Warq#011 – Définissons l’identité

identité

A.    Sur les traces de mon Identité

     I.            Identité

1.      Introduction

Bismillahirahmaniraheem. Salam Aleekum, dans ce podcast nous allons un peu rétropédaler. Nous avons beaucoup parlé de l’identité hybride et questionné l’identité de la diaspora Pakistanaise. Mais concrètement, qu’est ce que l’identité ?

Dans son étude Education et Transmission familiale de l’identité culturelle à la réunion : Entre refus et  appropriation[1], Alexandrine Dijoux fait un remarquable travail de définition de l’identité et les différentes réactions qu’on peut avoir.

L’« identité » est un terme polysémique. Sa définition est donc difficile car elle est très personnelle et très différente en fonction des personnes ; elle évolue tout le temps. Mais d’une manière générale, étymologiquement, selon le Robert, l’« identité » vient du latin « identitas », de « idem » qui signifie « le même ». Elle renvoie à ce par quoi un individu, un groupe se sent définit, accepté et reconnu comme tel par autrui. L’« identité » renvoie à la question « qui ? » et à l’être : être quelqu’un.

Elle est multiple : identité personnelle et Identité sociale, professionnelle, culturelle.

        i.            Identité personnelle

L’identité personnelle pour le psychologue Pierre TAP, est «  le sentiment d’identité, c’est-à-dire le fait que l’individu se perçoit le même, reste le même dans le temps » Le prénom est donc un attribut de l’identité personnelle, ce qui le rend unique mais il partage d’autres attributs commune à la société auquel il appartient. Ce qui forme l’identité sociale.

      ii.            Identité sociale

Le plus évident  marqueur de l’identité sociale est le phénotype, les traits sont similaires, les couleurs sont proches. Ensuite, il y a le partage des statues sociales et légales similaires : Les individus appartenant à une même société vont avoir tendance à idéaliser ou exercer certains métiers et se partager la même identité légale au niveau des nationalités, doits et passeports. Cette identité sociale englobe les différents groupes auxquelles on peut appartenir : pakistanais, français, européen, sud-asiatique, femmes, hommes, jeunes, vieux, riches pauvres, etc sachant que la famille est le premier groupe d’appartenance observable. Par opposition au prénom, le patronyme ou matronyme, lui est un signe d’origine. « Grâce à lui, on peut définir la parenté et faire le lien avec la lignée, l’histoire personnelle… C’est le marqueur de la filiation, de la génération, mais c’est parfois aussi un classificateur indiquant un ancrage local d’une région, d’un pays ou encore d’un statut social. Il s’agit là d’une difficulté pour les descendants d’esclaves qui n’ont pas eu droit d’utiliser leur réel patronyme ; difficulté également pour ceux dont le phénotype ne correspond pas toujours au patronyme. »

   iii.            Identité professionnelle

Le sociologue Renaud SAINSAULIEU, dans son livre L’identité au travail soutient que «  l’entreprise est une petite société et donc aussi un lieu  où, par la socialisation collective au travail, se construit l’identité et se fait la réalisation de soi. » Un emploi se traduit par une identité sociale et influe sur son image de soi. L’individu construit son identité professionnelle sur son identité sociale, et inversement son identité sociale se construit sur son identité professionnelle.

   iv.            Identité collective, culturelle et ethnique

L’identité collective quant à elle, regroupe les membres d’une communauté, qui dépassant leurs inégalités sociales se sentant attachés à une même langue et  histoire ainsi qu’aux symboles et  valeurs communes.

Appartenir à une culture, à une identité culturelle, implique selon Carmel CAMILLERI1 « qu’on soit reconnu comme semblable aux autres ».On acquiert cette culture via le phénomène dit «  socialisation ou de enculturation » qui commence dès l’enfance et dure tout au long de la vie, toujours en construction, toujours inachevé » L’identité culturelle va se définir dans le temps et dans l’espace car les mœurs évoluent avec le temps et diffèrent au sein même d’une territoire. Il est quasi impossible d’en capter l’essence par écrit car en perpétuelle mutation, toute description est obsolète avant même de paraître.

2.      Donc finalement ? Qu’est ce que l’identité ?

L’identité est multidimensionnelle avec une composante de l’identité personnelle qui est subjective, une composante objective qui est identité sociale, et l’identité culturelle qui est mouvante. Tout en étant plurielle, écrit Etienne BOURGEOIS, docteur en Sciences de l’Education,  l’identité « n’est pas une juxtaposition de ces multiples identités. Elle en constitue l’intégration en un tout structuré, plus ou moins cohérent et fonctionnel ». Selon Erik Erikson, psychanalyste américain : L’identité a un caractère fluide, de transformation jamais achevée.

On peut donc en conclure que l’identité est la double articulation d’une composante permanente et d’une composante changeante. C’est un phénomène instable soumis au temps : Elle se repose sur l’histoire, sur l’époque actuelle et nos projets. D’autre part elle est soumise aux relations sociales : on va se définir relativement aux autres.

L’individu reste tout de même acteur conscient ou non dans la construction de son identité. Lorsque la société leur attribue une identité sociale et ethnique, les minorités ont des comportements diversifiés allant de rejet, négociation à l’acceptation. Pour cela elles peuvent avoir recours à plusieurs stratégies : On va essayer de définir succinctement quelques stratégies :

        i.            L’intériorisation

L’intériorisation consiste à accepter totalement l’image qu’on associe au groupe même s’il n’est pas juste.

      ii.            La surenchère

Dans la surenchère on va accepter l’identité assignée mais aussi mettre en avant les traits les plus stigmatisant en avant. Cette stratégie est individuelle.

    iii.            Le contournement

Lorsque les critères identitaires assignés sont assez floues, cela permet à un groupe de ne pas se sentir concerné et se construire une autre espace identitaire propre à lui.

    iv.            Le retournement sémantique

L’identité assignée est respectée mais transforme la négativité en positivité. C’est une des stratégies les plus fréquentes que de transformer ses faiblesses en ses points forts.

     v.            L’instrumentalisation de l’identité assignée

C’est un mode d’acceptation ou le groupe se rend compte des injustices et tente de les utiliser à son avantage.

    vi.            La recomposition identitaire

La recomposition identitaire vise à donner un nouveau sens aux attributs assignés même si ce n’est pas authentique.

  vii.            L’assignation au majoritaire

Les individus vont embrasser les valeurs du groupe majoritaires afin d’accéder à leur identité sociale. Leurs tactiques sont multiples :

  • Changement de prénom et de patronyme
  • Adoption à 100% de la langue majoritaire délaissant la langue d’origine
  • Etablir son domicile à l’écart des individus de groupe minoritaire
  • Changement d’identité nationale à travers la naturalisation

viii.            Le déni

Le refus net d’accepter les traits assignés aux groupes.

 ix.            L’action collective

Stratégie collective par un groupe pour contester et revaloriser collectivement leur identité. Comme la condition des femmes par exemple.

3.      Conclusion

Pour conclure, d’après cette étude on constate que l’identité a une constante permanente et l’autre constante est justement le changement car l’identité change en fonction de temps et espace. Les individus et les groupes ont différentes stratégie pour conserver leur identité ou de l’abandonner.  J’espère que ces définitions nous permettront de mieux comprendre  les podcast à venir inshallah. Selon vous, quelles sont les stratégies identitaires que les pakistanais de France ont adopté ?

Merci d’avoir écouté ce podcast, n’hésitez pas à partager avec vos amis et votre famille. Vous pouvez nous retrouver sur instagram et facebook  avec le nom @oraqpodcast. Vous pouvez également lire l’article associé sur notre site. Vos commentaires et remarques sont toujours bienvenus et essentiel pour continuer la discussion. Gardez nous dans vos prières à bientôt inshallah.

[1] https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01127947

Warq#010 – Entre Inclusion et exclusion : une étude de Sonia Butt-Awan

A.    Sur les traces de mon Identité

       VIII.            Entre inclusion et exclusion : une étude de Sonia Butt-Awan

1.      Introduction

Nous avons parcouru ensemble dans les précédents podcasts le chemin emprunté par la diaspora Pakistanaise en France. J’ai eu de la chance de pouvoir lire la thèse qui s’intitule Entre Inclusion et exclusion, une étude comparative des Pakistanais en France et les Pakistanais à Oldham, en Grande bretagne de Sonia Butt-Awan qui vient d’être publié en Septembre 2020.
Salam aleekum Sonia, je suis très contente de pouvoir discuter avec toi aujourd’hui.
Plaisir Partagé ! Merci de m’avoir invitée sur ton plateau.

2.      Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Oui bien sûr ! Je suis doctorante à la Sorbonne Nouvelle et ma recherche de doctorat se focalise sur la Diaspora Pakistanaise en France. Mon mémoire de M1 traitait du syndicalisme au Port de Karachi dans l’empire britannique. L’année d’après, j’ai fait ma dissertation de M2 sur le statut comparé des Pakistanais ici et au Royaume Uni, et j’ai eu un retour très encourageant pour ce travail de recherche, c’est pourquoi j’ai décidé de faire un doctorat.  

