisme sont largement répandues et acceptées. Or, au Royaume Uni, dans beaucoup de villes, le secteur du logement est quasi monopolisé par les bailleurs privés, il en est de même pour les zones pavillonnaires ou devenir propriétaire est un jeu d’enfant. Malheureusement, cela crée un contexte facilitant et favorisant la formation de ghettos ethniques. Ainsi, par crainte d’injures raciales ou d’agression, les communautés minoritaires ont souvent eu tendance à rester dans certains quartiers, sans faire aucun effort d’apprentissage ou d’intégration. C’est un peu ce qui s’est passé à Oldham….
7. Une des grandes difficultés des Mirpuris c’était l’absence de modèles n’est ce pas, ils se sont contentés de peu.
D’une certaine façon, oui, peut-être, mais n’oublions pas que dans les usines, ces Mirpuris travaillaient avec des responsables qui étaient souvent Punjabis. Eux au contraire ont pu bénéficier de la mobilité sociale et d’un cadre de vie meilleur, ils ont aussi réussi leur reconversion professionnelle même en restant à Oldham. Ils auraient très bien pu servir de modèles aux Mirpuris … C’était quand même une opportunité en or que de se retrouver au Royaume Uni, et être citoyen de droit. Mais malheureusement, ils ont accepté des mauvaises conditions de vie et de travail, ils sont restés dans le déni en se faisant croire que leur séjour au Royaume Uni serait de courte durée. S’il y avait vraiment quelqu’un qui avait besoin d’un modèle, c’étaient les enfants qui vivaient dans ces foyers défavorisés et dans ces quartiers précaires. Ici, pas question de réussite scolaire ou sociale mais plutôt de mariages arrangés entre cousins. Ainsi, à aucun moment ces hommes et femmes n’ont-elles essayé de rompre le cycle de la pauvreté et de l’ignorance, ni de questionner leurs propres croyances et pratiques culturelles ou religieuses …. D’où le fameux adage: Dis-moi d’où tu viens, je te dirai où tu vas …. En fin de compte, ces Mirpuris sont restés fidèles à qui ils étaient et d’où ils venaient….
8. Et un des atouts des jeunes franco-pakistanais c’est qu’il avait des parents ambitieux.
On peut appeler ça ambitieux, si on veut, mais en réalité c’est qu’ils étaient suffisamment éveillés et relativement urbains pour se rendre compte de la chance qu’ils avaient eu. En comparaison, en France, les berbères d’Afrique du Nord ont eu les mêmes difficultés d’intégration que les Mirpuris au Royaume Uni car ils étaient eux aussi ruraux. Il faut être conscients que dans toute société occidentale moderne, l’intégration demande de réels efforts, un engagement inébranlable. Mais aussi, l’intégration commence avec la première génération car ce sont les parents qui montrent le chemin aux enfants, ils apprennent le respect de l’autre mais aussi des valeurs de l’autre. J’ai pu constater qu’en France les mamans des années 1970s et années 1980s ont pu trouver le juste milieu entre l’assimilation et l’intégration. Cette première génération a compris qu’on ne peut réussir que si on accepte de s’intégrer, ou au moins jusqu’à un certain point et sans oublier pour autant qui on est, ou d’où on vient ….
9. Donc pour toi qui étaient les plus inclus dans leur société ?
C’est une question difficile. Ma recherche démontre qu’en termes de réussite économique et sociale, ou ce qu’on pourrait qualifier d’une amélioration du niveau de vie et de mobilité sociale visible et quantifiable, les Pakistanais en France sont gagnants et mieux intégrés dans la société d’accueil. Cependant, ils n’ont pas réussi à intégrer la sphère politique française, même au niveau local ou municipal, ce qui est quand même dommage.
10. Ce qu’on remarque à travers ton étude est que le biraderi a joué un rôle mineur et plutôt positif de l’entraide en France. Mais par contre en France les castes ont quand même érigé des barrières pour les mariages…
Il est vrai qu’en France, le biraderi a joué un rôle plutôt réduit car les Pakistanais qui se trouvaient ici, venaient souvent de villes ou villages différents, parfois même éloignés. Le biraderi est cependant resté très influent au Royaume Uni, surtout dans le domaine du mariage. Or, je ne pense pas qu’en France, le biraderi ait érigé des barrières ou imposé des restrictions dans le cadre du mariage, et le cas que je mentionne dans mon mémoire est un cas, dirais-je, extrême et isolé. C’est avec un certain soulagement que je peux dire que l’accès à l’école publique, puis à l’enseignement supérieur ont permis à la plupart des franco-pakistanais de 2e génération de choisir leur partenaire et d’avoir leur mot à dire. La difficulté que je vois aujourd’hui c’est que les filles ont fait beaucoup plus d’études que les garçons, et naturellement elles sont plus exigeantes comparée à la génération précédente. Du coup, trouver des rishtas devient beaucoup plus difficile, sachant que la communauté pakistanaise en France dépasse à peine les 100 mille personnes. Mais les parents aujourd’hui sont beaucoup plus sensibles et raisonnables qu’avant, ils essaient tout de même de faire du matchmaking au lieu d’imposer leurs choix aux enfants.
11. J’aime beaucoup le portrait complexe que tu as pu nous fournir. Je trouve que c’est assez objectif. Que ce soit au niveau de racisme, les problèmes des classes sociales défavorisées locales vis-à-vis des mirpuris. Les mirpuris ont fait le choix d’entre-soi pour ne pas contaminer leur façon de vivre. Mais les pakistanais en France (des hommes généralement ) se sont souciés de la religion que lors de regroupement familial. Est-ce que la religion c’est une affaire réservée aux femmes ?
Alors je pense que les hommes Mirpuris se sont en effet souciés de la religion dès le début raison pour laquelle ils n’ont pas voulu sociabiliser ou s’intégrer, ou comme tu le dis, ils ne voulaient pas contaminer leur façon de vivre ou de laisser leurs propres valeurs et croyances se diluer. Puisqu’ils percevaient leur séjour au Royaume Uni comme temporaire, ils n’ont fait aucun effort pour rendre leur existence un peu plus en conformité avec la ‘norme occidentale’. En comparaison, les Punjabis du Royaume Uni et ceux de France ont eu bien plus de succès dans ce sens là, ils ont vite évalué la situation et le mindset des anglais et des français, pour dresser un constat et s’adapter! Les Pakistanais de France ont vite compris ce qu’était la laïcité, et puis les années 1970s, c’était aussi la période ou le racisme frappait les Algériens de plein fouet, donc en France la religion c’était à la maison! Ceci dit, je ne pense pas que la religion soit une affaire de femmes mais les hommes, les migrants, étaient venus surtout pour travailler et lors du regroupement familial, les femmes ont vite rappelé les hommes à l’ordre ! Après, avec la naissance des enfants, les mamans ont eu la responsabilité de les éduquer et de leur apprendre le Coran à la maison…Je pense que pour nos mamans, c’était un peu comme une évidence, si elles ne le faisaient pas, personne d’autres n’allait le faire à leur place …..
12. Tu conclus très justement que l’inclusion totale est en mythe et chacun place son cursus en fonction de certains facteurs. Tu es une maman aussi, aujourd’hui. Comment en tant que mère tu vis cette dualité ? Est-ce que tu sens que tes enafants se posent des questions ?
Oui, bien sûr, c’est pas toujours facile de trouver le juste milieu quand on est issu de l’immigration mais qu’on doit vivre et élever ses enfants dans une société occidentale laïque. Je ne dirai pas que je vis mal cette dualité mais je pense que mes enfants ont parfois du mal à comprendre d’ou ils viennent, qui ils sont, quelle est la culture pakistanaise, ce qu’est l’Islam… Tout cela, il est important de le faire connaître à nos enfants pour qu’ils soient bien ancrés dans leurs vies. La double nationalité, c’est une force, avoir une double culture, c’est une richesse. Et pour ceux qui se posent des questions, je dirai, allez chercher les réponses, essayer de mieux vous connaître et aussi de connaître les autres.
13. Conclusion
Subhanallah, cette réponse me touche énormément et touchera certainement les auditeurs J Il est temps pour nous de plier bagage.
14. Avant de partir Sonia, Aurais-tu quelques choses à ajouter ? Un message à faire passer aux gens qui se pose des questions sur leurs identités ?
Je ne sais pas si je suis sur le bon plateau pour dire cela mais oui, je voudrais dire, continuez d’apprendre, n’arrêtez pas vos études, il n’y aucune honte à être le senior de la classe et la maturité intellectuelle, c’est un don aussi. Je vois malheureusement beaucoup trop de jeunes qui ne finissent pas leurs études et cela m’attriste, c’est vraiment dommage. Pour ceux qui se posent des questions sur leurs identités, encore une fois, lisez, cultivez-vous! Je suis sûre que dans les livres, vous trouverez pas mal de réponses.
Exactement ! je ne peux qu’appuyer cette recommandation. On va donc terminer le podcast sur cette note. Pour aller plus loin vous pouvez lire
- From Textile Mills to Taxi Ranks de Virinda Kalra
- Voir le reportage Divided Britain
- Solliciter Sonia pour avoir accès à sa mémoire.
Merci beaucoup pour ton temps. Je te souhaite beaucoup de succès dans ta vie personnelle, spirituelle et professionnelle inshallah.
1 janvier 2021 / admin / 0 Comments
A. Sur les traces de mon Identité
VII. La déconstruction de mythe de retour
1. Introduction
Avec toutes les discussions dans les précédents podcasts vous vous êtes sentis riches de la culture pakistanaise et vous vous êtes peut-être même sentis nostalgiques. Mais comme une de mes amies témoignait dans le premier épisode, la diaspora pakistanaise n’aime le Pakistan que de loin. Alors ? Est-ce vrai ? Dans quelle mesure ? Pourquoi la diaspora aime le Pakistan ? Et pourquoi en vérité ils ne peuvent y vivre qu’à petite dose ? Loin de moi l’idée de vous critiquer, n’oublions pas nous sommes dans le même panier. Je préfère qu’on se pose ces questions soi-même avant que quelqu’un d’autres ne les utilise pour nous faire du mal. Oui, confronter la vérité fait mal. Mais une fois que nous aurons fait ce travail de déconstruction nous pourrions justement trouver une équilibre entre notre passé et notre présent. Peut-être, est ce le moment de s’assoir avec soi et redéfinir son rapport assumée avec le Pakistan en plaçant la jauge où on le juge le plus pertinent pour soi.
C’est aussi un moyen d’en finir une fois pour toute avec toutes ces agressions externes et internes de types : Ah ouais, tu t’es vraiment francisé.e toi ! tu parles comme un blanc.he ? T’es vraiment une blédarde ! Si tu aimes tellement le Pakistan, pourquoi tu ne t’y installes pas ? En vérité, c’est quoi « se franciser » ? Et de quoi parle un blanc.he ? Pourquoi agir comme un blédard, donc quelqu’un appartenant à votre pays d’origine est détestable ? Pourquoi chaque personne qui aime un autre pays devrait s’y expatrier ? Ah oui, désolée, beaucoup de questions. Mais ne vous inquiétez pas. Petit à petit nous pouvons répondre à tout cela.
