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Special thanks to Charlotte Attal to let me use her image as the header of this article. Cela fait parti d’un projet « Identités dérascisées » réalisé par Charlotte Attal (designeuse graphique) et Emelyne Chemir (designeuse textile). Pour en savoir plus : charlotte_attal
A. Sur les traces de mon Identité
IV. Podcast : Identité de la seconde génération des immigrants pakistanais en France
1. Introduction
Dans un précédent podcast, nous avons abordé pourquoi les pakistanais choisissaient de quitter leur pays, pour quelles raisons ils ont pu choisir de venir en France et quelles étaient les difficultés psychologiques et matérielles auxquelles ils étaient confrontés lors de leur intégration. Continuant sur le thème d’identité, dans ce nouveau podcast, on se propose d’explorer celle de la deuxième génération des immigrants pakistanais. Quelle image ont-ils d’eux même ? Quelles langues parlent-ils ? Comment s’habillent-ils ? Quelle est leur rapport avec la religion ? Telles sont les questions qu’on va d’aborder.
1. Qui suis-je ?
Sans plus tarder on va essayer de savoir comment les enfants d’immigrés pakistanais s’identifient.
Dans la revue Hommes et migrations, j’ai trouvé un dossier publié en 2007, intitulé “Que dissent les jeunes pakistanais de l’intégration” par l’anthropologue Roomi Hanif, cinq jeunes gens témoignent et résument assez bien ce que je ressens :
En 2007, Ali un franco-pakistanais témoigne « à vrai dire, personne ne sait où est vraiment le Pakistan. Quand on dit que c’est à côté de l’Inde, ça va ; quand on dit que c’est à côté de l’Iran, c’est un peu moins bien. ». Quelques années à peine plus tard, quand je me présenterai à mon tour, les gens ne sauront toujours pas où se trouve le Pakistan mais on l’associera tout de suite aux terroristes, aux talibans. Pour mes camarades, je serais Malala ou Raj de The Big Bang Theory. Après l’attaque des Etats-Unis sous le gouvernement de Barack Obama pour tuer Osama (bin Laden), mes collègues m’appelleront « terroriste » en rigolant. On me reniera même mon droit de m’identifier comme asiatique car je n’ai pas les yeux bridés et la peau un peu trop mate.
Beaucoup me qualifieront d’ « hindoue ». J’entendrais des « Namasté » par-ci par-là. Une de mes batailles sera de leur expliquer que Hindouisme est une religion et être hindoue n’est pas une nationalité. Je ne comprendrai pas non plus l’engouement autour de l’Inde. Pourquoi, la France inclue-t-elle dans son programme un film sur Gandhi alors que Jinnah disparaît complètement de l’équation ? Pourquoi, sur les campus universitaires, les bâtiments seront nommés Gandhi, Nelson Mandela mais jamais un seul prendra le nom de Jinnah ? Est-ce que Jinnah était moins valeureux ? Il a libéré un peuple entier de joug de colonialisme britannique. Un effort tout aussi honorable que celui de Martin Luther King ou de Rosa Parks. Alors pourquoi l’histoire tait son nom ? Ce pourquoi résonnera dans ma tête tout au long de ma vie. Je me refuserais à penser que c’était l’islamophobie car ces musulmans étaient avant tout des humains. Ou bien le principe de laïcité a depuis bien longtemps dévoré l’humanisme de la France ?
C’est triste parce que ni la France ne nous accepte tels que nous sommes, ni vraiment nos parents… On ne sait plus à qui faire plaisir, l’effort est toujours demandé à nous.
Trouver ma place sera toujours difficile. Le dossier dans Hommes et Migration suggère à juste titre : « Pour les jeunes, les obstacles sont doubles. D’un côté, ils doivent affronter la rigidité de la société française ; de l’autre, celle de leurs parents ! » Shabnam, diplômée d’un master témoigne « C’est triste parce que ni la France ne nous accepte tels que nous sommes, ni vraiment nos parents… On ne sait plus à qui faire plaisir, l’effort est toujours demandé à nous .» Elle se sent tiraillée de passer pour une faible devant ses amis et de blesser les parents qui ont enduré des choses pour elle.