3.      Pourquoi tu as été amenée à faire cette étude ? Dans ce domaine où il y a finalement peu de noms familiers (à consonance orientale)…

Je me posais beaucoup de questions sur les Pakistanais en France. Les Pakistanais que l’on voit un peu partout, des hommes seuls et sans papiers, sont très différents des Pakistanais qui sont venus travailler en France dans les années 1970, et qui sont finalement restés en France. Je voulais mener l’enquête pour pouvoir présenter, écrire et décrire la communauté Pakistanaise de France, une communauté d’environ 100 mille personnes aujourd’hui et un peu plus si on compte les sans-papiers. Et c’est justement le fait qu’il y ait si peu de recherche sur cette Diaspora que moi je m’y suis intéressée. Au départ, ma recherche devait se focaliser sur les Pakistanais de France mais finalement, j’ai fait une étude comparative et tout compte fait, c’est bien mieux comme ça car la comparaison permet de mettre en évidence pas mal d’aspects auxquels on ne pense pas autrement

4.      Tu commences ta thèse par une citation de Kalra :

Si la migration a pu être au cœur d’une formation d’une nation-état, alors Pakistan est le meilleur exemple de pays émergeant des mouvements de peuples… Les implications indirects de la partition sont encore de nos jours au stade d’exploration mais il est possible de supposer que le déracinement massive initial a provoqué une sorte de dislocation psycho-social et qui facilite les migrations futures plus facile à entreprendre.

Est-ce que tu penses que la diaspora actuelle de quelque pays que ce soit est voué à errer ? Chaque génération marquée par sa migration ?

J’ai été très marquée par la citation de Kalra et impressionnée par le travail exceptionnel qu’il avait fait sur les Pakistanais d’Oldham en 2000, juste un an avant les émeutes. Ceci dit, oui chaque génération est marquée par la migration et par son statut ‘issus de l’immigration’ mais ce n’est pas pour autant que toute Diaspora d’un pays quelconque, soit vouée à errer ou à échouer. Et justement, ma recherche actuelle se focalise sur le transnationalisme…. Aujourd’hui il n’est plus question de rester ou de rentrer mais de construire des ponts, créer des liens, jouer la carte de la double identité, sans être déloyal ou désengagé pour autant …… 
Effectivement je suis d’accord que maintenant un travail d’un autre genre doit commencer.
Tu as pris comme étude de cas deux villes : La ville de Villers le Bel et Oldham. Le profil de personnes qui sont venus en France dans les années 70 sont plus tôt des jeunes hommes punjabis relativement éduqués et les ‘babas’ qui s’installent à Oldham sont des Mirpuris  dans leurs trentaine dans les années 50. Ces deux populations ont des trajectoires différentes.

5.      Tu peux par exemple de nous parler des mirpuris d’abord ? Comment ces deux populations vont s’adapter à leur pays d’accueil ?

Pour moi, la découverte des Mirpuris fut très intéressante et révélatrice d’un point de vue anthropologique et sociologique. Même s’il est vrai que des milliers d’hommes ont quitté leurs villages lorsque le gouvernement décida d’y construire un réservoir d’eau, les habitants de Mirpur étaient déjà très mobiles bien avant cela. Mais, dès 1962, la construction du réservoir se présente comme une opportunité unique. Le gouvernement Pakistanais délivra des passeports, des visas et parfois même des promesses d’embauche à ces hommes, qui eux finalement n’étaient que des agriculteurs et des fermiers illettrés. Une fois arrivés au Royaume Uni, même s’ils ont réussi à trouver du travail dans les usines de coton du Lancashire, ces hommes ont fait très peu d’efforts pour vraiment s’intégrer, apprendre l’anglais ou le savoir-vivre à la British, ou bien même sociabiliser d’une manière quelconque. Ils pensaient rester quelques années et rentrer au pays, d’où le fameux mythe du retour. Or, dans les décennies suivantes, avec l’arrivée des familles, les choses se sont empirées car les nouveaux arrivants ont bénéficié de l’aide des familles déjà installées. 
Ainsi, des communautés minoritaires se sont formées et installées à Oldham sans qu’il n’ y ait aucune tentative de créer des liens avec les habitants blancs de la ville. Ces Mirpuris, hommes et femmes, pratiquaient un Islam barbare, à connotation sufi, fondée plus sur des superstitions que sur les textes sacrées. Au lieu de manœuvrer pour la construction de bonnes écoles et une amélioration de leurs conditions de vie de quartier, ces Mirpuris ont insisté sur la construction de mosquées. Dans les années 1980, alors que les usines de coton se fermaient l’une après l’autre, des pères et des fils se sont tous retrouvés au chômage en même temps. Cependant, les élus travaillistes ont bien profité de l’ignorance de l’électorat Mirpuri sans donner grand-chose en retour. Cela dit, Oldham n’était pas une ville très accueillante et dynamique, au contraire c’était l’une des villes les plus pauvres du Royaume Uni ; une ville travailliste ou les partis politiques d’extrême droite et les nationalistes blancs étaient très actifs voire agressifs et malveillants vis-à-vis des communautés d’origine étrangère. Il va sans dire que  l’intégration est un processus qui va dans les deux sens. 

6.      En France qu’est ce qui était différent ?

A peu près tout dirais-je. Les migrants Pakistanais des années 1970s étaient des hommes venus des grandes villes du Punjab et pas mal d’entre eux avait fait des études. Ils appartenaient souvent à des familles relativement aisées car pour partir travailler en France, il fallait financer le voyage. Habitants de moyennes et grandes villes, ils avaient eu accès au cinéma et à la radio pakistanaise ourdou et c’est aussi à travers ces média que ces hommes ont trouvé des modèles et pris connaissance des modes et des tendances. Désormais, ils rêvaient d’une vie meilleure. C’est pourquoi, arrivés en France, ils ont tout de suite apprécié le mode de vie français et l’opportunité qui se présentait à eux. Ils ont trouvé du travail dans les usines ou ateliers de Paris et ses environs et ils se sont tous dispersés au fil du temps. Ça c’était bien, parce que justement, ça leur a permis de s’intégrer, d’apprendre le français, de socialiser et de se faire des amis. Une fois qu’ils ont obtenu le droit de travailler et de vivre en France, ils sont retournés au Pakistan pour se marier mais pas avec n’importe qui. Ils se sont souvent mariés dans des familles plus aisées et plus urbanisées. Et pour la même raison, une fois en France, ces femmes pakistanaises ont, pour la plupart, réussi leur intégration mais aussi la réussite scolaire de leurs enfants…… 
Ceci dit, n’oublions pas que les modèles sociaux français et britanniques sont très différents. En France, la formation de ghettos ethniques et le communautarisme sont mal vus, et on met l’accent sur l’intégration de l’individu. Au Royaume Uni, il y a plus de liberté pour la pratique religieuse, et tout comme aux Etats Unis, les notions de multiculturalisme et  communautarisme  sont largement répandues et acceptées. Or, au Royaume Uni, dans beaucoup de villes, le secteur du logement est quasi monopolisé par les bailleurs privés, il en est de même pour les zones pavillonnaires ou devenir propriétaire est un jeu d’enfant. Malheureusement, cela crée un contexte facilitant et favorisant la formation de ghettos ethniques. Ainsi, par crainte d’injures raciales ou d’agression, les communautés minoritaires ont souvent eu tendance à rester dans certains quartiers, sans faire aucun effort d’apprentissage ou d’intégration. C’est un peu ce qui s’est passé à Oldham….     

7.      Une des grandes difficultés des Mirpuris c’était l’absence de modèles  n’est ce pas, ils se sont contentés de peu.

D’une certaine façon, oui, peut-être, mais n’oublions pas que dans les usines, ces Mirpuris travaillaient avec des responsables qui étaient souvent Punjabis. Eux au contraire ont pu bénéficier de la mobilité sociale et d’un cadre de vie meilleur, ils ont aussi réussi leur reconversion professionnelle même en restant à Oldham. Ils auraient très bien pu servir de modèles aux Mirpuris … C’était quand même une opportunité en or que de se retrouver au Royaume Uni, et être citoyen de droit. Mais malheureusement, ils ont accepté des mauvaises conditions de vie et de travail, ils sont restés dans le déni en se faisant croire que leur séjour au Royaume Uni serait de courte durée. S’il y avait vraiment quelqu’un qui avait besoin d’un modèle, c’étaient les enfants qui vivaient dans ces foyers défavorisés et dans ces quartiers précaires. Ici, pas question de réussite scolaire ou sociale mais plutôt de mariages arrangés entre cousins. Ainsi, à aucun moment ces hommes et femmes n’ont-elles essayé de rompre le cycle de la pauvreté et de l’ignorance, ni de questionner leurs propres croyances et pratiques culturelles ou religieuses ….  D’où le fameux adage:   Dis-moi d’où tu viens, je te dirai où tu vas …. En fin de compte, ces Mirpuris sont restés fidèles à qui ils étaient et d’où ils venaient….