Longtemps nos parents, la première génération d’immigrants ont tenu le discours de « on va repartir » au Pakistan. Et loin de nous remplir de joie, cela nous effrayait. Avant qu’on réalise que non seulement nous n’allions pas repartir au Pakistan mais que nos parents aussi n’allaient jamais y retourner. Pourquoi ?
Avant d’entrer dans le vif de sujet, je m’arrête un instant pour vous prévenir que ce podcast se veut neutre et illustrer les faits. Je n’élabore ici ma sympathie avec aucune classe politique sociale ou religieuse. Si ce n’est je n’ai pas pu m’empêcher de plus enquêter sur la condition féminine.
Dans certains retours, mes podcasts vous ont paru long, mais je fais le choix de ne pas les raccourcir afin de traiter un sujet d’une traite. Ainsi quand vous vous sentirez prêt vous allez prendre le temps d’écouter et maintenant que le podcast est disponible sur toutes les plateformes classiques de podcasts, vous pouvez vous arrêter où vous voulez et reprendre là où vous l’avez laissé.
2. Pourquoi vous n’allez pas rentrer au Pakistan
i. Liberté
La première raison de ne pas y retourner que j’élabore est la liberté. Le Pakistan est embourbé dans les divisions religieuses[1] et politiques.
Dans le schéma que j’ai mis dans l’article vous pouvez voir combien de ramifications partent des branches Sunni et Shia. Vous avez également les différents types de soufismes. Pourquoi, j’évoque les différentes ramifications religieuses sous la section de la liberté :parce que chacun s’emploie à prouver que l’autre est dans le faux. Le terme Wahabi peut être péjoratif et utilisé pour désigner quelqu’un de plus fondamentaliste que vous.[2] Cela draine une énergie folle qui peut être mis dans des œuvres plus constructives. Un mot de travers et on peut vous faire emprisonner pour des raisons politiques ou pour le blasphème. Dans la plupart des cas ces procès après enquête se révèlent être des histoires de jalousies professionnels ou des conflits fonciers. Et quelque en soit le résultat, il y a plus d’une personne prête à vous tuer à sortie de cours de justice.
Le Pakistan est un état islamique et la section 295(c ) du code pénal introduit en 1986 cautionne une punition de mort pour le coupable qui aurait prononcé des remarques dérogatoire contre le Prophète Mohammad (saw)[3]. Il faut comprendre qu’ici on ne remet pas question la loi du pays mais la fabrication des procès pour des différends personnels. Selon le reportage d’Arte intitulé Pakistan – Le blasphème et la mort[4] il y aurait eu 1500 procès sous la section 295c. Les avocats, les juges, les politiques qui auront le malheur de soulever des questions seront tués. Ainsi on décompte Shahbaz Bhatti, le ministre des minorités est tué le 02 Mars2011, Arif Iqbal Hussain Bhatti juge assassiné le 17 Octobre 1997, Rashid Rehman Avocat des droits humains abattu le 07 Mai 2014. Amjad Sabri, le célèbre qawwal lui est accusé de blasphème et est assassiné par des motards le 22 juin 2016.
Au-delà des différends religieux, les différends politiques font aussi des victimes. Benazir Bhutto est assassinée le 27 décembre 2007. Plus marquant encore le procès de Zulfikar Ali Bhutto qui est exécuté par Zia ul Haq dont « l’impartialité des procès a souvent été contesté, notamment par Ramsey Clark qui a assisté à des audiences. Il note que l’accusation reposait uniquement sur les témoignages d’officiers emprisonnés depuis le coup d’État, dont l’un est revenu sur ses déclarations, affirmant qu’elles avaient été obtenues sous la contrainte »[5]
A Quetta les attentats contre les shiites Hazara font une centaine de morts. Les attentats contre les chrétiens se sont produits à Lahore et à Peshawar. Les sikhs sont enlevés dans les zones tribales contre rançon puis retrouvés décapités. Les ismaéliens sont tués dans bus avec 45 victimes à déplorer. Les Ahmedis sont déclarés non musulmans par un amendement à la constitution en 1974.
Les femmes et les enfants ne sont plus épargnés, le plus sanglant exemple reste l’attentat sur une école en 2014 avec 132 enfants et 141 victimes au total et le récent attentat de 27 octobre de cette année dans une école coranique faisant 7 morts et 50[6] blessés. Ce code de protection des femmes et enfants est brisé désormais et les violences n’étant pas adressées, les attentats sont de plus en plus violents. Les gens sont devenus extrêmement résignés car aucun de ces attentats ne sert d’électrochoc aux politiques.
C’est ironique qu’un pays qui a été créé pour l’union et la sécurité des musulmans, personne, absolument personne n’est à l’abri de l’autre. Cet autre qui a été créé ou qui est naturel, qu’on a du mal à respecter et accepter.
La division sectaire au Pakistan qu’on critique tant est exploité par les pakistanais comme une excuse pour demander l’asiles auprès des pays étrangers parce que chaque groupe est menacé par l’autre. Et offre un terrain idéal pour ceux qui chérissent le chaos pour agir.
ii. Droits humains
Le deuxième point que j’aborde c’est les droits humains.
Le Pakistan est un pays à la majorité musulmane mais un tiers de notre drapeau est blanc et cela signifie l’inclusion des minorités. Actuellement, les non musulmans sont des citoyens de 2nde zone. Il y a une vraie ségrégation vis-à-vis de travail, de partage de repas par exemple. Ils sont carrément considéré comme impurs. Là, je vais vous envoyer vers une autre émission d’Arte Curé, fan de foot et …sauveur d’esclaves[7]. Par ailleurs dans une conférence, Mariam Abou Zahab, chercheur à CERI explique : « Les chrétiens au Punjab sont les anciens intouchables hindous dont la conversion date de 1880 (donc c’est assez récent). Le Punjab est devenu britannique assez tard et les missionnaires ne pouvaient pas aller faire du prosélytisme. Il y avait beaucoup d’intouchables dans le Punjab. Il y a toujours beaucoup d’intouchable au Punjab indien. Les intouchable espéraient à travers leurs conversion à l’islam, christianisme ou sikhisme de s’échapper au système de castes hindoues. Mais ils ont gardé les mêmes professions dont les professions d’impureté car ils étaient de basse caste. Il y avait des structures sociales avant l’Islam et qui sont restées. Les hiérarchies sociales sont très importantes dans cette région. Donc on continue de s’en prendre aux chrétiens comme on continue de s’en prendre aux basses castes au Nord de L’Inde au Bihar notamment. »
La traite des esclaves a été abolie mais le trafic humain au Pakistan continue. Une ONG portes ouvertes estime que plus de 700 jeunes filles chrétiennes sont enlevée chaque année pour des conversions forcées suivi de mariage forcées. [8] Le Pakistan occupe la deuxième place dans les statistiques liées au kidnapping [9] en 2018 avec 9.5 cas pour chaque 100 000 personnes.
Après vous avoir parlé d’une minorité, je vais vous parler d’une majorité qui constitue 48 % de la population du pays : les femmes. Le climat n’inspire confiance à personne, plus particulièrement pas aux femmes. Au Pakistan, il y a eu beaucoup de cas de viol non seulement sur les femmes mais sur des enfants ![10]En France, combien de femmes se sentent à l’aise en allant faire des courses dans les commerces ethniques ? Elles se sentent toutes dévisagées, scannées, jugées, réduites à la chaire. La plus part de filles ne sont pas prêtes à aller subir ces regards partout 24h/24. Elles ont appris à interagir ici, et ont peur qu’on interprète mal leurs gestes dans un milieu de travail qui n’a pas les mêmes codes. « Elle vient de la France donc elle est forcément open. »
Concernant les filles, il y a 1000 crimes d’honneur[11] chaque année. « Selon la Commission des droits de l’homme du Pakistan (HRCP), 636 femmes sont mortes d’un crime d’honneur en 20078. En 2013, selon la Commission nationale des droits de l’Homme, ce sont près de 1 000 femmes ou adolescentes qui ont été tuées sous prétexte d’avoir déshonoré leur famille, le plus souvent en toute impunité. L’une d’entre elles était enceinte de trois mois9. Le cas de Qandeel Baloch a été quelque peu médiatisé : la blogueuse et chanteuse pakistanaise a été assassinée par son frère le 15 juillet 2016, qui a invoqué le crime d’honneur10,11. »
Mais le Pakistan ce n’est pas si mal, on peut avoir des domestiques pour nous faire à manger, pour faire le ménage, les tâches ménagères, tout. Certains ont même des domestiques à plein temps. Leurs familles habitant loin font confiance à la famille. Vous rappelez vous de Zohra Shah, petite domestique de 8 ans battue à mort par un couple pour avoir libéré leur perroquets ? [12] Souvent, on a tendance à confondre éducation et humanité. Mais c’est les plus éduquées qui gagnent le plus et donc peuvent se permettre des domestiques, mais leurs comportement font honte à l’éducation. J’ai vu des domestiques prendre soin des enfants qui avaient leur propre âge. Les gens n’ont pas de scrupules à les amener dans des fêtes où ils savent qu’elles seront mal à l’aise. Parce qu’elles n’ont pas d’habits appropriés ce qui les exclue encore un peu plus et voir tous ces gens gaspiller l’argent qu’elles gagnent si durement doit les dégoûter. Ces jeunes filles pour la plus part, se trouvent livrées à elle-même, mal à l’aise dans des restaurants où leurs maîtres ne même pas la peine de commander pour elles, ne leur laissant non plus le choix de rester à la maison parce qu’ils ne leur font pas confiance. Les agents de services à la personne ne sont pas considérés humains donc une appréciation à leur juste valeur est sans doute un trop en demander.
Un autre aspect d’inquiétude est comment les enfants transgenres sont traités : D’après les estimations de Khawaja Sira society 500 000[13] transgenre sont reniés le droit d’être aimé et élevé par leur famille même si les parents veulent les garder. Marvia Malik est la première présentatrice transgenre à la télévision pakistanaise. Elle raconte que « Ma famille ne m’a jamais acceptée, ni reconnue. » [14]
Les personnes avec un handicap ne sont pas mieux loties « Selon un rapport publié par le British Council, 72% des personnes handicapées ont déclaré que l’inaccessibilité était un obstacle majeur à l’accès à l’éducation, à la formation et à l’emploi. De plus, les personnes handicapées ont également été confrontées à des problèmes lors des élections générales et n’ont pas pu exercer leur droit de vote en raison de l’inaccessibilité du bureau de vote. »[15]
Les maladies psychologiques ne sont même pas considérées comme des maladies encore moins sont elle traitées. « La santé mentale est le domaine le plus négligé au Pakistan où 10 à 16% de la population, soit plus de 14 millions, souffre de maladies psychiatriques légères à modérées, dont la majorité sont des femmes. » [16] indique un article publié par International Journal of Emergency Mental Health and Human Resilience.