On se sent aussi d’ailleurs tiraillés entre toutes les langues qu’on parle.
2. Quelle est ma langue?
Les élèves pakistanais sont en général forts en anglais parce que l’anglais est la langue officielle du Pakistan. Le Pakistan a de plus l’ourdou comme langue nationale et quatre langues provençales : Le Sindhi dans la province de Sindh, le Balochi dans le Balochistan, le Punjabi au Punjab et Pashto au Kayber Pakhtunkhwa. En plus d’ourdou, d’anglais, de la langue provinciale, le pakistanais moyen apprend aussi à lire le Quran (Coran) en arabe.
Selon une étude réalisé en 2004 par deux psychologues Ellen Bialystok et Michelle Martin-Rhee, les bilingues sont plus aptes à résoudre des puzzles ou des exercices mentaux. Dans une interview recueillie par French Morning en 2013, Ellen souligne que le bilinguisme rend les personnes plus créatives, ouvertes et flexibles d’esprit et moins exposées à l’Alzheimer. Mais moi qui me suis toujours sentie en difficulté, je trouve du réconfort quand Ellen affirme :
Les bilingues mettent plus de temps pour choisir leurs mots, ils ont aussi moins de vocabulaire. Lorsqu’on demande à un bilingue de nommer, par exemple, tous les fruits qui lui viennent à l’esprit, il va mettre plus de temps et générer moins de mots qu’un monolingue. On constate aussi que sur les tests standardisés de vocabulaire, les enfants bilingues obtiennent de moins bons scores. [1]
Ainsi, j’offusquerai mon prof de français un bon nombre de fois où je trouverai des bonnes réponses à ses questions mais en anglais. Je ne me rendrai non-plus pas compte quand est-ce que je commence à « switcher » de français en anglais, d’anglais à Ourdou. Je suppose maintenant que c’est lié à mon manque de vocabulaire que je trouve incomplet, cloisonné par domaines d’utilisation. Le vocabulaire en ourdou est surtout lié à la famille et la maison, le vocabulaire en français couvre les domaines d’études et de travail, le vocabulaire en anglais couvre le domaine de lien-social et finalement le vocabulaire arabe est utilisé pour décrire ma spiritualité.
Alimentant mon vocabulaire par des lectures, je serai qualifiée de « quelqu’un qui parle comme un livre », j’aurai le sentiment d’être « Jack of all, Master of None ». Celle qui comprends un peu tout, mais ne maîtrise rien.
Dans le podcast précédent, je vous parlais de traumatismes causés par l’immigration. Malgré le fait qu’être multilingue est souvent perçu comme bénéfique, cela apporte son lot de conséquences. Par exemple, Noam Schieber, éditeur dans la Revue The New Republic raconte dans un article publié en 2014 qu’il a parlé pendant trois ans en hébreu à sa fille pour lui transmettre cette langue mais qu’il s’est rendu compte qu’il était plus austère en hébreu qu’en anglais. « Je suis drôle en anglais […] pas trop en hébreu » « En anglais, je suis de nature patient et sobre. Mon style en hébreu était intimidant et persécuteur. »[2] Une autre étude menée par Susan Ervin datant de 1968 sur des femmes bilingues japonaises vivant à San Francisco appuie ce résultat de changement de personnalité en changeant de langue. Elle a demandé à ces femmes de compléter des phrases en anglais en en japonais :
- 1. Lorsque mes désirs s’opposent à ceux de ma famille
- (Japonais) c’est un moment de grand malheur
- (Anglais) je fais ce que je veux
- 2. Je deviendrais probablement…
- (Japonais) femme au foyer
- (Anglais) professeure
- 3. Les vrais amis doivent…
- (Japonais) s’aider mutuellement.
- (Anglais) être très francs.
Ainsi, au fil des langues que je parle, je me sentirais un peu comme Jekyl and Hyde, ou comme dans le drama Coréen Heal me, Kill me. On peut retourner donc dans la première question : Qui suis-je ?
Une des composantes de la réponse est d’aborder la question de la religion.