8.      Et un des atouts des jeunes franco-pakistanais c’est qu’il avait des parents ambitieux.

On peut appeler ça ambitieux, si on veut, mais en réalité c’est qu’ils étaient suffisamment éveillés et relativement urbains pour se rendre compte de la chance qu’ils avaient eu. En comparaison, en France, les berbères d’Afrique du Nord ont eu les mêmes difficultés d’intégration que les Mirpuris au Royaume Uni car ils étaient eux aussi ruraux. Il faut être conscients que dans toute  société occidentale moderne, l’intégration demande de réels efforts, un engagement inébranlable. Mais aussi, l’intégration commence avec la première génération car ce sont les parents qui montrent le chemin aux enfants, ils apprennent le respect de l’autre mais aussi des valeurs de l’autre. J’ai pu constater qu’en France les mamans des années 1970s et années 1980s ont pu trouver le juste milieu entre l’assimilation et l’intégration. Cette première génération a compris qu’on ne peut réussir que si on accepte de s’intégrer, ou au moins jusqu’à un certain point et sans oublier pour autant qui on est, ou d’où on vient ….  

9.      Donc pour toi qui étaient les plus inclus dans leur société ?

C’est une question difficile. Ma recherche démontre qu’en termes de réussite économique et sociale, ou ce qu’on pourrait qualifier d’une amélioration du niveau de vie et de mobilité sociale visible et quantifiable, les Pakistanais en France sont gagnants et mieux intégrés dans la société d’accueil. Cependant, ils n’ont pas réussi à intégrer la sphère politique française, même au niveau local ou municipal, ce qui est quand même dommage. 

10. Ce qu’on remarque à travers ton étude est que le biraderi a joué un rôle mineur et plutôt positif de l’entraide en France. Mais par contre en France les castes ont quand même érigé des barrières pour les mariages…

Il est vrai qu’en France, le biraderi a joué un rôle plutôt réduit car les Pakistanais qui se trouvaient ici, venaient souvent de villes ou villages différents, parfois même éloignés. Le biraderi est cependant resté très influent au Royaume Uni, surtout dans le domaine du mariage. Or, je ne pense pas qu’en France, le biraderi ait érigé des barrières ou imposé des restrictions dans le cadre du mariage, et le cas que je mentionne dans mon mémoire est un cas, dirais-je, extrême et isolé. C’est avec un certain soulagement que je peux dire que l’accès à l’école publique, puis à l’enseignement supérieur ont permis à la plupart des franco-pakistanais de 2e génération de choisir leur partenaire et d’avoir leur mot à dire. La difficulté que je vois aujourd’hui c’est que les filles ont fait beaucoup plus d’études que les garçons, et naturellement elles sont plus exigeantes comparée à la génération précédente. Du coup, trouver des rishtas devient beaucoup plus difficile, sachant que la communauté pakistanaise en France dépasse à peine les 100 mille personnes. Mais les parents aujourd’hui sont beaucoup plus sensibles et raisonnables qu’avant, ils essaient tout de même de faire du matchmaking au lieu d’imposer leurs choix aux enfants. 

11. J’aime beaucoup le portrait complexe que tu as pu nous fournir. Je trouve que c’est assez objectif. Que ce soit au niveau de racisme, les problèmes des classes sociales défavorisées locales vis-à-vis des mirpuris. Les mirpuris ont fait le choix d’entre-soi pour ne pas contaminer leur façon de vivre. Mais les pakistanais en France (des hommes généralement ) se sont souciés de la religion que lors de regroupement familial. Est-ce que la religion c’est une affaire réservée aux femmes ?

Alors je pense que les hommes Mirpuris se sont en effet souciés de la religion dès le début raison pour laquelle ils n’ont pas voulu sociabiliser ou s’intégrer, ou comme tu le dis, ils ne voulaient pas contaminer leur façon de vivre ou de laisser leurs propres valeurs et croyances se diluer. Puisqu’ils percevaient leur séjour au Royaume Uni comme temporaire, ils n’ont fait aucun effort pour rendre leur existence un peu plus en conformité avec la ‘norme occidentale’. En comparaison, les Punjabis du Royaume Uni et ceux de France ont eu bien plus de succès dans ce sens là, ils ont vite évalué la situation et le mindset des anglais et des français, pour dresser un constat et s’adapter! Les Pakistanais de France ont vite compris ce qu’était la laïcité, et puis les années 1970s, c’était aussi la période ou le racisme frappait les  Algériens de plein fouet, donc en France la religion c’était à la maison!  Ceci dit, je ne pense pas que la religion soit une affaire de femmes mais les hommes, les migrants, étaient venus surtout pour travailler et lors du regroupement familial, les femmes ont vite rappelé les hommes à l’ordre ! Après, avec la naissance des enfants, les mamans ont eu la responsabilité de les éduquer et de leur apprendre le Coran à la maison…Je pense que pour nos mamans, c’était un peu comme une évidence, si elles ne le faisaient pas, personne d’autres n’allait le faire à leur place …..  

12. Tu conclus très justement que l’inclusion totale est en mythe et chacun place son cursus en fonction de certains facteurs. Tu es une maman aussi, aujourd’hui. Comment en tant que mère tu vis cette dualité ? Est-ce que tu sens que tes enafants se posent des questions ?

Oui, bien sûr, c’est pas toujours facile de trouver le juste milieu quand on est issu de l’immigration mais qu’on doit vivre et élever ses enfants dans une société occidentale laïque. Je ne dirai pas que je vis mal cette dualité mais je pense que mes enfants ont parfois du mal à comprendre d’ou ils viennent, qui ils sont, quelle est la culture pakistanaise, ce qu’est l’Islam… Tout cela, il est important de le faire connaître à nos enfants pour qu’ils soient bien ancrés dans leurs vies. La double nationalité, c’est une force, avoir une double culture, c’est une richesse. Et pour ceux qui se posent des questions, je dirai, allez chercher les réponses, essayer de mieux vous connaître et aussi de connaître les autres.

13. Conclusion

Subhanallah, cette réponse me touche énormément et touchera certainement les auditeurs J Il est temps pour nous de plier bagage.

14. Avant de partir Sonia, Aurais-tu quelques choses à ajouter ? Un message à faire passer aux gens qui se pose des questions sur leurs identités ?

Je ne sais pas si je suis sur le bon plateau pour dire cela mais oui, je voudrais dire, continuez d’apprendre, n’arrêtez pas vos études, il n’y aucune honte à être le senior de la classe et la maturité intellectuelle, c’est un don aussi. Je vois malheureusement beaucoup trop de jeunes qui ne finissent pas leurs études et cela m’attriste, c’est vraiment dommage.   Pour ceux qui se posent des questions sur leurs identités, encore une fois, lisez, cultivez-vous! Je suis sûre que dans les livres, vous trouverez pas mal de réponses.
Exactement ! je ne peux qu’appuyer cette recommandation. On va donc terminer le podcast sur cette note. Pour aller plus loin vous pouvez lire

  • From Textile Mills to Taxi Ranks de Virinda Kalra
  • Voir le reportage Divided Britain
  • Solliciter Sonia pour avoir accès à sa mémoire.

Merci beaucoup pour ton temps. Je te souhaite beaucoup de succès dans ta vie personnelle, spirituelle et professionnelle inshallah.

Warq#009-La déconstruction de mythe de retour

A.    Sur les traces de mon Identité

       VII.            La déconstruction de mythe de retour

1.      Introduction

Avec toutes les discussions dans les précédents podcasts vous vous êtes sentis riches de la culture pakistanaise et vous vous êtes peut-être même sentis nostalgiques. Mais comme une de mes amies témoignait dans le premier épisode, la diaspora pakistanaise n’aime le Pakistan que de loin. Alors ? Est-ce vrai ? Dans quelle mesure ? Pourquoi la diaspora aime le Pakistan ? Et pourquoi en vérité ils ne peuvent y vivre qu’à petite dose ? Loin de moi l’idée de vous critiquer, n’oublions pas nous sommes dans le même panier. Je préfère qu’on se pose ces questions soi-même avant que quelqu’un d’autres ne les utilise pour nous faire du mal. Oui, confronter la vérité fait mal. Mais une fois que nous aurons fait ce travail de déconstruction nous pourrions justement trouver une équilibre entre notre passé et notre présent. Peut-être, est ce le moment de s’assoir avec soi et redéfinir son rapport assumée avec le Pakistan en plaçant la jauge où on le juge le plus pertinent pour soi.
C’est aussi un moyen d’en finir une fois pour toute avec toutes ces agressions externes et internes de types : Ah ouais, tu t’es vraiment francisé.e toi ! tu parles comme un blanc.he ? T’es vraiment une blédarde ! Si tu aimes tellement le Pakistan, pourquoi tu ne t’y installes pas ?  En vérité, c’est quoi  « se franciser » ? Et de quoi parle un blanc.he ? Pourquoi agir comme un blédard, donc quelqu’un appartenant à votre pays d’origine est détestable ? Pourquoi chaque personne qui aime un autre pays devrait s’y expatrier ? Ah oui, désolée, beaucoup de questions. Mais ne vous inquiétez pas. Petit à petit nous pouvons répondre à tout cela.
Longtemps nos parents, la première génération d’immigrants ont tenu le discours de « on va repartir » au Pakistan. Et loin de nous remplir de joie, cela nous effrayait. Avant qu’on réalise que non seulement nous n’allions pas repartir au Pakistan mais que nos parents aussi n’allaient jamais y retourner. Pourquoi ?
Avant d’entrer dans le vif de sujet, je m’arrête un instant pour vous prévenir que ce podcast se veut neutre et illustrer les faits. Je n’élabore ici ma sympathie avec aucune classe politique sociale ou religieuse. Si ce n’est je n’ai pas pu m’empêcher de plus enquêter sur la condition féminine.
Dans certains retours, mes podcasts vous ont paru long, mais je fais le choix de ne pas les raccourcir afin de traiter un sujet d’une traite. Ainsi quand vous vous sentirez prêt vous allez prendre le temps d’écouter et maintenant que le podcast est disponible sur toutes les plateformes classiques de podcasts, vous pouvez vous arrêter où vous voulez et reprendre là où vous l’avez laissé.