J’ai peint un tableau avec trop de noirceur. Il est temps d’ajouter quelques couleurs. On le sait tous que les mariages pakistanais sont un grand événement très coloré aussi bien en habits que les mets qu’on y consomme.
iii. Marriages
Une des couleurs qu’on n’aime pourtant pas est la si charmante couleur caramel. Le racisme envers soi est tellement prégnant qu’on va avoir recours au Faire & Lovely la crème qui blanchit la peau, à quel effets secondaire sur leur santé, la plus part ne le savent pas. Tant que j’y suis-je vais placer la grossophobie, une des couleurs refusée aux mariages. Déjà qu’on n’aime pas la couleur caramel, la pilosité sur le visage est un autre sujet de moquerie de soi. Et autant d’arguments pour refuser une fille pour un mariage.
Le mariage reste une très grande épreuve que ce soit pour chercher un partenaire, pour les problèmes de dot ou considérant les violences conjugales. Quoique certains vont s’affranchir de ces étapes en mariant leurs filles au Quran. [17] Plus besoin de cherche un mari et l’héritage reste à la maison redistribuée entre les frères.
Au niveau de mariage, les maris ont droit dans la loi islamique aux quatre mariages et la femme n’a pas son mot à dire et aucune autorité islamique ne vérifie que le mari peut financièrement supporter le nombre de femmes qu’il prétend supporter.
Enfin bref, désolée de vous décevoir mais on ne parlera pas plus de mariage dans ce podcast car c’est un sujet qui mérite un podcast à lui à part entière.
Ce qu’on va détailler un peu plus c’est l’inégalité l’homme-femme non plus extérieur mais à l’intérieur des foyers :
iv. Gender imbalance
La plupart de familles ont plein de filles en essayant d’avoir un garçon. Du coup les parents pas très riches de base misent sur l’éducation de garçon en tant que leur plan de retraite négligeant les filles.[18] Vous ne pouvez qu’imaginer l’état d’esprit de ces filles en grandissant dans une société qui ne les a pas désirées. Elles vont donc apprendre comment tenir une maison et suivre un code d’honneur drastique alors que les garçons ont plus de liberté, sinon totale. Encore, ce modèle peut convenir s’il y a le respect mutuel mais la plus part de temps celui reste à la maison n’a plus de valeur et devient un punching ball sur lequel se venger de toutes les injustices extérieurs. Les frères, les pères sont réputées pour protéger leurs femmes et filles en dehors de la maison de la meilleur façon qui soit mais ce comportement et souvent absent au sein de la maison.
En 2018, le taux d’alphabétisation des femmes est de 51.8% contre 72.5% pour les hommes. [19]
Ces tendances changent alhamdullillah, même au sain des classes sociales les plus modestes dans les zones urbaines et j’espère inshallah que de plus en plus de filles auront accès à l’école à l’avenir.
v. Education
Il a ceux qui n’ont pas accès à l’éducation et il y a ceux qui prétendent trop en avoir. En effet, Il y a eu un certains nombre de cas de fraude autour de la falsification des diplômes et inadéquation entre le diplôme et le poste occupé. [20] Dans les élections de 2013 plus de 10 candidats avaient été disqualifiés pour possession de faux diplômes. Une des exemples de l’inadéquation de diplôme et le post occupé est Muneer Khan qui était au temps de Zulfiqar Ali Bhutto Responsable de programme nucléaire avec un diplôme d’ingénieur électrique.
Bon pour finir sur quelque chose de positif, l’éducation reste un moyen d’ascenseur social, Farwa Batool est une exemple de personnes venant d’un milieu modeste et une minorité persécutée des Hazara. Elle a eu la première position dans l’examen CSS dans la province de Balûchistân et la 9ème position au niveau nationale en 2019.[21]
Le dernier point que je voulais aborder concernant l’éducation et l’intégration des cours sur les sciences religieuses à l’école. Ce qui est un point positif mais là encore on délaisse les minorités. Plus jeune j’ai eu des cours d’arabe et islamiat à l’école. Et mes camarades chrétiennes n’avaient pas de cours spécifique de remplacement. La plupart ont fait l’arabe et les sciences islamiques comme nous.
Passons maintenant aux choses plus basiques encore de la vie quotidienne.
vi. Everyday life facilities
Malgré tous ce que je vous ai dit, vous allez me dire qu’il fait quand même bon vivre au Pakistan. Sauf que selon la ville que vous allez choisir pour habiter vous aurez plus ou moins d’eau. En effet, l’eau courante n’est pas accessible 24h/24, donc il faut prévoir des réservoirs souterrains ou sur le toit qu’il faut ensuite alimenter lors des heures de lâchers d’eau[22]. Amusant !
Pakistan fait partie des 10 pays qui ont le plus bas niveau d’accès à l’eau potable. 21 million de personnes dans la population totale de 207 millions n’ont pas accès à l’eau potable.[23]
J’ai cherché les stats sur les foyers ayant accès à l’eau chaude, recherche pas très fructueuse pour l’instant. Donc j’extrapole d’après un article publié dans le journal DAWN[24] et le diagramme[25] fait par wikipédia dessus : 65 millions d’habitants sont extrêmement pauvre. Donc en étant optimiste en supposant que les riches, et la classe moyenne ont accès à l’eau chaude, ça fait quand même 65 millions de personnes sans accès à l’eau chaude dans leur foyers.
Pour tirer l’eau vous aurez besoin d’électricité. 70,79% de la population avait accès à l’électricité en 2017 sachant qu’on était déjà à 70.30% en 1999[26].
Selon l’enquête sur le niveau de vie et niveau social du Pakistan sur les années 2018-19[27], 12% de la population n’a pas de toilettes. 35% de population n’a pas de système sanitaire à la maison. Je vous encourage à aller consulter ce rapport qui est riche sur d’autres indicateurs concernant l’éducation, accès à l’internet, moyens de communications par exemple.
Là, je me permets de nuancer un peu, il existe des quartiers sympas dans toutes les grandes villes qui ont l’électricité 24H/24 ainsi que l’eau. Il est certainement moins cher d’habiter là bas que dans la banlieue parisienne. A condition qu’on continue à gagner avec les standards des pays européens.
vii. Problèmes sociétales
Maintenant, on va aborder les problèmes sociétales avant de conclure ce podcast.
L’Irresponsabilité des personnes au pouvoir reste un gros point de frustration pour le contribuable. Comme ça transparaît à travers ce dialogue dans la biographie d’Abdul Qadeer Khan par Imran Chodhry.
C’était vraiment lamentable que les envoyés de gouvernement n’aient même pas essayé de comprendre les capacités d’Abdul qadeer Khan et a passé leur temps à assouvir leur désir personnels au Pays Bas. En voyant cela Abdul Qadeer se sentait encore plus triste et un jour il a fait part de son sentiment : « Vous êtes financé par l’argent de contribuable pour exécuter une grande responsabilité. Cela ne vous sied pas de gaspiller votre temps ici en jouant jouer aux échecs. » Ce qui bien sûr n’a pas été apprécié par l’envoyé spéciale a répondu : « Mêlez vous de vos affaires, je sais ce que je dois faire. »
Dans un des précédents podcasts, je vous racontais comment Manto décrit la corruption dans la bureaucratie. Transperancy international[28] fournit un classement avec un indice de corruption qu’elle estime. Un score plus proche de 0 correspond à plus de corruption et un score proche de 100 à moins de corruption. La France occupe la 26ème position avec un score de 69 et le Pakistan occupe la 126ème position avec un score de 29.
Et avec ça je vais conclure mon podcast pas très glorieux pour le Pakistan.
3. Conclusion
J’ai volontairement mis l’accent sur les choses plus difficile à accepter par les franco-pakistanais.e.s. Pakistan a de nombreux chantiers de développement à adresser mais ce sont les choses qui peuvent être réglées le temps d’une génération comme en Corée du Sud. La peur de l’autre, la culture de division est par contre est plus problématique parce que ça ne s’arrête pas au racisme mais va jusqu’à la persécution ce qui est contraire au étiquettes d’un pays qui se réclame musulman.
De l’autre côté, vouloir vivre bien en France ne vaut pas dire qu’on déteste complètement le Pakistan. Pour les femmes, ce rapport est beaucoup plus contrasté que les hommes. L’appartenance, l’attachement n’est pas quelque chose qui se traduit forcément par un retour au pays, même si ce retour est un des aspects. Mon identité, mon degré de confort avec ces deux pays est un choix personnel. Ça ne devrait pas être une décision binaire et de plus imposée par quelqu’un d’extérieur.
A cause de tous ces aspects évoqués, retourner vivre au Pakistan pour la plupart d’entre nous reste largement un myth, même si on observe un mouvement qui embrasse ce changement.
[1] https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Muslim_self-identification.jpg
[2] Reportage Pakistan, anthropologie d’une république islamique – Michel Boivin, Mariam Abou Zahab
[3]https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_interdisant_le_blasph%C3%A8me_(Pakistan)#Section_295(c)_du_code_p%C3%A9nal_introduite_en_1986
[4] https://www.arte.tv/fr/videos/088254-000-A/pakistan-le-blaspheme-et-la-mort/
[5] Frank McLynn, Famous Trials: Cases that made history, Crux Publishing Ltd, 1999, 256 p.
[6] https://www.la-croix.com/Monde/Pakistan-moins-7-morts-50-blesses-ecole-coranique-2020-10-27-1201121477
[7] https://www.arte.tv/fr/videos/093942-000-A/pakistan-cure-fan-de-foot-et-sauveur-d-esclaves/
[8] https://www.portesouvertes.fr/edifier/podcast/pakistan-700-chretiennes-kidnappees-chaque-annee
[9] https://knoema.com/atlas/ranks/Kidnapping-rate
[10]https://en.wikipedia.org/wiki/Murder_of_Zainab_Ansari#:~:text=On%2017%20February%202018%2C%20an,raping%20and%20murdering%20Zainab%20Ansari.&text=He%20was%20sentenced%20to%20death,at%20Lahore’s%20Kot%20Lakhpat%20jail.
[11] https://fr.wikipedia.org/wiki/Crime_d%27honneur#cite_ref-11
[12] https://gulfnews.com/world/asia/pakistan/eight-year-old-pakistani-maid-tortured-to-death-for-letting-parrots-free-1.71847358
[13] https://en.wikipedia.org/wiki/2017_Census_of_Pakistan#:~:text=Transgender%20population,-Transgender%20rights%20campaigners&text=Bindya%20Rana%2C%20leader%20of%20the,300%2C000%20transgender%20people%20across%20Pakistan.