3. Quelle est ma religion ?
« Ces jeunes affirment qu’il leur faut taire aux français leur religion et leurs traditions ou ne leur en parler que de manière vague et rapide, pour ne pas susciter de réactions de fuite. » Je suis plus pratiquante que tous ceux que je rencontrerai durant ma scolarité. Peu à peu, les maghrébins ce sont éloignés de cette pratique assidue. Je lis le Coran et fais ma prière car j’ai déjà appris cela au Pakistan.
Plus haut, je vous ai parlé d’une de mes batailles, ma deuxième bataille sera d’expliquer qu’ « on ne fait pas le Ramadan », de la même manière qu’on ne fait pas le décembre, janvier ou février : « On jeune ». Je ne comprendrais pas non plus pourquoi on tient tant à déformer le nom de Prophète Mohammad (saw) qui va devenir Mahomet. Le Quran va devenir le Coran. On importe bien des mots d’autres langues en français pour être au plus près du sentiment. Il était arabe et les musulmans l’appellent par son nom arabe Mohammad (saw). C’est par des petites tournures qu’on met la distance entre l’authentique et la version revisitée qu’on arrive à des grands amalgames.[3]
La religion me manquera, nos réunions pour finir le Quran, la diffusion des appels aux prières. Il arrivera que j’aie des contrôles le jour de l’Aïd, la fête religieuse musulmane. Je n’aurais pas ou peu d’étrennes, c’est l’argent qu’on reçoit des proches le jour de l’Aïd. Toutes nos fêtes ne seront qu’un pâle reflet de ce que nous avons pu vivre dans la folie d’enfants. Je fêterai par contre Pâque, la Toussaint et Noël car je suis obligée d’être en vacances.
4. Les vacances ?
Les vacances c’est un autre sujet important : Je n’ai jamais compris l’engouement autour des vacances. Pour moi elles étaient ennuyeuses ! J’attendais la rentrée avec impatience. Shakeela, 25 ans témoigne « au travail mes collègues parlent de vacances, de skis, de la mer… Je vois constamment qu’il y a une différence entre moi et eux. Rare sont les Pakistanais qui vont en vacances pour le plaisir de voir de nouveaux horizons ». Yasmine dans son témoignage dit quelque chose d’intéressant : « L’intégration, c’est réussir à vivre entre les deux cultures ! Vivre dans un pays sans oublier ses origines, sans être mal dans sa peau ». Mais comme je disais plus haut ni les français ne nous reconnaîtront comme Français et ni les pakistanais comme les leurs. On subit une sorte de syndrome Bambi. « On est en fait dans une autre culture, la nôtre, elle est à part »
On mûrit donc plus vite et fait preuve d’un sérieux.
5. Pourquoi tant de sérieux ?
Les enfants pakistanais, en tout cas les filles pakistanaises, sont sérieux à l’école. Certaines filles travaillent bien notamment pour échapper au mariage précoce. Selon une étude de Kate Gavron en 1996 sur la communauté bangladeshi de Hamlets Towers met en relief l’inégalité des genres : les « filles négocient avec leurs parents le droit de rester à l’école. La plupart d’entre elles savent bien que c’est une des raisons pour lesquelles les filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons ; elles doivent travailler dur pour avoir le droit de continuer leurs études. ». Tandis que l’éducation des garçons est plus laxiste. Si on pouvait faire un sondage aujourd’hui sur les métiers des filles d’immigrés, elles dépasseraient à coup sûr les garçons. A défaut d’études sur les métiers, une étude de Yaël Brinbaum, intitulée Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat indique que : « L’avantage scolaire des filles a été démontré dans plusieurs pays et pour la plupart des origines – avec quelques exceptions – [cf.chapitre 8 et FleiscSChmann, Kristen et alii, 2014]. »[4] L’étude montre que les filles d’immigrés font mieux que les garçons avec un taux de réussite de 92% contre 88. Cet écart est minime entre les descendants asiatiques (car si l’étude différencie les descendants turques, portugais, maghrébins, le reste est distribué dans des catégories géographiques très macro : Afrique subsaharienne, l’Asie). Asie contient les descendants de 53 pays (en excluant la Turquie) mettant dans le même panier les sud-coréens, les japonais et les pakistanais…
Selon une réflexion menée par Laure Mougérou et Emmanuelle Santelli « Les sorties des filles étant plus surveillées, voire interdites, ces dernières passent plus de temps à la maison et sont plus enclines à le consacrer à leurs devoirs scolaires. »[5] Il y a certainement une volonté de la part des parents de rester synchronisés avec les coutumes de pays d’origines et ne pas accorder plus de liberté à leurs enfants. Ils ont du mal à jauger le seuil juste et sans doute par peur de ne pas en faire assez, deviennent plus stricts que nécessaire. Tandis que la société dans le pays d’origine change comme un ensemble sans le regard d’autrui. Les regards sont tournés vers l’occident.