2.      Pourquoi vous n’allez pas rentrer au Pakistan

        i.            Liberté

La première raison de ne pas y retourner que j’élabore est la liberté. Le Pakistan est embourbé dans les divisions religieuses[1] et politiques.

Dans le schéma que j’ai mis dans l’article vous pouvez voir combien de ramifications partent des branches Sunni et Shia. Vous avez également les différents types de soufismes. Pourquoi, j’évoque les différentes ramifications religieuses sous la section  de la liberté :parce que chacun s’emploie à prouver que l’autre est dans le faux. Le terme Wahabi peut être péjoratif et utilisé pour désigner quelqu’un de plus fondamentaliste que vous.[2] Cela draine une énergie folle qui peut être mis dans des œuvres plus constructives. Un mot de travers et on peut vous faire emprisonner pour des raisons politiques ou pour le blasphème. Dans la plupart des cas ces procès après enquête se révèlent être des histoires de jalousies professionnels ou des conflits fonciers.  Et quelque en soit le résultat, il y a plus d’une personne prête à vous tuer à sortie de cours de justice.

Le Pakistan est un état islamique et la section 295(c ) du code pénal introduit en 1986 cautionne une punition de mort pour le coupable qui aurait prononcé des remarques dérogatoire contre le Prophète Mohammad (saw)[3]. Il faut comprendre qu’ici on ne remet pas question la loi du pays mais la fabrication des procès pour des différends personnels. Selon le reportage d’Arte intitulé Pakistan – Le blasphème et la mort[4] il y aurait eu 1500 procès sous la section 295c. Les avocats, les juges, les politiques qui auront le malheur de soulever des questions seront tués. Ainsi on décompte Shahbaz Bhatti, le ministre des minorités est tué le 02 Mars2011, Arif Iqbal Hussain Bhatti juge assassiné le 17 Octobre 1997, Rashid Rehman Avocat des droits humains abattu le 07 Mai 2014. Amjad Sabri, le célèbre qawwal lui est accusé de blasphème et est assassiné par des motards le 22 juin 2016.


Au-delà des différends religieux, les différends politiques font aussi des victimes. Benazir Bhutto est assassinée le 27 décembre 2007. Plus marquant encore le procès de Zulfikar Ali Bhutto qui est exécuté par Zia ul Haq dont  « l’impartialité des procès a souvent été contesté, notamment par Ramsey Clark qui a assisté à des audiences. Il note que l’accusation reposait uniquement sur les témoignages d’officiers emprisonnés depuis le coup d’État, dont l’un est revenu sur ses déclarations, affirmant qu’elles avaient été obtenues sous la contrainte »[5]

A Quetta les attentats contre les shiites Hazara font une centaine de morts. Les attentats contre les chrétiens se sont produits à Lahore et à Peshawar. Les sikhs sont enlevés dans les zones tribales contre rançon puis retrouvés décapités. Les ismaéliens sont tués dans bus avec 45 victimes à déplorer. Les Ahmedis sont déclarés non musulmans par un amendement à la constitution en 1974.
Les femmes et les enfants ne sont plus épargnés, le plus sanglant exemple reste l’attentat sur une école en 2014  avec 132 enfants et 141 victimes au total et le récent attentat de 27 octobre de cette année dans une école coranique faisant 7 morts et 50[6] blessés. Ce code de protection des femmes et enfants est brisé désormais et les violences n’étant pas adressées, les attentats sont de plus en plus violents. Les gens sont devenus extrêmement résignés car aucun de ces attentats ne sert d’électrochoc aux politiques.
C’est ironique qu’un pays qui a été créé pour l’union et la sécurité des musulmans, personne, absolument personne n’est à l’abri de l’autre. Cet autre qui a été créé ou qui est naturel, qu’on a du mal à respecter et accepter.
La division sectaire au Pakistan qu’on critique tant est exploité par les pakistanais comme une excuse pour demander l’asiles auprès des pays étrangers parce que chaque groupe est menacé par l’autre. Et offre un terrain idéal pour ceux qui chérissent le chaos pour agir.

      ii.            Droits humains

Le deuxième point que j’aborde c’est les droits humains.
Le Pakistan est un pays à la majorité musulmane mais un tiers de notre drapeau est blanc et cela signifie l’inclusion des minorités. Actuellement, les non musulmans sont des citoyens de 2nde zone. Il y a une vraie ségrégation vis-à-vis de travail, de partage de repas par exemple. Ils sont carrément considéré comme impurs. Là, je vais vous envoyer vers une autre émission d’Arte Curé, fan de foot et …sauveur d’esclaves[7]. Par ailleurs dans une conférence, Mariam Abou Zahab, chercheur à CERI explique : « Les chrétiens au Punjab  sont les anciens intouchables hindous dont la conversion date de 1880 (donc c’est assez récent). Le Punjab est devenu britannique assez tard et les missionnaires ne pouvaient pas aller faire du prosélytisme.  Il y avait beaucoup d’intouchables dans le Punjab. Il y a toujours beaucoup d’intouchable au Punjab indien. Les intouchable espéraient à travers leurs conversion à l’islam, christianisme ou sikhisme de s’échapper au système de castes hindoues. Mais ils ont gardé les mêmes professions dont les professions d’impureté car ils étaient de basse caste. Il y avait des structures sociales avant l’Islam et qui sont restées. Les hiérarchies sociales sont très importantes dans cette région. Donc  on continue de s’en prendre aux chrétiens comme on continue de s’en prendre aux basses castes au Nord de L’Inde au Bihar notamment. »
La traite des esclaves a été abolie mais le trafic humain au Pakistan continue. Une ONG portes ouvertes estime que plus de 700 jeunes filles chrétiennes sont enlevée chaque année pour des conversions forcées suivi de mariage forcées. [8]  Le Pakistan occupe la deuxième place dans les statistiques liées au kidnapping [9]  en 2018 avec 9.5 cas pour chaque 100 000 personnes.

Après vous avoir parlé d’une minorité, je vais vous parler d’une majorité qui constitue 48 % de la population du pays : les femmes. Le climat n’inspire confiance à personne, plus particulièrement pas aux femmes.  Au Pakistan, il y a eu beaucoup de cas de viol non seulement sur les femmes mais sur des enfants ![10]En France, combien de femmes se sentent à l’aise en allant faire des courses dans les commerces ethniques ? Elles se sentent toutes dévisagées, scannées, jugées, réduites à la chaire. La plus part de filles ne sont pas prêtes à aller subir ces regards partout 24h/24. Elles ont appris à interagir ici, et ont peur qu’on interprète mal leurs gestes dans un milieu de travail qui n’a pas les mêmes codes. « Elle vient de la France donc elle est forcément open. »
Concernant les filles, il y a 1000 crimes d’honneur[11] chaque année. « Selon la Commission des droits de l’homme du Pakistan (HRCP), 636 femmes sont mortes d’un crime d’honneur en 20078. En 2013, selon la Commission nationale des droits de l’Homme, ce sont près de 1 000 femmes ou adolescentes qui ont été tuées sous prétexte d’avoir déshonoré leur famille, le plus souvent en toute impunité. L’une d’entre elles était enceinte de trois mois9. Le cas de Qandeel Baloch a été quelque peu médiatisé : la blogueuse et chanteuse pakistanaise a été assassinée par son frère le 15 juillet 2016, qui a invoqué le crime d’honneur10,11. »
Mais le Pakistan ce n’est pas si mal, on peut avoir des domestiques pour nous faire à manger, pour faire le ménage, les tâches ménagères, tout. Certains ont même des domestiques à plein temps. Leurs familles habitant loin font confiance à la famille. Vous rappelez vous de Zohra Shah, petite domestique de 8 ans battue à mort par un couple pour avoir libéré leur perroquets ? [12] Souvent,  on a tendance à confondre éducation et humanité. Mais c’est les plus éduquées qui gagnent le plus et donc peuvent se permettre des domestiques, mais leurs comportement font honte à l’éducation.  J’ai vu des domestiques prendre soin des enfants qui avaient leur propre âge. Les gens n’ont pas de scrupules à les amener dans des fêtes où ils savent qu’elles seront mal à l’aise. Parce qu’elles n’ont pas d’habits appropriés ce qui les exclue encore un peu plus et voir tous ces gens gaspiller l’argent qu’elles gagnent si durement doit les dégoûter. Ces jeunes filles pour la plus part, se trouvent livrées à elle-même, mal à l’aise dans des restaurants où leurs maîtres ne même pas la peine de commander pour elles, ne leur laissant non plus le choix de rester à la maison parce qu’ils ne leur font pas confiance. Les agents de services à la personne ne sont pas considérés humains donc une appréciation à leur juste valeur est sans doute un trop en demander.
Un autre aspect d’inquiétude est comment les enfants transgenres sont traités : D’après les estimations de Khawaja Sira society 500 000[13] transgenre sont reniés le droit d’être aimé et élevé par leur famille même si les parents veulent les garder. Marvia Malik est la première présentatrice transgenre à la télévision pakistanaise. Elle raconte que « Ma famille ne m’a jamais acceptée, ni reconnue. » [14]
Les personnes avec un handicap ne sont pas mieux loties « Selon un rapport publié par le British Council, 72% des personnes handicapées ont déclaré que l’inaccessibilité était un obstacle majeur à l’accès à l’éducation, à la formation et à l’emploi. De plus, les personnes handicapées ont également été confrontées à des problèmes lors des élections générales et n’ont pas pu exercer leur droit de vote en raison de l’inaccessibilité du bureau de vote. »[15]
Les maladies psychologiques ne sont même pas considérées comme des maladies encore moins sont elle traitées.  « La santé mentale est le domaine le plus négligé au Pakistan où 10 à 16% de la population, soit plus de 14 millions, souffre de maladies psychiatriques légères à modérées, dont la majorité sont des femmes. » [16] indique un article publié par International Journal of Emergency Mental Health and Human Resilience.
J’ai peint un tableau avec trop de noirceur. Il est temps d’ajouter quelques couleurs. On le sait tous que les mariages pakistanais sont un grand événement très coloré aussi bien en habits que les mets qu’on y consomme.