[14] https://www.ouest-france.fr/monde/pakistan/une-premiere-presentatrice-transgenre-la-television-au-pakistan-5652094
[15]https://en.wikipedia.org/wiki/Disability_in_Pakistan#:~:text=The%205th%20Population%20and%20Housing,down%20to%20less%20than%200.48%25.
[16] https://www.omicsonline.org/open-access/mental-health-pakistan-optimizing-brains-1522-4821-17-160.php?aid=37919#:~:text=Mental%20health%20is%20the%20most,majority%20of%20which%20are%20women.
[17] https://www.parhlo.com/haq-bakshish-marriage-with-quran#:~:text=The%20term%2C%20traditionally%20known%20as,up%20the%20right%20to%20marry.&text=An%20incident%20highlighted%20by%20the,married%20to%20the%20Holy%20Quran.
[18] https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/fields/370.html#PK
[19] https://en.wikipedia.org/wiki/Education_in_Pakistan#/media/File:Literacy_rate_in_Pakistan_1951-2018.png
[20] http://archive.indianexpress.com/news/fake-degrees/1098271/
[21] https://www.parhlo.com/hazara-girl-farwa-batool-css/
[22] https://en.wikipedia.org/wiki/Water_supply_and_sanitation_in_Pakistan#Wastewater_treatment
[23] https://gulfnews.com/world/asia/pakistan/21-million-in-pakistan-dont-have-access-to-clean-water-report-1.2192988
[24] https://www.dawn.com/news/842873/need-for-a-new-paradigm
[25] https://en.wikipedia.org/wiki/Poverty_in_Pakistan#/media/File:Socio-Economic_Status_of_Pakistanis.png
[26]https://www.indexmundi.com/facts/pakistan/indicator/EG.ELC.ACCS.ZS#:~:text=Access%20to%20electricity%20(%25%20of%20population)%20in%20Pakistan%20was%2070.79,population%20with%20access%20to%20electricity.
[27] http://www.pbs.gov.pk/sites/default/files//tables/rename-as-per-table-type/summary_of_key_indicators_PSLM_2018-19.pdf
[28] https://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_perception_de_la_corruption
24 décembre 2020 / admin / 0 Comments
B. La culture pakistanaise
II. Podcast : Sitaron say aagay jahan aur bhi hain
Bismillahi rahmani raheem. Asalaam Aleekum !
Oraq est un projet de voyage. Ensemble, nous allons écrire des pages sur les moments de ce voyage, des pages qui feront partie des chapitres et ces chapitres constitueront un livre. Un livre qui sera écrit sur les vies de diaspora pakistanaise en France. Le but est de réunir des histoires, des expériences, des moments joyeux mais aussi des moments plus durs, des anciens mais aussi des plus jeunes sur leur vie franco-pakistanaise.
1. Introduction
Au delà des étoiles d’autres mondes t’attendent, De dévotion, d’autres épreuves t’attendent
Aujourd’hui, nous allons lire et expliquer un des poèmes les plus célèbres d’Allama Iqbal. Avant de commencer, j’aimerais juste ajouter quelques mots sur le poète. J’ai emprunté cette introduction de travail de @zirrar stories sur instgram. Il se consacre au projet d’offrir une traduction des œuvres d’Allama Iqbal en anglais qui sont plus fidèle au sens et gardent la beauté des rimes. Vous pouvez suivre et/ou soutenir son Iqbal Project.
Muhammad Iqbal est né le 9 nov. 1877 à Sialkot en Inde et il grandit sous le joug de colonialisme britannique. Il fait ses études d’abord en Inde puis à Cambridge et enfin en Allemagne. De retour dans son pays, il met à jour une société occidentale, prétendument « moderne » qui leurre les jeunes musulmans, mais qui en vérité est profondément superficielle et corrompue jusqu’à la moelle. C’est ironique que la couronne britannique lui discerne le titre du chevalier pour son chef d’œuvre Israr-e-Khudi, écrit en persan sans même en saisir le sens. Ce livre, en effet, pousse les musulmans à agir contre l’oppression.
Iqbal porte élégamment plusieurs chapeaux : c’est Le plus important intellectuel du monde musulman du 20ème siècle. Avec des diplômes de droit, il est philosophe, un poète et un éminent érudit. D’ailleurs, il est très influencé par l’islam dans la région de Hijaz, des Arabes, par les histoires des prophètes, par le Quran, par les anges d’Allah (swt) et par le brillant poète perse Mawlana Jalaluddin Rumi.
Il a rendu l’hommage à l’ourdou et le persan comme nul autre. Par opposition des jeunes qui ont tendance à se tourner vers les langues occidentales comme gage de modernité. Iqbal démontre et expose les bijoux de ces langues qui sont aujourd’hui que l’ombre d’elles même parasitées par l’anglais.
Aujourd’hui beaucoup de gens lisent et écoutent Iqbal avec beaucoup de révérence, mais au vu de langage soutenu employé et la complexité de message convoyé, les gens ont du mal à contempler ses vraies pensées, plus particulièrement ceux qui ont migré vers des terres où l’ourdou n’est pas parlée.
S’inscrivant dans l’effort de rendre sa poésie plus accessible, je me permets d’essayer d’expliquer un de ces poèmes aux franco-pakistanais, mais aussi à un public beaucoup plus large des francophones.
Nous allons donc sans plus tarder lire le poème en Ourdou.
Je vais maintenant expliquer le poème strophe par strophe. Chaque strophe étant composé de deux vers. Nous allons lire la strophe, sa traduction en français, nous allons expliquer les mots difficiles et ensuite aborder le sens apparent et sens spirituel.
2. Premier shair
Au delà des étoiles d’autres mondes t’attendent,
De dévotion, d’autres épreuves t’attendent
Mots difficiles :
Dans les mots difficiles je vois que le mot Ishq : En ourdou on a trois mots pour désigner l’amour. Piyar, mohabat et enfin Ishq. Ishq étant le stade ultime de l’amour, on pourrait dire que c’est un amour passionnel. Iqbal a utilisé ce mot désigner diverses choses dans sa poésie tel que le Quran, L’ange Gabriel , Le prophète Muhammad (saw), etc. Ici, Iqbal utilise ce mot pour désigner la volonté de réussir, la persévérance, le désir de connaissance, etc[1]
- Le sens premier de cette strophe est que: Si les missions d’exploration t’ont amené aux portes des étoiles, ne baisse pas les bras, tu peux aller encore plus loin. Iqbal incite les gens à viser l’excellence car une personne qui arrive à toucher les étoiles a d’une certaine façon déjà réussi sa vie en tant qu’astronome ou astronaute. Il dit que : dans cette quête spatiale, ta connaissance être mise à rude épreuve. Il faudra peut être se remettre à étudier et passer d’autres cap. On peut aussi interpréter le deuxième vers comme étant adressé aux scientifiques devenus agnostiques ou athées se basant sur leur parcours scientifique. Iqbal dit que renier Dieu c’est une première étape de réflexion et non l’aboutissement.
- Le sens spirituel de cette strophe est que: Lorsque le monde de la physique s’arrête au étoiles et au troues noirs (c’est l’état actuel des choses), la spiritualité nous ouvre d’autres portes au delà des étoiles et consistent en plusieurs d’étapes. On sait qu’Allah a crée 7 cieux et autant de terres selon le verset 12 de sourate 65[2] et les étoiles sont encore la limite du premier ciel. Les 6 autres cieux se déroulent au-delà dans un continuum selon le verset 3 de la surate 67.[3]
3. On passe au 2eme shair
Ces vents ne sont pas stériles de vie
Des centaines de caravanes ici s’étendent
Dans les mots difficiles je vois que le mot Tahi : qui veut dire vide
- Le sens premier de cette strophe est que: L’homme a d’abord cru que seul l’espèce humaine était dotée de vie. Puis petit à petit il a découvert que les animaux, les végétaux étaient aussi vivants. Peut être qu’un jour, qui sait, on découvrira que les minéraux sont eux aussi dotés de la vie.[4] L’air que nous respirons n’est pas stérile non plus. Ce virus qui est entrain d’embêter le monde est aussi une forme de vie. Ainsi de multiples formes de vie sont également entrain de parcourir ce chemin. Cette strophe peut être interprétée comme une forme d’encouragement : il y a la vie partout et du mouvement partout. Ce mouvement définit la vie et toi aussi, mon lecteur rejoint une de ces caravanes et fait quelque chose de ta vie, sinon progresses dans ce que tu fais déjà. Mais le lecteur peut aussi y voir une forme d’injonction : Fait en sorte que tu fasses partie de ces gens qui prennent part au progrès scientifique, technologique, philosophique ou quelque soit le domaine.
- Le sens spirituel de cette strophe est que: Dans l’exploration de l’espace aujourd’hui nous n’avons pas trouvé de trace vie ailleurs que sur la planète terre mais nous apprenons à la lecture de Quran l’existence de l’enfer[5], du paradis[6] et alam-barzagh[7] un monde où les âmes vont attendre après la mort jusqu’au jour de résurrection. Nous savons aussi que lorsque que nous dormons nos esprits rejoignent Allah[8] Le lecteur est encouragé à percer le secret de ces processions invisibles entre les cieux dans le but de les voir et à terme les rejoindre.
4. 3ème shair
Ne te limite pas au monde de couleurs et senteurs
D’autres jardins, d’autres foyers t’attendent
Dans les mots difficiles je vois le mot Qana’at : qui signifie se contenter et le mot Rang-o- bu : qui signifie couleurs et senteurs
- Le sens premier de cette strophe est que: Ne te contente pas ce que tu vois et tu sens c’est-à-dire au spectre visible de la lumière et les limites de sens olfactive. On sait que le spectre lumineux comporte aussi les ultraviolets et les infra rouge. Le monoxyde de carbone n’a pas de signature olfactive. Au-delà de ces deux sens cités on peut l’étendre à tout les sens, et donc à tout ce qu’on connait. Iqbal demande qu’on ait l’esprit assez aventureux pour sortir de nos zones de conforts. Pour aller coloniser Mars par exemple mais aussi qu’on sorte d’un cercle social pour entrer dans un autre. Qu’on ait le courage d’aller s’installer dans une autre région, pays ou continent. Qu’on évolue de classe sociale en classe sociale. Qu’on passe de statut d’illettré à éduqué. En faisant honneur à la vie qui est synonyme de mouvement.C’est aussi un message d’encouragement : si tu n’arrive pas dans un domaine, essaie un autre. Jusqu’à ce que t’y arrives. Que tu trouves ton truc. Où ton Ishq pourra être testé.
- Le sens spirituel de cette strophe est que: Ne te contente pas de ce que tu vois et sens ou ce que tu expérimentes avec tes cinq sens. Essaie d’ouvrir une fenêtre vers ton âme et fais des efforts pour le paradis qui t’a été promis.