Je mettrais toute mon énergie dans les études car on ne peut se permettre de faire autre chose. On partira rarement en vacances, ce qui est déjà une chance, mais face à mes camarades qui vont en vacances toutes les vacances scolaires, ce ne sera pas suffisant. J’étais en paix avec ma vie, la France m’a donné des complexes à force de comparaisons.
Le sérieux vient d’une part de poids des sacrifices de la première génération et d’autre part de la pression de l’intégration. L’éducation est gratuite en France et c’est un gros point positif dans la balance. Il faudra du coup que je sois digne de cette chance. Sans doute c’était inconscient mais je n’ai pas aspiré à devenir sérieuse. Il y a pas si longtemps, j’étais une adolescente normale qui s’amusait dans son école et prenait même des baffes en faisant des bêtises. Mais tout ce poids de changement, tous ces sacrifices de la génération d’avant ont instillé en moi un sérieux que je ne saurais expliquer, ni assumer. Je vivrais ma scolarité dans ma case à part faisant de mon mieux pour m’intégrer, pour concilier, tout en rêvant d’un monde où j’aurais un peu moins à lutter.
Un monde où je pourrais m’habiller sans attirer des regards et encore moins de remarques.
6. Comment je m’habille ?
La plupart des habits pakistanais respectent le code vestimentaire prescrit par l’Islam. Les hommes et les femmes sont tenus d’avoir des habits pudiques et en plus de ça des comportements pudiques. L’ensemble s’appelle shalwar Kameez, un sarouel très confortable et une tunique qui descend en moyenne jusqu’aux genoux pour les hommes et les femmes qui ont un foulard de la même couleur en plus. Ce qui se passe en général, c’est que même au Pakistan les hommes s’habillent à l’occidentale la plupart de temps. Vous verrez peu d’uniformes où les hommes ou écoliers sont en shalwar kameez. Mais les femmes portent plus souvent les habits traditionnels. Bon gré, mal gré, ce sera un autre sujet de discussion. Ces deux-pièces sont en générale taillés dans le même tissu. Pendant mon temps au Pakistan, on pouvait complètement maîtriser le cycle de fabrication de nos habits. On achetait le tissu qui nous plaisait, ma mère pensait à un design, on achetait les accessoires (le fil de la même couleur, les boutons, la dentelle, les strasses, les miroirs ou autres), ensuite il y a deux options, soit on les donne à des tailleurs, soit on les coud soi-même. En Europe, avoir un tailleur, c’est un grand luxe, mais il faut savoir qu’au Pakistan, c’est le cours normal des choses. Enfin, c’était le cas avant que je ne vienne m’installer en France en tout cas. Dans la maison que j’habitais au Pakistan, on vivait au-dessus d’un magasin de tailleurs. Pendant le mois de ramadan, les tailleurs font le plus gros chiffre d’affaire de l’année. Le magasin tournait 24h/24, le personnel était renforcé et on entendait les experts et les apprentis s’affairer sur des machines toute la nuit durant. C’est ce qui vibrant au Pakistan, c’est l’existence de tous ces métiers tels que le vendeur de tissue, le vendeur de fils, le vendeur de boutons, le tailleur, fournisseur de Chai qui ne sont ni grands ni petits, mais juste à la hauteur d’homme pour subvenir à ses besoins.
Les franco-pakistanais eux sont déconnectés de l’industrie de la mode pakistanaise. D’une part, parce que les boutiques spécialisées sont plus rares en France et d’autres part parce que dans les rares boutiques à Paris, le choix est limité et les prix élevés. Même s’ils s’habillent d’une certaine manière perçue comme pakistanaise en France, ce n’est pas l’avis de leurs confrères dans le pays d’origine. Une femme dans sa cinquantaine témoigne dans l’article d’Hommes et Migration qu’elle ressent cette différence au niveau des habits quand elle rentre au pays. Les tendances changent et les Pakistanais d’outre-mer ont l’air de paysan dans leur propre pays.