   iii.            Marriages

Une des couleurs qu’on n’aime pourtant pas est la si charmante couleur caramel. Le racisme envers soi est tellement prégnant qu’on va avoir recours au Faire & Lovely la crème qui blanchit la peau, à quel effets secondaire sur leur santé, la plus part ne le savent pas.  Tant que j’y suis-je vais placer la grossophobie, une des couleurs refusée aux mariages. Déjà qu’on n’aime pas la couleur caramel, la pilosité sur le visage est un autre sujet de moquerie de soi. Et autant d’arguments pour refuser une fille pour un mariage.
Le mariage reste une très grande épreuve que ce soit pour chercher un partenaire, pour les problèmes de dot ou considérant les violences conjugales. Quoique certains vont s’affranchir de ces étapes en mariant leurs filles au Quran. [17] Plus besoin de cherche un mari et l’héritage reste à la maison redistribuée entre les frères.
Au niveau de mariage, les maris ont droit dans la loi islamique aux quatre mariages et la femme n’a pas son mot à dire et aucune autorité islamique ne vérifie que le mari peut financièrement supporter le nombre de femmes qu’il prétend supporter.
Enfin bref, désolée de vous décevoir mais on ne parlera pas plus de mariage dans ce podcast car c’est un sujet qui mérite un podcast à lui à part entière.
Ce qu’on va détailler un peu plus c’est l’inégalité l’homme-femme non plus extérieur mais à l’intérieur des foyers :

    iv.            Gender imbalance

La plupart de familles ont plein de filles en essayant d’avoir un garçon. Du coup les parents pas très riches de base misent sur l’éducation de garçon en tant que leur plan de retraite négligeant les filles.[18] Vous ne pouvez qu’imaginer l’état d’esprit de ces filles en grandissant dans une société qui ne les a pas désirées. Elles vont donc apprendre comment tenir une maison et suivre un code d’honneur drastique alors que les garçons ont  plus de liberté, sinon totale. Encore, ce modèle peut convenir s’il y a le respect mutuel mais la plus part de temps celui reste à la maison n’a plus de valeur et devient un punching ball sur lequel se venger de toutes les injustices extérieurs. Les frères, les pères sont réputées pour protéger leurs femmes et filles en dehors de la maison de la meilleur façon qui soit mais ce comportement et souvent absent au sein de la maison.
En 2018, le taux d’alphabétisation des femmes est de 51.8% contre 72.5% pour les hommes. [19]

Ces tendances changent alhamdullillah, même au sain des classes sociales les plus modestes dans les zones urbaines et j’espère inshallah que de plus en plus de filles auront accès à l’école à l’avenir.

       v.            Education

Il a ceux qui n’ont pas accès à l’éducation et il y a ceux qui prétendent trop en avoir. En effet, Il y a eu un certains nombre de cas de fraude autour de la falsification des diplômes et inadéquation entre le diplôme et le poste occupé. [20] Dans les élections de 2013 plus de 10 candidats avaient été disqualifiés pour possession de faux diplômes. Une des exemples de l’inadéquation de diplôme et le post occupé est Muneer Khan qui était au temps de Zulfiqar Ali Bhutto Responsable de programme nucléaire avec un diplôme d’ingénieur électrique.

Bon pour finir sur quelque chose de positif, l’éducation reste un moyen d’ascenseur social, Farwa Batool est une exemple de personnes venant d’un milieu modeste et une minorité persécutée des Hazara. Elle a eu la première position dans l’examen CSS dans la province de Balûchistân et la 9ème position au niveau nationale en 2019.[21]
Le dernier point que je voulais aborder concernant l’éducation et l’intégration des cours sur les sciences religieuses à l’école. Ce qui est un point positif mais là encore on délaisse les minorités.  Plus jeune j’ai eu des cours d’arabe et islamiat à l’école. Et mes camarades chrétiennes n’avaient pas de cours spécifique de remplacement. La plupart ont fait l’arabe et les sciences islamiques comme nous.
Passons maintenant aux choses plus basiques encore de la vie quotidienne.

    vi.            Everyday life facilities

Malgré tous ce que je vous ai dit, vous allez me dire qu’il fait quand même bon vivre au Pakistan. Sauf que selon la ville que vous allez choisir pour habiter vous aurez plus ou moins d’eau. En effet, l’eau courante n’est pas accessible 24h/24, donc il faut prévoir des réservoirs souterrains ou sur le toit qu’il faut ensuite alimenter lors des heures de lâchers d’eau[22]. Amusant !

Pakistan fait partie des 10 pays qui ont le plus bas niveau d’accès à l’eau potable. 21 million de personnes dans la population totale de 207 millions n’ont pas accès à l’eau potable.[23]
J’ai cherché les stats sur les foyers ayant accès à l’eau chaude, recherche pas très fructueuse pour l’instant. Donc j’extrapole d’après un article publié dans le journal DAWN[24] et le diagramme[25] fait par wikipédia dessus : 65 millions d’habitants sont extrêmement pauvre. Donc en étant optimiste en supposant que les riches, et la classe moyenne ont accès à l’eau chaude, ça fait quand même 65 millions de personnes sans accès à l’eau chaude dans leur foyers.

Pour tirer l’eau vous aurez besoin d’électricité. 70,79% de la population avait accès à l’électricité  en 2017 sachant qu’on était déjà à 70.30% en 1999[26].

Selon l’enquête sur le niveau de vie et niveau social du Pakistan sur les années 2018-19[27], 12% de la population n’a pas de toilettes. 35% de population n’a pas de système sanitaire à la maison. Je vous encourage à aller consulter ce rapport qui est riche sur d’autres indicateurs concernant l’éducation, accès à l’internet, moyens de communications par exemple.

Là, je me permets de nuancer un peu, il existe des quartiers sympas dans toutes les grandes villes qui ont l’électricité 24H/24 ainsi que l’eau. Il est certainement moins cher d’habiter là bas que dans la banlieue parisienne. A condition qu’on continue à gagner avec les standards des pays européens.

  vii.            Problèmes sociétales

Maintenant, on va aborder les problèmes sociétales avant de conclure ce podcast.
L’Irresponsabilité des personnes au pouvoir reste un gros point de frustration pour le contribuable. Comme ça transparaît à travers ce dialogue dans la biographie d’Abdul Qadeer Khan par Imran Chodhry.

C’était vraiment lamentable que les envoyés de gouvernement n’aient même pas essayé de comprendre les capacités d’Abdul qadeer Khan et a passé leur temps à assouvir leur désir personnels au Pays Bas. En voyant cela Abdul Qadeer se sentait encore plus triste et un jour il a fait part de son sentiment : « Vous êtes financé par l’argent de contribuable pour exécuter une grande responsabilité. Cela  ne vous sied pas de gaspiller votre temps ici en jouant jouer aux échecs. » Ce qui bien sûr n’a pas été apprécié par l’envoyé spéciale a répondu : « Mêlez vous de vos affaires, je sais ce que je dois faire. »

Dans un des précédents podcasts, je vous racontais comment Manto décrit la corruption dans la bureaucratie. Transperancy international[28]  fournit un classement avec un indice de corruption qu’elle estime. Un score plus proche de 0 correspond à plus de corruption et un score proche de 100 à moins de corruption. La France occupe la 26ème position avec un score de 69 et le Pakistan occupe la 126ème position avec  un score de 29.

Et avec ça je vais conclure mon podcast pas très glorieux pour le Pakistan.