5. 4ème shair
Ne t’attriste pas si tu perds un refuge
D’autres occasions de s’inquiéter t’attendent
Dans les mots difficiles, je vois le mot Nashayman : qui veut dire un foyer et le mot Ah-o-faghan : qui signifie pleurer, s’attrister, s’inquiéter.
- Le sens premier de cette strophe est que : Si tu as perdu une maison, une opportunité, une chose qui était source de calme pour toi, tes parents, tes grands-parents…C’est certes triste mais tu dois essayer de te reconstruire et aller de l’avant. Tu redeviendras prospère et de nouveaux problèmes apparaîtront par exemple les problèmes de couples après le mariage, des différends avec les enfants, une grève des employés, changement de réglementation affectant ton entreprise…Ainsi, il demande au lecteur de ne pas considérer ses problèmes comme la fin de monde, mais de les prendre comme une promesse d’amélioration certaine.
- Le sens spirituel de cette strophe est que : Le nashayman ici peut être considéré comme la réussite dans ce bas-monde. Iqbal suggère donc que ne pas s’attrister si on ne réussis pas dans ce monde, car on peut toujours faire des efforts pour le suivant qui est éternel. Car là, ce serait vraiment un échec et s’attrister et s’inquiéter pour cela serait légitime du fait de son caractère éternel.
6. 5ème shair
T’es un aigle, ta vocation est de voler
D’autres cieux devant toi t’attendent
Pas de mots difficiles dans cette strophe.
- Le sens premier de cette strophe est qu’ Iqbal encourage les gens à s’inspirer de Shaheen. qui veut dire l’aigle et est un motif récurrent dans la poésie d’Iqbal. C’est un symbole fort et majestueux, ayant une capacité de vol de plus de 8h[9] à des altitudes avoisinants 3800m[10]. Son occupation première va être de comprendre les courants de vents et s’en servir pour s’élever pour atteindre de sa destination. La comparaison ne peut que motiver les lecteurs. Iqbal les incite à voler de plus en plus haut peu importe le point de départ et ne pas se limiter à un domaine de spécialisation, mais vraiment s’ouvrir à tout ce que le monde peut offrir.
- Le sens spirituel de cette strophe est que : de la même façon qu’on doit s’efforcer de s’améliorer dans ce monde, Allah demande à ses sujets de s’améliorer en Taqwa[11]. Taqwa étant la crainte d’Allah, mais aussi la dévotion, l’Ishq que nous avons évoqué plus haut. Sur le chemin de Taqwa, il y a de la marge d’amélioration à tous les niveaux. Iqbal incite les musulmans à fixer l’excellence comme objectif dans le deen, où le chantier est énorme et des axes de travail multiples.
7. 6ème shair
Ne te perds pas dans l’alternance de ces jours et nuits
D’autres mesures spatio-temporelles t’attendent
Dans les mots difficiles, je vois Zaman-o-makan : qui signifie espace spatio-temporel.
- Le sens premier de cette strophe est que: Ne te perds pas dans ton « métro boulot, dodo », c’est à dire dans ton quotidien, essaie de voir plus grand et de réfléchir au sens de ta vie et ce que tu pourrais apporter à ce monde. Il demande aussi à réfléchir à d’autres dimensions qui pourraient exister comme dans Interstellar, les héros atterrissent sur une planète où un jour équivaut à 7 ans terriens. Dans l’univers, il y a d’autres planètes avec d’autres rythmes de vie et d’une certaine façon toutes les espèces vivantes n’ont pas le même rapport temporel que les humains. C’est donc une invitation à une ouverture d’esprit, à penser en dehors des conventions établies.
- Le sens spirituel de cette strophe est que: ne te perds pas dans le shab-o-roz qui représentent ce bas monde. Mais prépare aussi ta vie dans l’au-delà. Tes bonnes actions te mèneront au Paradis et tes mauvaises actions en l’enfer. Donc fait en sorte de travailler sur ta spiritualité, sur ta réflexion, sur le contrôle de ton nafs, le cœur. On doit aussi se présenter au jour de jugement dernier selon la surate 75 dans le Quran.
8. 7ème shair
Sont révolus les jours où j’étais seul dans ma philosophie
D’autres sympathisants maintenant m’attendent
Dans les mots difficiles, je vois Anjuman : qui signifie mehfil, un rassemblement et Razdaan : qui signifie confident.
- À la dernière strophe, je vois qu’un sens : Le poète dit que les jours où, j’étais seul à enseigner cette philosophie sont révolus. D’autres commencent à penser comme moi. Qui sont d’accord avec ma philosophie. Et on peut remarquer qu’Iqbal fait référence à lui-même dans cette dernière strophe respectant la convention d’écriture de ghazal rappelé par Sarah Awan dans le podcast précédent.
9. Conclusion
Nous avons atteint la fin du poème. N’oubliez pas qu’un poème est toujours sujet à interprétation. J’ai partagé avec vous ma compréhension des choses. Vos commentaires et d’autres interprétations intéresseront tout le monde.
Pour finir, je dirais juste que nous savons tous que la qualité prime sur la quantité. Ainsi je vous conseille de vivement d’aller en profondeur des poèmes d’Iqbal lors de vos lectures. Leur compréhension complète vous sera plus bénéfique qu’une foule des vagues références qui terniront avec le temps.
[1] https://www.youtube.com/watch?v=3D4smkF-Z64
[2] https://quran.com/65/12
[3] https://quran.com/67/3?translations=131
[4] https://www.youtube.com/watch?v=i-KjOA7F5iM
[5] https://quran.com/16/29?translations=31
[6] https://quran.com/89/30?translations=31,136
[7] https://quran.com/23/100?translations=31
[8] https://quran.com/39/42?translations=31
[9] http://ecole.aulas.pagesperso-orange.fr/travaux/aigle.htm#6)%20La%20mani%C3%A8re%20de%20voler%20:
[10] https://www.bfmtv.com/animaux/vol-d-aigle-en-camera-embarquee-des-images-a-couper-le-souffle_AN-201403280014.html#:~:text=Un%20sp%C3%A9cimen%20a%20%C3%A9t%C3%A9%20%C3%A9quip%C3%A9,vol%20totale%20de%20cinq%20heures.
[11] https://www.youtube.com/watch?v=5t2BKoga_-M
N’hésitez pas à voir ma page Poems pour aller plus loin !
14 novembre 2020 / admin / 0 Comments
Special thanks to Charlotte Attal to let me use her image as the header of this article. Cela fait parti d’un projet « Identités dérascisées » réalisé par Charlotte Attal (designeuse graphique) et Emelyne Chemir (designeuse textile). Pour en savoir plus : charlotte_attal
A. Sur les traces de mon Identité
II. Podcast : Les raisons d’une immigration des pakistanais en France et le prix à payer
1. Intro
Salaam Aleekum ! Bismillahi rahmani raheem. Bienvenue au podcast Oraq. Le but est de partager avec vous les pensées sur une vie de diaspora pakistanaise en France. On parlera de religion, d’études, de travail, d’identité, d’Histoire avec un grand H et bien d’autres choses.
Je m’appelle Warq et suis vôtre hôte pour ce podcast. J’ai 28 ans, j’habite dans la région parisienne et je suis issue d’une immigration, arrivée en France à l’adolescence.
Le site L’Internaute[1] définie l’identité simplement comme les « Données qui déterminent chaque personne et qui permettent de la différencier des autres. ». Aussi simple que cela paraisse au premier abord, cette notion n’en est pas moins complexe. Quelles sont les données qui nous définissent ? Et quelles sont les données qui nous différencient des autres ? Le nom, le prénom et l’âge sont le premier ensemble d’informations que l’on décline pour s’identifier. Mais au-delà de ces étiquettes, ces repères temporels, qui sommes-nous ? Chacun d’entre nous essaie d’arriver à sa vraie identité, comme dans Eragon nous cherchons notre vrai nom, de trouver nos points communs avec les autres mais aussi nos particularités.
Dans ce podcast on va explorer l’identité des immigrants pakistanais en France. Pour savoir qui sommes-nous, on doit savoir d’où l’on vient et pourquoi ?
2. Les causes de l’immigration
i. Instabilité politique
Concernant les causes, et d’après ce que j’ai compris, étant donné que le fondateur du Pakistan Quaid-e-Azam Muhammad Ali Jinnah décède à peine un an après l’indépendance, le pays a toujours fait l’objet d’instabilité politique. Je croyais que la corruption était quelque chose de nouveau, une dégradation des mœurs survenue 57 ans après l’indépendance. Mais la lecture d’introduction d’un des livres de Manto intitulé Thanda Gosht, dans lequel il relate son procès contre la censure, apparemment pour faire avancer le dossier, il fallait le doter de « roues » et autant de roues possibles que la nature d’urgence de dossier. Il écrit :
Apko nakal lainy ho to darkhast kay sath « paheeay » laganay paray gay. Koi masal muaaïnay kay liay nikalwani ho to bhi « paheeay » laganay paray gay. Kissi afsar say milna ho to bhi « paheeay » laganay paray gay. Agar kam fori karana ho to paheeon ki tadaad barh jay gi. Ghor say dekhnay ki zarourat nahin. Agar ap ki ankhain dekh sakhti hain to ap ko zila kacheri main har arzi paheeon par chalti nazar ay gi.
Si vous voulez une copie, alors il faudra doter vos demandes de « roues ». Si vous devez faire sortir un document pour l’analyser, là aussi, il faudra mettre des roues. Si vous voulez rencontrer un fonctionnaire, les roues seront utiles. Si vous êtes pressés alors la quantité de roues va augmenter. Une attention accrue n’est pas nécessaire. Si vos yeux peuvent voir, alors toutes les demandes dans la cour de justice départementale vont vous apparaître rouler sur des roues.
Je conclus donc que cette pratique prend racine dans l’Inde ancienne et que l’érection d’une nouvelle frontière au sein de ce territoire n’a pas aboli les mauvaises habitudes. Si on lit également, Shikwa et Jawab-e-Shikwa des célèbres poèmes d’Allama Iqbal, Shair-e-Mashriq, le plus grand poète de l’Est pour le peuple sud asiatique, le déclin des musulmans est déjà notable.
Jin ko aata nahin dunya main koi fan, tum ho Nahin jis qom ko parway nashayman, tum ho
Bijliyan jis may hon asouda, wo khurman tum ho Baych khatay hain jo aslaaf kay madfan, tum ho
Honiko naam jo qabron ki tijarat kar kay Kia na baycho gay jo mil jayin sanam pathar kay
Dans cette strophe, il dit notamment que vous ne maîtrisez aucun savoir, que vous ne protégez pas vos territoires, vous prenez des coups et vendez les tombes de vos ancêtres ce qui a entaché votre réputation et si vous pouviez vendre les idoles, vous le ferez certainement !