Je me prendrai énormément de remarques, car je porte un kameez avec un jean et j’ai toujours mon foulard dans mon cou. Mais les garçons changent de mode vestimentaire en un clin d’œil. C’est comme si toute la responsabilité de pudeur et perpétuer la tradition revenait que les épaules de la genre féminine. J’ai vu des spécimens de la genre masculine qui prêchent le respect des traditions aux femmes de leur famille et ensuite dans dans la rue on les voit marcher dans des habits occidentaux 5 mètres devant le groupe des femmes pour ne pas paraître y être associé. Ça, c’est des complexes inters communautaires, mais j’aurais beaucoup de remarques extérieurs. À force, je me promènerai avec une carapace insensible aux moqueries. J’aimerais qu’on me laisse tranquille. Si un jour, j’ai envie de porter le foulard, que je le puisse. Si j’ai envie de m’habiller en T-shirt/pantalon ou en Shalwar kameez, cela ne regarde que moi.
Après vous avoir parlé longuement de ce hot topic des habits, je vais vous parler d’un autre sujet brûlant : les habitudes alimentaires.
7. Qu’est-ce que je mange ?
Les descendants d’immigrés peuvent changer sur les aspects vestimentaires, ils peuvent s’intégrer en termes d’emploi, ils peuvent parler la langue du pays d’accueil sans accent mais leurs estomacs restent pakistanais. Et ce parce que leurs mères cuisinent exclusivement pakistanais. En grandissant, ils essaient de faire des pâtes et pizza, des quiches et des tartes mais rien ne peut détrôner les mangues pakistanaises, un bon biryani avec du raita et des samossays.
Lorsqu’un « pakistanais d’outre-mer » (remarquez que le nom a changé) rentre au Pakistan (et pas chez lui), les pakistanais voudront manger des pâtes, pizza ou des plats chinois alors que le pakistanais d’outre-mer crèvera d’envie d’un bon biryani épicé. En tout cas, cette expérience je l’ai vécue aussi. Les pakistanais d’outre-mer peut-on dire dans une certaine mesure sont plus pakistanais que les locaux.
La cantine que ce soit du boulot ou de mon école, m’a toujours parue fade. J’y allais que pour les desserts. Si j’avais pu bien manger pendant mes études, j’aurais mieux poussé. J’avais recours au chaat masala, mes épices passe partout que je transporterais dans ma poche quand mon baromètre de « faditude » menaçait d’exploser. Selon mon expérience et des gens autour de moi, les cantines sont très peu pensées pour les régimes halal et végétariens. On finit par manger tous les jours des pâtes avec des légumes vapeur avec de la mayonnaise quand on ne mange pas les frites avec du ketchup.
Pour faire simple on mange beaucoup de riz et des rotis qui sont une version simplifié de nan que tout le monde connait. On cuisine un saalan qui peut être la viande, les légumes avec des épices et on mange ça avec des rotis. Les rotis se mange avec les doigts et le riz au choix.
Une des mes batailles sera de vous expliquer que je n’ai jamais entendu parler de « curry » au Pakistan. La seul chose qui s’en rapproche c’est le « kary pata »: la feuille de laurier qu’on met dans nos saalan. Le saalan est le mot générique pour un plat d’accompagnement. Les anglais le nomme aussi dès fois « Curry ». Mais de là à nommer un épice curry… Je continue mes recherches un jour j’aurais la réponse.
Bref, venons en à un aspect plus abstrait de la personnalité des franco-pakistanais.
8. Mes contradictions
Les pakistanais d’outre-mer adorent le Pakistan, oui. Mais la seconde génération et plus particulièrement les filles, ont du mal avec les pakistanais. D’autant plus que si elles sont confrontées à des pakistanais de leur âge mais faisant partie de la première génération d’immigrés. Ces personnes les dévisagent dans les rues, trains et métro. C’est une des raisons pour laquelle dans des quartiers dédiés aux commerces ethniques comme la gare de Nord et l’Est, on voit très peu de filles.