3.      Conclusion

J’ai volontairement mis l’accent sur les choses plus difficile à accepter par les franco-pakistanais.e.s. Pakistan a de nombreux chantiers  de développement à adresser mais ce sont les choses qui peuvent être réglées le temps d’une génération comme en Corée du Sud. La peur de l’autre, la culture de division est par contre est plus problématique parce que ça ne s’arrête pas au racisme mais va jusqu’à la persécution ce qui est contraire au étiquettes d’un pays qui se réclame musulman.
De l’autre côté, vouloir vivre bien en France ne vaut pas dire qu’on déteste complètement le Pakistan. Pour les femmes, ce rapport est beaucoup plus contrasté que les hommes. L’appartenance, l’attachement n’est pas quelque chose qui se traduit forcément par un retour au pays, même si ce retour est  un des aspects. Mon identité, mon degré de confort avec ces deux pays est un choix personnel. Ça ne devrait pas être une décision binaire et de plus imposée par quelqu’un d’extérieur.
A cause de tous ces aspects évoqués, retourner vivre au Pakistan pour la plupart d’entre nous reste largement un myth, même si on observe un mouvement qui embrasse ce changement.

[1] https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Muslim_self-identification.jpg
[2] Reportage Pakistan, anthropologie d’une république islamique – Michel Boivin, Mariam Abou Zahab
[3]https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_interdisant_le_blasph%C3%A8me_(Pakistan)#Section_295(c)_du_code_p%C3%A9nal_introduite_en_1986
[4] https://www.arte.tv/fr/videos/088254-000-A/pakistan-le-blaspheme-et-la-mort/
[5] Frank McLynn, Famous Trials: Cases that made history, Crux Publishing Ltd, 1999, 256 p.
[6] https://www.la-croix.com/Monde/Pakistan-moins-7-morts-50-blesses-ecole-coranique-2020-10-27-1201121477
[7] https://www.arte.tv/fr/videos/093942-000-A/pakistan-cure-fan-de-foot-et-sauveur-d-esclaves/
[8] https://www.portesouvertes.fr/edifier/podcast/pakistan-700-chretiennes-kidnappees-chaque-annee
[9] https://knoema.com/atlas/ranks/Kidnapping-rate
[10]https://en.wikipedia.org/wiki/Murder_of_Zainab_Ansari#:~:text=On%2017%20February%202018%2C%20an,raping%20and%20murdering%20Zainab%20Ansari.&text=He%20was%20sentenced%20to%20death,at%20Lahore’s%20Kot%20Lakhpat%20jail.
[11] https://fr.wikipedia.org/wiki/Crime_d%27honneur#cite_ref-11
[12] https://gulfnews.com/world/asia/pakistan/eight-year-old-pakistani-maid-tortured-to-death-for-letting-parrots-free-1.71847358
[13] https://en.wikipedia.org/wiki/2017_Census_of_Pakistan#:~:text=Transgender%20population,-Transgender%20rights%20campaigners&text=Bindya%20Rana%2C%20leader%20of%20the,300%2C000%20transgender%20people%20across%20Pakistan.
[14] https://www.ouest-france.fr/monde/pakistan/une-premiere-presentatrice-transgenre-la-television-au-pakistan-5652094
[15]https://en.wikipedia.org/wiki/Disability_in_Pakistan#:~:text=The%205th%20Population%20and%20Housing,down%20to%20less%20than%200.48%25.
[16] https://www.omicsonline.org/open-access/mental-health-pakistan-optimizing-brains-1522-4821-17-160.php?aid=37919#:~:text=Mental%20health%20is%20the%20most,majority%20of%20which%20are%20women.
[17] https://www.parhlo.com/haq-bakshish-marriage-with-quran#:~:text=The%20term%2C%20traditionally%20known%20as,up%20the%20right%20to%20marry.&text=An%20incident%20highlighted%20by%20the,married%20to%20the%20Holy%20Quran.
[18] https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/fields/370.html#PK
[19] https://en.wikipedia.org/wiki/Education_in_Pakistan#/media/File:Literacy_rate_in_Pakistan_1951-2018.png
[20] http://archive.indianexpress.com/news/fake-degrees/1098271/
[21] https://www.parhlo.com/hazara-girl-farwa-batool-css/
[22] https://en.wikipedia.org/wiki/Water_supply_and_sanitation_in_Pakistan#Wastewater_treatment
[23] https://gulfnews.com/world/asia/pakistan/21-million-in-pakistan-dont-have-access-to-clean-water-report-1.2192988
[24] https://www.dawn.com/news/842873/need-for-a-new-paradigm
[25] https://en.wikipedia.org/wiki/Poverty_in_Pakistan#/media/File:Socio-Economic_Status_of_Pakistanis.png
[26]https://www.indexmundi.com/facts/pakistan/indicator/EG.ELC.ACCS.ZS#:~:text=Access%20to%20electricity%20(%25%20of%20population)%20in%20Pakistan%20was%2070.79,population%20with%20access%20to%20electricity.
[27] http://www.pbs.gov.pk/sites/default/files//tables/rename-as-per-table-type/summary_of_key_indicators_PSLM_2018-19.pdf
[28] https://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_perception_de_la_corruption

Warq#006 – Le retour aux sources avec Syed 

A.     Sur les traces de mon Identité

       VI.          Le retour aux sources avec Syed

Les précédents podcasts explorent l’identité de la diaspora pakistanaise en France. Tout ce cheminement à partir de nos souvenirs de Pakistan, puis dans les pas de nos parents avec leurs angoisses et leurs interminables journées et ensuite dans le dialogue entre les identités de nos parents et la notre, vous vous êtes peut être sentis nostalgique le temps d’un podcast. Tout cela vous a sûrement transporté au Pakistan et peut-être même l’idée de retourner vivre au Pakistan a germé dans votre esprit. Donc pour ce podcast, j’ai trouvé ça pertinent de partager avec vous la conversation que j’ai eu avec Syed, un franco pakistanais qui a fait le choix de retourner vivre au Pakistan. J’ai essayé de comprendre pourquoi et comment ça s’est fait.
Voici les questions que je lui ai posées :
Syed est ce que tu peux te présenter en quelques mots ?
Mes précédents podcasts étaient sur l’identité, alors pour une personne qui a fait le choix de travailler au Pakistan, je me permets de te poser la question : Te sens tu plus français ou pakistanais ?
Il y a un témoignage de Van Jones, qui apparaît comme commentateur sur CNN régulièrement qui à été mis au goût de jour après les récents événements de l’islamophobie. Ces commentaires date de 2016 mais trend sur les différents réseaux sociaux en ce moment. Il dit :

Honestly, if a Muslim family moved next door to you, you would be the happiest person in the world. First of all, the chances of your kids getting into trouble just went way down. OK, went way down. Because (American) Muslim community has the lowest crime rate, the highest entrepreneurship, the highest educational attainment for women in the country (US). They are the model American community. And so, when you have people who are now afraid to come here–that’s starting to happen–you have geniuses from Pakistan, who are from Indonesia, who now (think to themselves) « I’m not safe here ». That becomes an economic problem for America long term. So that we’re starting to do stuff here that doesn’t make good sense for what has made us great so far.[1]

Est ce qu’est aussi une des raisons de ton départ de la France ? Sinon quelles sont les autres raisons ? 
Quel accueil les pakistanais t’ont réservé ? Est-ce que tu fais face à des rejet parfois ?
Comment tes proches en France ont réagit ?
Concrètement, si tu devais donner une démarche à suivre à d’autres jeunes que leur conseillerais tu ? Je suppose qu’il y a certains métiers plus faciles à exercer au Pakistan que d’autres ? Et puis au niveau des équivalences de diplômes est ce que les gens vont s’y retrouver ?
Qu’est ce qui te fait vraiment plaisir de retrouver au Pakistan ?
Qu’est ce qui te manque de la France ?
J’ai pu rencontrer des étudiantes en Allemagne, états unis et en France qui souhaite un jour retourner en Inde après avoir eu un peu d’expérience. Ne pas avoir de famille dans les pays d’accueil est un grand facteur et Inde est un pays de progrès. Mais j’ai rencontré peu de pakistanais dans cette même tendance. Pour toi du coup est-ce un départ définitif ?
Vue qu’on t’as en live en plein crise sanitaire de Lahore, que pense tu de la gestion de crise au Pakistan ? Le gouvernement a t-il mis des choses en place ? Cela a un impact sur ton activité ?