Du portier public jusqu’au Président, c’est difficile de trouver des individus non-corrompus. Le plus faible sera toujours abusé. Les cercles fermés de personnes avec le pouvoir ou des familles avec des liens avec l’armée ou la mafia se verront faire leurs demandes administratives sans les « roues » et même avec des « ailes ». C’est sans doute pour échapper à cette corruption et au manque d’opportunités que les jeunes choisissent le chemin de l’immigration. Alors pourquoi la France ?
ii. Choix par défaut à cause des restrictions pour aller en Angleterre
D’après un article de Mariam Abou Zahab, chercheur à l’institut d’Etudes Politiques de Paris, dans un article paru dans « Hommes et Migration » [2] : les pakistanais s’installent en France après les restrictions de 1962 sur l’entrée libre en Angleterre en tant que citoyen de pays de Commonwealth. Le choc pétrolier de 1973 a accéléré l’émigration vers les pays du Golfe. Le gouvernement de Zulfaqar Ali Bhutto ayant simplifié la délivrance des passeports, ceux qui ne sont pas partis au pays du Golfe sont partis en Amérique du Nord et les esprits aventureux ont atterris en Europe. Les pakistanais (généralement des hommes seuls) trouvent du travail en France mais sans papiers. Alors ils se rallient avec les Mauriciens et des Tunisiens pour faire une grève de la faim en 1974 pour la régularisation de leur situation. Certains obtiendront un asile politique à ce moment-là et d’autres une régularisation en 1981. Les femmes et les enfants rejoindront ces hommes venus seuls suivant un processus de regroupement familial. L’émigration vers la France continuera par la suite à cause de la situation économique instable et l’arabisation des emplois dans les pays du Golfe.
iii. L’émigration comme mode de vie
Selon le Ministère des Pakistanais d’outre-mer et développement des Ressources Humaines (Ministry of Overseas Pakistanis and Human Resource Development)[3] environ 8.8 million de Pakistanais vivent à l’étranger. Dont 120 000 en France d’après l’estimation de décembre 2017. Il s’agit de l’une des plus importantes communautés expatriées au monde, soit la sixième selon le département des Affaires Economiques et Sociales de l’ONU.[4] Ils sont une source importante de revenue : en 2017 ils auraient envoyé à leurs familles un montant de 19 milliards de dollars américains selon les données de la Banque d’Etat du Pakistan.
Indirectement ou directement, chaque garçon rêve de sortir du pays pour subvenir aux besoins de sa famille. Attirée par les images d’Hollywood, cette jeunesse se sacrifie sans savoir ce qui les attend. Certains avec des passeports, d’autres en clandestinité : par bateaux qui dérivent dans la mer pendant des jours, voire des semaines. Tandis que ces expatriés vont trimer des heures incalculables, les familles au pays vont changer leur mode de vie qui va aller de zero à parfois une vie de luxe. Ces individus dotés de bonnes intentions, se sacrifieront volontairement, négligeant leur santé, leurs envies et désirs. Les familles retarderont leur mariage autant que possible pour ne pas partager les revenus et souvent choisiront une épouse qui ne leur correspond pas. Ces individus auront une vie de couple quasi inexistante, générant la frustration et le malheur des deux côtés. Le roman Mano-Salwa d’Umera Ahmed le décrit assez bien :
P.82, Roman Mano-Salwa d’Umera Ahmed
Char saalon may Karam Ali kay ghar walon ki zindagi may boht saari tabdeelian aa gay thi. Jahandad kay khandan par ab kissi ka koi qabza nahin tha. Zinat logon kay ghar safai ka kam chor chuki thi or Asif doubara janay laga tha. Jahandad kay ghar may ab muhalay ki dukan say naqad rashn aata tha or bila zarourat or zarourat say ziada jahandad ka khasta hal ghar ab char kamray kay do manzila pakay makan ki shakal ikhtiyar kar chuka tha. Jis kay mathay par Mashallah jaqmaga raha tha. Jahan dad ab ghar main beth kar apnay saaray ghar walon kay sath V C R filmay dekhta tha. Zinat ki bari beti Amina ki mangni bhi ho gay thi.
Or in tamam asayishon or saholiyaat kay liyay Karam Ali ko haftay main sath din athara ghantay rozana kam karna para tha. Is kay jism kay mukhtalif hison par chotay motay hadisat kay natijay main patchpan zakham kay nishanaat ka izafa hua tha.
Quatre ans plus tard, la vie avait changée pour la famille de Karam Ali. Personne ne mettait de pression sur la famille de Jahan Dad [son père]. Zinat [sa mère] avait arrêté de faire le ménage chez les gens et Asif [son frère] avait recommencé d’aller à l’école. Chez lui, on faisait maintenant les courses en espèces, sans être dans le besoin et beaucoup plus qu’il n’en fallait. Leur maison en piteux état s’était transformée en une maison en béton de quatre chambres sur deux étages. Sur le fronton on avait même mis une plaque « Mashallah ». Désormais, Jahan Dad regardait des films sur les cassettes VHS avec toute sa famille à la maison. L’aînée de Zinat, Amina s’était aussi fiancée.
Et pour tous ce confort et luxe, Karam Ali avait travaillé 18 heures par jour et ce 7 jours sur 7. Sur son corps, des accidents mineurs avaient donné naissance à 55 nouvelles cicatrices.
3. Le prix à payer
Quand on discute de l’amélioration de qualité de vie suite à l’immigration, on oublie d’en préciser le prix. D’un côté on se débarrasse des « roues » indispensables de corruption, de l’autre côté on gagne le contrôle au faciès. On a l’eau chaude à la maison mais on doit faire face à un déclassement social de soi versus l’évolution sociale dans le pays d’origine. Les classes moyennes acceptent les métiers manuels. Certes, leurs enfants vont pouvoir accéder à l’éducation gratuite mais eux ne resteront que des immigrés avec le français imparfait. Imparfaits devant leurs enfants, conscients de leurs difficultés, opportunistes pour la société. Bien sûr, personne ne les a forcées à quitter leur pays, quoique certains ont pris la route pour échapper à des conditions de vie atroces. Donc s’il y a des gains matériels, le tribut du stress psychologique à payer est énorme.
Selon l’article de François Duparc publié dans « Dialogue » en 2009 intitulé Traumatismes et Migrations Première partie : Temporalités des traumatismes et métapsychologie[5] , il y a 3 types de migrations :
- Pour fuir une menace mortelle (zone de guerre, génocide, emprisonnement ciblé)
- Séduction par une publicité mensongère d’une vie meilleure (« American Dream »)
- Migration réfléchie et préparée anticipant les difficultés de langue et d’intégration.
Les statistiques sur les motifs de migration en France[6] montrent que les premiers motifs d’immigration sont les raisons familiales et les études. Ces motifs tombent sous le couvert du troisième type de migration causant le moindre trauma mais ne sont pas sans conséquence.
Dans un premier temps, le migrant manifeste une sorte de déni légèrement maniaque ou hyperactif, accompagné d’une hyper-adaptation à la culture du pays d’accueil. Mais cette adaptation se fait sur un mode quasi opératoire, en faux-self[7] (Eiguer, 1998). » Pour éviter le rejet, les immigrés ont même tendance à renier des parties de soi.
L ’ « intégration » française qui, au fil des années est devenue « assimilation », est plus poussif qu’aux Etats Unis et en Angleterre. Christophe Bertossi dans son étude Les modèles d’intégration en France et Grande Bretagne pense que « Les politiques britanniques ont dégagé une approche fondée sur l’importance des groupes minoritaires et mis l’accent sur l’intégration, non pas comme un processus d’acculturation nationale et civique mais comme un projet d’égal accès aux droits dans une société britannique reconnaissant le multiculturalisme comme une réalité sociologique et politique »[8]. Dans la Revue Européenne des Migrations Internationales, Kastoryano Riva écrit : « Contrairement aux pays européens, les États-Unis, pays d’immigration constitué depuis deux siècles par des flux migratoires divers, entretiennent une relation, différente avec les populations immigrées. Un pays constitué par l’immigration donne par définition, à tout individu (même au nouveau venu) une légitimité de droit et de fait. »[9] Tandis que le modèle français, Christophe Bertossi continue « refuse toute forme de différenciation ethno-raciale dans l’espace public ». D’après un dossier apparu dans « Hommes et Migration : « Pour un nombre considérable de Pakistanais, selon une vision idéale de l’intégration, la France devrait être plus tolérante et accepter la différence, et s’acculturer ne devrait pas être le prix à payer pour vivre « normalement ». »[10] Une image de BDouin me vient à l’esprit où on demande à l’immigré de s’adapter en habits, en religion et en fin de compte d’être invisible dans la société.
Toujours selon l’étude de François Duparc citée plus haut : « Certains jugent que la synthèse complète des deux cultures dans la personnalité du migrant, même si elle peut se faire après une période de deuil suffisante, reste largement une utopie, dans la plupart des cas [selon les psychologues Eiger et Vega], (Eiger, 1998 ; Vega, 2001) ». Même si on pourrait penser que les conséquences ne sont vécues que par la personne qui fait le déplacement lors d’immigration, c’est en tout cas la logique de nos parents, mais en fait la seconde, la troisième et même les générations d’après hériteraient de ces traumatismes. Parce que d’après ce que j’ai compris, on récrit l’histoire sur ce qui aurait pu être si la migration n’avait pas eu lieu. Cette étude mentionne également un courant contraire où le psychiatre W. Vega (2001) suggère que la santé psychologique des immigrés est meilleure que celles des américains. L’effet ressenti par la deuxième génération au niveau de troubles psychologiques est supérieurs aux américains natifs parcontre.
Si on réfléchit maintenant par rapport à la diaspora pakistanaise, au final pas si loin dans notre généalogie, nos grands-parents ont déjà vécu le traumatisme de l’immigration. Cette fois-ci du premier type, où l’on craignait pour sa vie et que tout le passé avait disparu, sans aucune possibilité de retour. On peut trouver ce récit dans le célèbre nouvelle de Manto intitulé Toba Tek Singh. Le sujet de l’histoire est l’échange des malades mentaux entre l’Inde et le Pakistan après l’indépendance. Les malades ont du mal à savoir où ils sont, comment une terre sans avoir bougé peut changer de nom, et quel bout de terre appartient à qui car les politiques qui prennent ces décisions sont tout aussi perdus.
Manto, toujours dans l’introduction de son recueil de nouvelles Thanda Gosht se trouve également perdu.
Bambai chor kar karachi say hota hua ghaliban sat ya aath january unees so artalees ko yahan lahore pohncha. Teen mahinay meray dimagh ki ajeeb o ghareeb halat rahi. Samajh nahin aata tha, main kahan hun. Bumbai may hun, Karachi may hun, Karachi may apnay dost Hasan Abas kay ghar betha hun ya Lahore may jahan kay restorano main quaide-e-Azam fund, jamaa karnay kay liyay silsilay main raqs o suroor ki mehfilain aksar jamti thin.