La deuxième génération des pakistanais a développé une peur des « autres » Pakistanais, ayant entendu trop d’histoires d’entourloupe. « Selon les Pakistanais de France, il y aurait trop de Pakistanais en Angleterre. Habitués à vivre en petites communautés en France, se retrouver en grand nombre les effraie. Il y a là une contradiction assez surprenante. La manière de vivre loin des « regards pakistanais » leur permettrait de se sentir plus libres, sans être jugés au quotidien par leur propre communauté. »
Ce jugement très présent dans la société pakistanais à travers « Log kia kahein gay », qui traduit le fameux « Qu’en dira-t-on ? » limite les gens à faire ce dont ils ont vraiment envie et développe une frustration. Vivre loin des regards, c’est de s’affranchir des comparaisons intra-communautaires.
Voici les aspects qui me viennent à l’esprit pour une première étude. On peut remarquer cette identité de la deuxième génération des immigrants pakistanais comme ceux de leur parents est très complexe. Mais il y a un mot qui leur colle à la peau : La Chance. Et ils ont toute une vie pour essayer de faire honneur à ce mot.
9. Chanceuse ou pas ?
Mes copines d’avant me mettront elles aussi dans une case de « chanceuse » car j’ai échappée à leur sort. Quand je serais embauchée, je serais multiculturelle, adaptable. En vérité, je serais un imposteur. Pakistanaise pour les français, française pour les pakistanais. Je mettrais en avant tel ou tel aspect de ma personnalité pour cacher la rupture opérée par la migration. Je ne serai après tout étiquetée à vie d’Immigrée et la diaspora pakistanaise.
10. Conclusion
J’aimerais conclure sur une histoire que j’ai lue dans une revue pour enfants au Pakistan et qui est restée avec moi pour des raisons évidentes. C’était le parcours d’une chauve-souris qui vivait dans une forêt en harmonie avec tous les autres animaux. Un jour cependant, une dispute a éclaté entre les mammifères et les oiseaux. Et aucun des deux camps ne voulut accepter la chauve-souris dans son camps, ailée elle était un oiseau, donnant naissance à ses petits suite à une gestation elle était un mammifère. Elle se trouva ainsi seule dans son camp à part, abandonnée par tous les autres animaux.
L’enfant d’immigré aura plus de point communs avec les autres citoyens de son pays d’accueil. Mais les moments où il se sent comme une chauve-souris sont aussi nombreux. Il s’habille différemment, il parle différemment, il mange différemment. Mais il rêve comme les autres enfants et sert de pont entre son pays d’accueil et son pays d’origine.
J’espère avoir apporté quelques éléments de réflexion sur cette question d’identité qui reste beaucoup plus vaste et complexe à traiter en 4 podcasts. J’ai fait une timide effort de commencer à la mettre en mots. Evidemment, ça ne peut pas couvrir tous les aspects ni ni parler à tous. C’est pour ça que le projet Oraq est pensée comme une plateforme collaborative. Quelles sont vos histoires ? Où est qu’on se connecte ? Et où est ce que je vous perds ? Quelles sont les pages que vous avez envie de partager ? Pour le moins que puisse dire, j’ai hâte de vous lire.
Merci d’avoir écouté le podcast. J’espère inshallah que nous nous retrouverons très vite autour de d’autres sujets intéressants. Portez-vous bien. Salam aleekum.
[1] Interview Ellen Bialystok dans French Morning
[2] The New Republic, Noam Scheiber, April 22, 2014, For three years, I spoke only Hebrew to my daughter. I just gave it up. Here’s why.
[3] Complément de recherche du correcteur : https://www.histoire-et-chronique.fr/2020/04/11/mahomet/
[4] Yaël Brinbaum. Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat. Education et Formations, Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Direction de l’évaluation et de la prospective, 2019, La réussite des élèves : contextes familiaux, sociaux et territoriaux, pp. 73-104. halshs-02426359
[5] PARCOURS SCOLAIRES RÉUSSIS D’ENFANTS D’IMMIGRÉS ISSUS DEFAMILLES TRÈS NOMBREUSES Laure Moguérou, Emmanuelle Santelli