[1] https://www.youtube.com/watch?v=gr5cLv8Dj2I&ab_channel=RiazHaq
[2] Header image courtesy : Syed Muheeb Ali 

Warq#005 – Discussion avec Andrei : Faire la paix avec son identité

1.      Introduction

Bismillahi rahmani raheem. Salaam Aleekum ! Bienvenue au podcast Oraq. Le but est de partager avec vous les pensées sur une vie de diaspora pakistanaise en France. On parlera de religion, d’études, de travail, d’identité, d’Histoire avec un grand H et bien d’autres choses.
Je m’appelle Warq. J’ai 28 ans et je suis issue d’une immigration, arrivée en France à l’adolescence. J’habite dans la région parisienne.
Les précédents podcast retracent une naissance de diaspora pakistanaise en France et abordent les questions sur l’identité que la première et la deuxième génération peuvent avoir sur le sujet. Le parcours n’est pas simple et  chacun essaie de se construire à son rythme. Andrei qui a été mon éditeur/correcteur pour cette série de podcasts a eu un parcours similaire en version russe. Aux extrémités de pleins de phrases nous avons réalisé la similarité de nos expériences et nos différences. Une des différences est que lui aujourd’hui est en paix avec ses identités et moi je n’ai pas fini ma démarche.
Ainsi, je pense que la discussion que j’ai eue avec lui, peut être intéressante pour tout le monde et ouvrir des dialogues s’ils n’existent pas déjà d’entraide. Sans plus tarder, voici comment on a pu se retrouver un samedi matin alors qu’on aurait pu faire la grasse matinée.
On y aborde ses liens avec la Russie, avec sa famille au pays natale, ce qu’il a gardé avec lui de la Russie, comment il se sens aujourd’hui vis à vis de cette dualité identitaire mais également la question de transmission de l’héritage culturelle. 

1.      Andrei est ce que tu peux te présenter en quelques mots ?

 

2.      Nous avons un grand point commun : c’est qu’on se pose les mêmes questions sur l’identité. Par exemple au niveau de la langue, tu sens aussi une dualité :

 

3.      Quelles sont tes liens avec la Russie (la nourriture, les traditions, la musique, la religion) ?

 

4.      Tu te sens plus français ou Russe ?

 

5.      Tu as un petit garçon. Comment lui transmet tu ton côté Russe ?

 

6.      Il n’y a pas longtemps, tu as pu retrouver ton père et te rendre en Russie. Comment a été ce moment pour toi ?

 

7.      Penses tu retourne r un jour en Russie ?

 

8.      Quels conseils donnerais-tu aux autres qui essaient de se chercher aussi ?

 

9.      Un mot de la fin ?

 

10. Conclusion

Ainsi s’est achevé une discussion parmi tant d’autres qu’on pourrait avoir sur le thème d’identité.
Merci d’avoir écouté le podcast. J’espère inshallah que nous nous retrouverons très vite autour de d’autres sujets intéressants. Portez vous bien. Salam aleekum. 

Warq#004 – Identité de la seconde génération des immigrants pakistanais en France

Special thanks to Charlotte Attal to let me use her image as the header of this article. Cela fait parti d’un projet « Identités dérascisées » réalisé par Charlotte Attal (designeuse graphique) et Emelyne Chemir (designeuse textile). Pour en savoir plus : charlotte_attal

A.    Sur les traces de mon Identité

  IV.            Podcast : Identité de la seconde génération des immigrants pakistanais en France

1.      Introduction

Dans un précédent podcast, nous avons abordé pourquoi les pakistanais choisissaient de quitter leur pays, pour quelles raisons ils ont pu choisir de venir en France et quelles étaient les difficultés psychologiques et matérielles auxquelles ils étaient confrontés lors de leur intégration. Continuant sur le thème d’identité, dans ce nouveau podcast, on se propose d’explorer celle de la deuxième génération des immigrants pakistanais. Quelle image ont-ils d’eux même ? Quelles langues parlent-ils ? Comment s’habillent-ils ? Quelle est leur rapport avec la religion ? Telles sont les questions qu’on va d’aborder.

1.      Qui suis-je ?

Sans plus tarder on va essayer de savoir comment les enfants d’immigrés pakistanais s’identifient.
Dans la revue Hommes et migrations, j’ai trouvé un dossier publié en 2007, intitulé “Que dissent les jeunes pakistanais de l’intégration” par l’anthropologue Roomi Hanif, cinq jeunes gens témoignent et résument assez bien ce que je ressens :
En 2007, Ali un franco-pakistanais témoigne « à vrai dire, personne ne sait où est vraiment le Pakistan. Quand on dit que c’est à côté de l’Inde, ça va ; quand on dit que c’est à côté de l’Iran, c’est un peu moins bien. ». Quelques années à peine plus tard, quand je me présenterai à mon tour, les gens ne sauront toujours pas où se trouve le Pakistan mais on l’associera tout de suite aux terroristes, aux talibans. Pour mes camarades, je serais Malala ou Raj de The Big Bang Theory. Après l’attaque des Etats-Unis sous le gouvernement de Barack Obama pour tuer Osama (bin Laden), mes collègues m’appelleront « terroriste » en rigolant. On me reniera même mon droit de m’identifier comme asiatique car je n’ai pas les yeux bridés et la peau un peu trop mate.
Beaucoup me qualifieront d’ « hindoue ». J’entendrais des « Namasté » par-ci par-là. Une de mes batailles sera de leur expliquer que Hindouisme est une religion et être hindoue n’est pas une nationalité. Je ne comprendrai pas non plus l’engouement autour de l’Inde. Pourquoi, la France inclue-t-elle dans son programme un film sur Gandhi alors que Jinnah disparaît complètement de l’équation ? Pourquoi, sur les campus universitaires, les bâtiments seront nommés Gandhi, Nelson Mandela mais jamais un seul prendra le nom de Jinnah ? Est-ce que Jinnah était moins valeureux ? Il a libéré un peuple entier de joug de colonialisme britannique. Un effort tout aussi honorable que celui de Martin Luther King ou de Rosa Parks. Alors pourquoi l’histoire tait son nom ? Ce pourquoi résonnera dans ma tête tout au long de ma vie. Je me refuserais à penser que c’était l’islamophobie car ces musulmans étaient avant tout des humains. Ou bien le principe de laïcité a depuis bien longtemps dévoré l’humanisme de la France ?

C’est triste parce que ni la France ne nous accepte tels que nous sommes, ni vraiment nos parents… On ne sait plus à qui faire plaisir, l’effort est toujours demandé à nous.

Trouver ma place sera toujours difficile. Le dossier dans Hommes et Migration suggère à juste titre : « Pour les jeunes, les obstacles sont doubles. D’un côté, ils doivent affronter la rigidité de la société française ; de l’autre, celle de leurs parents ! » Shabnam, diplômée d’un master témoigne « C’est triste parce que ni la France ne nous accepte tels que nous sommes, ni vraiment nos parents… On ne sait plus à qui faire plaisir, l’effort est toujours demandé à nous .» Elle se sent tiraillée de passer pour une faible devant ses amis et de blesser les parents qui ont enduré des choses pour elle.
On se sent aussi d’ailleurs tiraillés entre toutes les langues qu’on parle.

2.      Quelle est ma langue?

Les élèves pakistanais sont en général forts en anglais parce que l’anglais est la langue officielle du Pakistan. Le Pakistan a de plus l’ourdou comme langue nationale et quatre langues provençales : Le Sindhi dans la province de Sindh, le Balochi dans le Balochistan, le Punjabi au Punjab et Pashto au Kayber Pakhtunkhwa. En plus d’ourdou, d’anglais, de la langue provinciale, le pakistanais moyen apprend aussi à lire le Quran (Coran) en arabe.
Selon une étude réalisé en 2004 par deux psychologues Ellen Bialystok et Michelle Martin-Rhee, les bilingues sont plus aptes à résoudre des puzzles ou des exercices mentaux. Dans une interview recueillie par French Morning en 2013, Ellen souligne que le bilinguisme rend les personnes plus créatives, ouvertes et flexibles d’esprit et moins exposées à l’Alzheimer. Mais moi qui me suis toujours sentie en difficulté, je trouve du réconfort quand Ellen affirme :

Les bilingues mettent plus de temps pour choisir leurs mots, ils ont aussi moins de vocabulaire. Lorsqu’on demande à un bilingue de nommer, par exemple, tous les fruits qui lui viennent à l’esprit, il va mettre plus de temps et générer moins de mots qu’un monolingue. On constate aussi que sur les tests standardisés de vocabulaire, les enfants bilingues obtiennent de moins bons scores. [1]

Ainsi, j’offusquerai mon prof de français un bon nombre de fois où je trouverai des bonnes réponses à ses questions mais en anglais. Je ne me rendrai non-plus pas compte quand est-ce que je commence à « switcher » de français en anglais, d’anglais à Ourdou. Je suppose maintenant que c’est lié à mon manque de vocabulaire  que je trouve incomplet, cloisonné par domaines d’utilisation.  Le vocabulaire en ourdou est surtout lié à la famille et la maison, le vocabulaire en français couvre les domaines d’études et de travail, le vocabulaire en anglais couvre le domaine de lien-social et finalement le vocabulaire arabe est utilisé pour décrire ma spiritualité.
Alimentant mon vocabulaire par des lectures, je serai qualifiée de « quelqu’un qui parle comme un livre », j’aurai le sentiment d’être « Jack of all, Master of None ». Celle qui comprends un peu tout, mais ne maîtrise rien.
Dans le podcast précédent, je vous parlais de traumatismes causés par l’immigration. Malgré le fait qu’être multilingue est souvent perçu comme bénéfique, cela apporte son lot de conséquences. Par exemple, Noam Schieber, éditeur dans la Revue The New Republic raconte dans un article publié en 2014 qu’il a parlé pendant trois ans en hébreu à sa fille pour lui transmettre cette langue mais qu’il s’est rendu compte qu’il était plus austère en hébreu qu’en anglais. « Je suis drôle en anglais […] pas trop en hébreu » « En anglais, je suis de nature patient et sobre. Mon style en hébreu était intimidant et persécuteur. »[2] Une autre étude menée par Susan Ervin datant de 1968 sur des femmes bilingues japonaises vivant à San Francisco appuie ce résultat de changement de personnalité en changeant de langue. Elle a demandé à ces femmes de compléter des phrases en anglais en en japonais :

  • 1. Lorsque mes désirs s’opposent à ceux de ma famille 
    • (Japonais) c’est un moment de grand malheur
    • (Anglais) je fais ce que je veux
  • 2. Je deviendrais probablement…
    • (Japonais) femme au foyer
    • (Anglais) professeure
  • 3. Les vrais amis doivent…
    • (Japonais) s’aider mutuellement.
    • (Anglais) être très francs.