Teen mahinay tak mera dimagh koi faisla na kar saka. Aysa maaloom hota tha kay parday par aik sath kai film chal rahay hain. Apsa main gud mud…Kabhi bumbai kay bazar or galian, kabhi karachi ki choti choti taiz raftaar tramain or gadha gariyaan or kabhi Lahore kay purshor restoran…samajh may nahin aata may kahan hun… Sara sara din kursi par betha khialaat may khoya rehta.
Parti de Bombay en passant par Karachi, je suis arrivé ici à Lahore environ le 7 ou 8 Janvier 1948. Pendant trois mois, ma tête était dans un état étrange. Je ne comprenais pas, où j’étais. A Bombay, à Karachi chez mon ami Hasan Abas ou dans les restaurants de Lahore où des programmes musicaux et dansants étaient souvent organisées pour lever les fonds pour Quaid-e-Azam Fund.
Durant trois mois, mon cerveau n’arrivait pas à se décider. On avait l’impression que plusieurs films étaient projetés de façon simultanée sur un drap . Qu’ils se confondaient entre eux… De temps en temps on apercevait les bazars et ruelles de Bombay, de temps à autre on voyait les très rapides petits trams et les charrettes d’âne de Karachi et puis quelques fois les bruyants restaurants de Lahore apparaissaient… Je n’arrivais pas à savoir où j’étais… Je passais mes journées entières assis sur une chaise perdu dans mes pensées.
Manto tombe dans une sorte de torpeur et a du mal à savoir comment la séparation va s’opérer dans la littérature Ourdou vu qu’il est écrivain du métier. Comment ce qui a été écrit d’un côté et de l’autre de la frontière sera différencié. J’ai trouvé du réconfort dans ses propos. Il avait comme mis des mots sur ma propre confusion.
Lekin jab likhnay betha to dimagh ko mutashir paya. Koshish kay bawajoud Hindousatn ko Pakistan say, or Pakistan ko Hindustan say alehda na kar saka. bar bar dimagh may yay uljhan peda karnay wala sawal gunjta, kia pakistan ka adab alehda ho ga. agar hoga to kaissay ho ga ? wo sab kuch jo salim hindustan main likha gaya tha, is ka malik kon hai, kia is ko bhi taqseem kia jay ga ? kia hindustanion or pakistanion kay buniadi masaïl aik jaissay nahin ? Kia idhar urdu bilkul na paid ho jay gi ? yahan pakistan may urdu kia shakal ikhtiyar karay gi ? kia humari istate mazhabi istate hai ?
Mais quand j’ai voulu écrire, j’ai trouvé ma pensées dispersées. Malgré l’effort, je ne pus différencier l’Inde du Pakistan et Pakistan de l’Inde. Une question qui semait la confusion résonnait dans ma tête : Est-ce que la littérature du Pakistan sera différente ? Si oui, comment sera-t-elle ? Tout ce qui avait été écrit dans l’Inde entière, qui en sera le propriétaire ? Est-ce que cela sera également partagé ?? Est-ce que les problèmes fondamentaux des indiens et des pakistanais ne sont pas semblables ? Est-ce qu’ici, l’Ourdou sera prospère ? Ici, au Pakistan, quelle facette l’Ourdou va prendre ?
De la même façon que cet écrivain, un grand nombre des grands-parents pakistanais ont vécu l’immigration. La deuxième génération accumule donc le traumatisme de l’immigration de leurs parents et la leur. Et nous, la 3ème génération, on se retrouve avec l’héritage de ces deux immigrations.
Nous avons le confort, quoique, tout est relatif. Le déclassement social nous oblige à vivre dans des banlieues. Les banlieues les moins chères sont des cadres moins idéaux pour vivre son rêve américain. Je vais vous lire un extrait d’étude Yaël Brinbaum, intitulé Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat . « Les conditions de scolarisation sont notamment en lien avec la ségrégation urbaine. « Toutes choses égales par ailleurs », la scolarisation en éducation prioritaire, loin de corriger les inégalités sociales, diminue le niveau scolaire. Elle augmente également les orientations dans les filières professionnelles [confirmant Alexia Stéfanou, 2017], la sortie sans diplôme et réduit les chances d’obtenir un baccalauréat. Les politiques successives d’éducation prioritaire, mises en place pour limiter voire pour corriger les injustices liées à ces phénomènes, n’ont pas les effets escomptés, voire augmentent les inégalités sociales. Les moins bonnes conditions d’enseignement, l’envoi d’enseignants moins expérimentés et le niveau plus faible ne permettent pas d’améliorer les résultats, sans compter les effets de la stigmatisation de ces établissements. Une politique effective d’éducation dès les premières années demeure plus que jamais une priorité, avec des moyens, mieux ciblés et un accompagnement scolaire des enfants très tôt en échec, et plus de mixité sociale. »[11] Ainsi, les enfants pour lesquels les parents ont fait des sacrifices sont aussi victimes d’une discrimination. Les enfants grandissent donc tiraillées entre deux identités car la politique française voudrait qu’on efface toute appartenance au pays d’origine, à la culture. Pour que de cette façon quand vous vous présentez comme « Je suis française, je vis en Franche-Comté », l’interlocuteur écarquille les yeux avec une question tacite mais pourtant formulée à haute voix : « Mais en vrai, tu viens d’où ? ». C’est humain d’être curieux mais c’est hypocrite de donner des cours d’assimilation et d’humilier les gens par derrière pour les réduire qu’à des êtres exotiques.
De mon point de vue, cette singularité d’immigration qui dans la courbe de la vie intervient de façon ponctuelle mais, dans cette durée très courte nous fait prendre des valeurs qui vont de « – infini » à « + infini » . La courbe de vie continue comme avant mais pourtant les êtres portent à jamais la trace de cet évènement. On a des problèmes d’identité qui empêchent une construction optimiste. On a une barrière de langue qui nous empêche de se lancer dans des projets politiques. On a des liens religieux plus forts que dans le pays d’accueil ne cautionne et voudrait qu’on les oblitère. On a une envie énorme de s’adapter, d’appartenir et pour cela il faut qu’on meure avant que la mort réelle ne survienne. [Note de l’éditeur : ce qui revient à une mort symbolique. Dans une vie on peut mourir symboliquement plusieurs fois pour renaitre à la beauté de son chemin de vie]
4. Conclusion
Pour conclure cette épisode, on peut dire que le déracinement des Hommes continue à cause d’autres hommes au pouvoir. Ce n’est une partie de plaisir ni pour celui qui découvre les difficultés sur le terrain ni pour celui qui se croit être préparé. Génération après génération, les hommes portent un poids d’héritage qui peut être source de joie ou de tristesse. Un déchirement non seulement physique, mais aussi psychologique s’opère au niveau des personnes qui choisissent l’immigration. Avoir un pied dans chaque bateau, c’est n‘avoir les deux dans aucun. La remise en cause d’intégrité des immigrants par les pays d’accueil, le bousculement de leurs mœurs, jusqu’à les rendre une ombre d’eux même rend le travail de reconstruction et construction du soi difficile. Nous essaierons inshallah dans le prochain podcast d’explorer l’identité de la première génération des immigrants pakistanais en France. D’ici là, j’espère que ce remue ménage apportera quelques réponses à chacun sur sa quête d’identité.
Merci d’avoir écouté le podcast. J’espère inshallah que nous nous retrouverons très vite autour de d’autres sujets intéressants. Portez-vous bien. Salam aleekum.
[1] https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/identite/
[2] Abou Zahab. Migrants pakistanais en France. In: Hommes et Migrations, n°1268-1269, Juillet-octobre 2007. Diasporas indiennes dans la ville. pp. 96-103;
[3] « Statement showing number of Overseas Pakistanis living, working and studying in different regions/countries of the world, as on 31st December, 2017 – Region-Wise distribution » (PDF). Ministry of Overseas Pakistanis and Human Resource Development. 31 December 2018. Retrieved 29 August 2019.
[4] Service, Tribune News. « India has largest diaspora population in world: UN ». The Tribune. Retrieved 3 March 2016.
[5] Traumatismes et migrations Première partie : Temporalités des traumatismes et métapsychologie François Duparc Dans Dialogue 2009/3 (n° 185), pages 15 à 28 https://www.cairn.info/revue-dialogue-2009-3-page-15.htm
[6] DEPARTEMENT DES STATISTIQUES, DES ETUDES ET DE LA DOCUMENTATION Numéro 96 – mai 2020
[7] https://fr.wikipedia.org/wiki/Vrai_self_et_faux_self
[8] Les Modèles d’intégration en France et en Grande-Bretagne Philosophies, politiques et institutions publiques de Christophe Bertossi, Chargé de recherche à L’Ifri(Paris).
[9] Kastoryano Riva. L’État et les immigrés : France, Allemagne, Grande-Bretagne et États-Unis. In: Revue européenne des migrations internationales, vol. 5, n°1,1989. Les politiques d’immigration en Europe et aux États-Unis. pp. 9-20;
[10] Hanif Roomi. Que disent les jeunes Pakistanais de l’intégration ?. In: Hommes et Migrations, n°1268-1269, Juillet-octobre 2007. Diasporas indiennes dans la ville. pp. 104-109;
[11] Yaël Brinbaum. Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat. Education et Formations, Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Direction de l’évaluation et de la prospective, 2019, La réussite des élèves : contextes familiaux, sociaux et territoriaux, pp. 73-104. halshs-02426359
8 novembre 2020 / admin / 2 Comments
Special thanks to Charlotte Attal to let me use her image as the header of this article. Cela fait parti d’un projet « Identités dérascisées » réalisé par Charlotte Attal (designeuse graphique) et Emelyne Chemir (designeuse textile). Pour en savoir plus : charlotte_attal
A. Sur les traces de mon Identité
I. Podcast : Décris moi le Pakistan avec tes clichés
1. Introduction
Salaam Aleekum ! Bismillahi rahmani raheem. Bienvenue au podcast Oraq. Le but est de partager avec vous les pensées sur une vie de diaspora pakistanaise en France. On parlera de religion, d’études, de travail, d’identité, d’Histoire avec un grand H et bien d’autres choses.
Je m’appelle Warq et suis vôtre hôte pour ce podcast. J’ai 28 ans, j’habite dans la région parisienne et je suis issue d’une immigration, arrivée en France à l’adolescence.
Dans ce podcast nous allons explorer l’image du Pakistan à travers les clichés. On explorera le Pakistan à travers les clichés des français, les clichés des immigrants pakistanais de deuxième génération et enfin ceux des pakistanais. Pour contrebalancer j’ai recueilli deux témoignages des pakistanais sur la France et sur les immigrants pakistanais. Ainsi, à la fin de ce podcast, chacun aura dit sa vérité…
1. A quoi fait penser le Pakistan au français ?
Lorsque les français me parlent du Pakistan, ils me parlent de terrorisme, d’affaire Sarkozy, de talibans. Puis immédiatement pour compenser, ils disent adorer les cheese nan que le restau « pakpak » de leur quartier fait. Ils disent adorer le Gulab jamun et Lassi mangue et que les samossas et le biryani sont une « tuerie ». Ils ont oublié de me mentionner que leur cousine adore les habits pakistanais, le sari et tout ça. A l’aéroport quand quelqu’un ne me regarde pas comme une terroriste il me fait un « Namasté ». Souvent, quand je décline mon identité j’ai droit à « Ah mais je croyais que t’étais une hindoue ». Hindouisme est une religion et pas une nationalité, For God Sake ! Les indiens et pakistanais c’est pas pareil, même si on mange pareil et qu’on s’habille pareil. Vous passerez votre temps à me demander combien de fêtes de mariage il y a, et de vous faire inviter à mon mariage par la même occasion. Vous me montrerez certainement vos compétences à imiter des actrices indiennes. Vous me demanderez de vous apprendre à dire quelques gros mots en ourdou. Et avec 80% de gens on en restera là pour la vie.
Tahira, possédant une maîtrise dans les Relations Internationales au Pakistan écrit dans son témoignage : “The French probably think that Pakistan is a backward, orthodox land. Their image of Pakistan would be that of a state of anarchists ruled by bearded men who punish all those who don’t believe what they believe. They also probably assume that Pakistan is a part of the Middle East. Their image of Pakistan probably has many parallels with what Media tells them about Pakistan which is not a lot but enough for them to believe that it is not a livable country.
Les français pensent probablement que le Pakistan est un pays orthodoxe et avec beaucoup de retard. Leur image du Pakistan serait celle d’une anarchie régulée par des « barbus » qui punissent tous ceux qui n’ont pas les mêmes croyances qu’eux. Ils pensent aussi sûrement que le Pakistan fait partie de Moyen Orient. Leur image du Pakistan est ciselée par ce que les médias leur font croire, ce qui est très suffisant pour eux pour croire que le Pakistan n’est pas un pays où l’on peut vivre.
2. Qu’est-ce que je pense du Pakistan ?
Lorsque je réfléchis sur mes liens avec le Pakistan, je pense aux mangues en été, je pense au paratha pour le matin, je pense aux samossas et biryani pour les fêtes, je pense au Rooh afza pour le ramadan. Quand j’ai fini ma liste, je me rends compte que c’est que de la nourriture. Je vais pousser ma liste plus loin et je vais penser à la chaleur écrasante de l’été, des chansons de bollywood dans les bus, des mariages arrangés, des appels à la prière. Dans un ultime effort, soudain me surviennent les images de nos nuits à la belle étoile sur le toit, les courses-poursuites avec mes profs à l’école, le lavage de la maison à grande eau, le rituel de mettre de l’huile sur les cheveux, les histoires de migration de grand-mère, les bonbons de mon grand-père, nos balades sur sa moto à 4 ou 5, le stand de burger au bout de la rue, les réunions pour réciter le Quran, l’eidi dépensée dans des fêtes foraine pour la Eid.
Je me rappelle de la maison de mes grands-parents dans leur village au Punjab. On y allait en train qu’on prenait à 16h de Pakistan Railways Karachi Cantonement Station à Karachi et on arrivait le lendemain 11h à Lahore Cantt. Railway station. Ce long trajet, où l’on avait le temps de s’ennuyer. Aujourd’hui, pour les pakistanais de France, s’ils n’ont plus de liens avec la famille au Pakistan, le lien affectif et le lien avec le pays commence à ternir. C’est aussi pour le maintien de ce lien que les familles vont chercher à épouser au pays.
Mais certains franco-pakistanais ont d’excellents souvenirs de vacances passés avec la grande famille mais ils ont l’impression que les autres les voient comme un portefeuille sur pattes, une personne chanceuse à la vie facile, une personne fragile qu’il faut accompagner et au passage en profiter. Cela génère aussi des frustrations pour les personnes habituées à être maîtres de leurs vies, de se trouver dans une position où leur caractère est un peu mis entre parenthèses. Le respect de l’image des parents empêche les enfants à vraiment être eux-mêmes, ce qui peut amener leurs cousins à les prendre pour des imbéciles et les ridiculiser.
Au final, les pakistanais de France auront presque une relation conflictuelle car après le prix de traumatisme qu’ils ont pu payé, ils se trouvent un peu coupables de mériter le meilleur des deux mondes. Ils ne se trouvent jamais satisfaits.
Arzam, étudiant en comptabilité m’écrit : Overseas Pakistanis have a great importance in the eyes of Pakistanis. Yet it wouldn’t be wrong to say that Pakistanis consider them as a money tree. No doubt on the contrary that they are anxious or concerned about the safety and security of their brothers or sisters living abroad specially in the countries where following religion is kind of difficult. Pakistani government too has a great concern for overseas Pakistanis as they play an important part in country GDP growth. Pakistani families usually spent a hard time to settle down any of their family member abroad. Yet it is also not wrong to say that their hearts beat together in hard times. Pakistanis also consider overseas Pakistanis as an ambassador of Pakistan.
« Les pakistanais d’outre-mer ont une grande importance au regard des pakistanais locaux. Même s’il ne serait pas faux d’affirmer qu’ils les considèrent comme des « arbres à sous ». Mais il n’y a pas de doute sur le fait qu’ils s’inquiètent vis à vis de la sûreté et la sécurité de leurs proches qui habitent à l’étranger, plus particulièrement s’il habitent dans les pays où la pratique de l’Islam est difficile. Le gouvernement pakistanais est lui aussi assez préoccupé par les problématiques des pakistanais d’outre-mer vu qu’ils ont un rôle important dans l’accroissement de PIB. Les familles pakistanaises se donnent vraiment du mal à installer une personne de leur famille à l’étranger. Il ne serait pas incorrect de dire que leurs cœurs battent ensemble en temps difficiles. Les pakistanais considèrent aussi les pakistanais d’outre-mer comme des ambassadeurs du Pakistan. «
Tahira, elle a une opinion plus tranchée et honnête : Pakistani immigrants believe that whilst Pakistan is a great country, it is not safe or secure. It is the place that they inevitably belong to but they are far too different now than what they used to be. So they cannot go back home to Pakistan and then adjust. They may claim to love Pakistan but they only love it from afar.
« Les immigrants pakistanais pensent que même si le Pakistan est un pays grandiose, il n’est pas sûr. C’est un endroit avec lequel ils ont des liens incontestables mais ils ont trop changé par rapport à ce qu’ils étaient pour revenir au Pakistan et s’y accommoder de nouveau. Ils peuvent proclamer qu’ils aiment le Pakistan mais ils le font que de loin. »
3. Ce que les pakistanais pensent du Pakistan
Les clichés que j’ai pu vous citer, le Pakistan est bien plus que tout ça, les gens sont bien plus que ça. Les médias dans leurs films ont besoin de stéréotypes pour raconter des histoires. Mais les personnes réelles sont bien plus que des stéréotypes. Une éducation dans les deux sens doit se faire dans une bonne atmosphère.
Arzam : Pakistani nation literally love their homeland and are really patriotic like they love to die for their homeland. They think Pakistan is a blessing of Allah for them and to be honnest it is. But many of them think that they aren’t using their resources efficiently. Pakistan is blessed with one of the world’s highest mountains, the sea, the desert, the plains, different weathers, minerals and much more. But they also know that yes, they are far back in technology and in other sectors too. And yet, Pakistanis are helpful and hospitable. They rank at top in the nations who donate a lot.
« La nation pakistanaise aime littéralement son pays. Les pakistanais sont vraiment patriotiques, au point de sacrifier leur vie pour leur patrie. Pour eux, le Pakistan est un bienfait d’Allah et pour être honnête il l’est ! Cependant beaucoup d’entre eux pensent qu’ils n’utilisent pas les ressources efficacement. Le Pakistan est doté des montagnes les plus hautes, de la mer, du désert, des plateaux, des saisons différentes, des minéraux et plein d’autres merveilles encore. Cependant, les pakistanais sont aussi conscients qu’ils sont assez en retard sur la technologie et dans d’autres secteurs. Mais aussi que les pakistanais sont très serviables et ils sont au top des nations qui font des dons. »
Je suis donc allée vérifier l’index de générosité sur Wikipédia et en 2018 le Pakistan occupait non pas la Première mais la 91ème place, tandis que la France occupait la 72ème position. Mais si on remonte en 2013, il était en 51ème position et la France occupait la 77ème position. Pour un pays qui est lui-même en difficulté, je trouve ça honorable. [1]
Tahira continue : Most Pakistanis are in here because they have a genuine affection and appreciation towards their motherland. They love Pakistan and they appreciate the care that it affers to them and the leisure it brings. Pakistanis love Pakistan because it is a place that will accept all their flaws and not throw them out. Pakistan has its shortcomings though. Pakistan is not a safe place by any means, and some Pakistanis are frustrated about the misallotment of resources which will always stop Pakistan from being great.
« La plupart de Pakistanais y restent parce qu’ils ont un amour véritable et de l’affection pour leur pays. Ils aiment le Pakistan et apprécient le soin qu’il leur offre et les divertissements qui le caractérisent. Les pakistanais aiment leur pays parce que c’est un endroit qui accepte leurs défauts et ne vas pas les expulser. Cependant le Pakistan a aussi ses difficultés. Ce n’est pas un endroit sûr et la très mauvaise gestion des ressources naturelles génère des frustrations au sein de la nation, ce qui va toujours être un obstacle pour que le Pakistan devienne un pays grandiose. »
4. Conclusion
Pour clôturer cette première épisode j’aimerais qu’on révise nos stéréotypes. Nous avons tous développés des clichés parce que consommer ce qu’on nous offre tout fait sous forme de films, reportages ou récits de voyages) est plus facile mais ça peut être biaisé par l’opinion des médias. Lorsqu’on voyage avec des groupes, on ne sort pas non plus des sentiers battus. Alors pour aller au-delà de ces clichés, il faut faire un peu d’exercice mental, ou avant de projeter ce que l’on sait, peut-être faire une recherche personnelle pour avoir ses propres bases qui nous permettent ensuite de naviguer et voir l’envers du décor.
Je suis peut être prédisposée à voir ce décor parce que moi-même j’ai traversé des frontières. Mais je me dois de faire cet exercice tout autant pour connaitre d’autres histoires que je ne connais pas. J’espère, inshallah, que nous pourrons prochainement aller explorer le Pakistan au-delà de ces clichés et ouvrir le dialogue.
Merci d’avoir écouté le podcast. J’espère inshallah que nous nous retrouverons très vite autour d’autres sujets intéressants. Portez-vous bien. Salam aleekum.
[1] https://en.wikipedia.org/wiki/World_Giving_Index