Ainsi, au fil des langues que je parle, je me sentirais un peu comme Jekyl and Hyde, ou comme dans le drama Coréen Heal me, Kill me. On peut retourner donc dans la première question : Qui suis-je ?
Une des composantes de la réponse est d’aborder la question de la religion.

3.      Quelle est ma religion ?

« Ces jeunes affirment qu’il leur faut taire aux français leur religion et leurs traditions ou ne leur en parler que de manière vague et rapide, pour ne pas susciter de réactions de fuite. » Je suis plus pratiquante que tous ceux que je rencontrerai durant ma scolarité. Peu à peu, les maghrébins ce sont éloignés de cette pratique assidue. Je lis le Coran et fais ma prière car j’ai déjà appris cela au Pakistan.
Plus haut, je vous ai parlé d’une de mes batailles, ma deuxième bataille sera d’expliquer qu’ « on ne fait pas le Ramadan », de la même manière qu’on ne fait pas le décembre, janvier ou février : « On jeune ». Je ne comprendrais pas non plus pourquoi on tient tant à déformer le nom de Prophète Mohammad (saw) qui va devenir Mahomet. Le Quran va devenir le Coran. On importe bien des mots d’autres langues en français pour être au plus près du sentiment. Il était arabe et les musulmans l’appellent par son nom arabe Mohammad (saw). C’est par des petites tournures qu’on met la distance entre l’authentique et la version revisitée qu’on arrive à des grands amalgames.[3]
La religion me manquera, nos réunions pour finir le Quran, la diffusion des appels aux prières. Il arrivera que j’aie des contrôles le jour de l’Aïd, la fête religieuse musulmane. Je n’aurais pas ou peu d’étrennes, c’est l’argent qu’on reçoit des proches le jour de l’Aïd. Toutes nos fêtes ne seront qu’un pâle reflet de ce que nous avons pu vivre dans la folie d’enfants. Je fêterai par contre Pâque, la Toussaint et Noël car je suis obligée d’être en vacances.

4.      Les vacances ?

Les vacances c’est un autre sujet important : Je n’ai jamais compris l’engouement autour des vacances. Pour moi elles étaient ennuyeuses ! J’attendais la rentrée avec impatience. Shakeela, 25 ans témoigne « au travail mes collègues parlent de vacances, de skis, de la mer… Je vois constamment qu’il y a une différence entre moi et eux. Rare sont les Pakistanais qui vont en vacances pour le plaisir de voir de nouveaux horizons ». Yasmine dans son témoignage dit quelque chose d’intéressant : « L’intégration, c’est réussir à vivre entre les deux cultures ! Vivre dans un pays sans oublier ses origines, sans être mal dans sa peau ». Mais comme je disais plus haut ni les français ne nous reconnaîtront comme Français et ni les pakistanais comme les leurs. On subit une sorte de syndrome Bambi. « On est en fait dans une autre culture, la nôtre, elle est à part »
On mûrit donc plus vite et fait preuve d’un sérieux.

5.      Pourquoi tant de sérieux ?

Les enfants pakistanais, en tout cas les filles pakistanaises, sont sérieux à l’école. Certaines filles travaillent bien notamment pour échapper au mariage précoce. Selon une étude de Kate Gavron en 1996 sur la communauté bangladeshi de Hamlets Towers met en relief l’inégalité des genres : les « filles négocient avec leurs parents le droit de rester à l’école. La plupart d’entre elles savent bien que c’est une des raisons pour lesquelles les filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons ; elles doivent travailler dur pour avoir le droit de continuer leurs études. ». Tandis que l’éducation des garçons est plus laxiste. Si on pouvait faire un sondage aujourd’hui sur les métiers des filles d’immigrés, elles dépasseraient à coup sûr les garçons. A défaut d’études sur les métiers, une étude de Yaël Brinbaum, intitulée Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat indique que : « L’avantage scolaire des filles a été démontré dans plusieurs pays et pour la plupart des origines – avec quelques exceptions – [cf.chapitre 8 et FleiscSChmann, Kristen et alii, 2014]. »[4] L’étude montre que les filles d’immigrés font mieux que les garçons avec un taux de réussite de 92% contre 88. Cet écart est minime entre les descendants asiatiques (car si l’étude différencie les descendants turques, portugais, maghrébins, le reste est distribué dans des catégories géographiques très macro : Afrique subsaharienne, l’Asie). Asie contient les descendants de 53 pays (en excluant la Turquie) mettant dans le même panier les sud-coréens, les japonais et les pakistanais…
Selon une réflexion menée par Laure Mougérou et Emmanuelle Santelli « Les sorties des filles étant plus surveillées, voire interdites, ces dernières passent plus de temps à la maison et sont plus enclines à le consacrer à leurs devoirs scolaires. »[5] Il y a certainement une volonté de la part des parents de rester synchronisés avec les coutumes de pays d’origines et ne pas accorder plus de liberté à leurs enfants. Ils ont du mal à jauger le seuil juste et sans doute par peur de ne pas en faire assez, deviennent plus stricts que nécessaire. Tandis que la société dans le pays d’origine change comme un ensemble sans le regard d’autrui. Les regards sont tournés vers l’occident.
Je mettrais toute mon énergie dans les études car on ne peut se permettre de faire autre chose. On partira rarement en vacances, ce qui est déjà une chance, mais face à mes camarades qui vont en vacances toutes les vacances scolaires, ce ne sera pas suffisant. J’étais en paix avec ma vie, la France m’a donné des complexes à force de comparaisons.
Le sérieux vient d’une part de poids des sacrifices de la première génération et d’autre part de la pression de l’intégration. L’éducation est gratuite en France et c’est un gros point positif dans la balance. Il faudra du coup que je sois digne de cette chance. Sans doute c’était inconscient mais je n’ai pas aspiré à devenir sérieuse. Il y a pas si longtemps, j’étais une adolescente normale qui s’amusait dans son école et prenait même des baffes en faisant des bêtises. Mais tout ce poids de changement, tous ces sacrifices de la génération d’avant ont instillé en moi un sérieux que je ne saurais expliquer, ni assumer. Je vivrais ma scolarité dans ma case à part faisant de mon mieux pour m’intégrer, pour concilier, tout en rêvant d’un monde où j’aurais un peu moins à lutter.
Un monde où je pourrais m’habiller sans attirer des regards et encore moins de remarques.

6.      Comment je m’habille ?

La plupart des habits pakistanais respectent le code vestimentaire prescrit par l’Islam. Les hommes et les femmes sont tenus d’avoir des habits pudiques et en plus de ça des comportements pudiques. L’ensemble s’appelle shalwar Kameez, un sarouel très confortable et une tunique qui descend en moyenne jusqu’aux genoux pour les hommes et les femmes qui ont un foulard de la même couleur en plus. Ce qui se passe en général, c’est que même au Pakistan les hommes s’habillent à l’occidentale la plupart de temps. Vous verrez peu d’uniformes où les hommes ou écoliers sont en shalwar kameez. Mais les femmes portent plus souvent les habits traditionnels. Bon gré, mal gré, ce sera un autre sujet de discussion. Ces deux-pièces sont en générale taillés dans le même tissu. Pendant mon temps au Pakistan, on pouvait complètement maîtriser le cycle de fabrication de nos habits. On achetait le tissu qui nous plaisait, ma mère pensait à un design, on achetait les accessoires (le fil de la même couleur, les boutons, la dentelle, les strasses, les miroirs ou autres), ensuite il y a deux options, soit on les donne à des tailleurs, soit on les coud soi-même. En Europe, avoir un tailleur, c’est un grand luxe, mais il faut savoir qu’au Pakistan, c’est le cours normal des choses. Enfin, c’était le cas avant que je ne vienne m’installer en France en tout cas. Dans la maison que j’habitais au Pakistan, on vivait au-dessus d’un magasin de tailleurs. Pendant le mois de ramadan, les tailleurs font le plus gros chiffre d’affaire de l’année. Le magasin tournait 24h/24, le personnel était renforcé et on entendait les experts et les apprentis s’affairer sur des machines toute la nuit durant. C’est ce qui vibrant au Pakistan, c’est l’existence de tous ces métiers tels que le vendeur de tissue, le vendeur de fils, le vendeur de boutons, le tailleur, fournisseur de Chai qui ne sont ni grands ni petits, mais juste à la hauteur d’homme pour subvenir à ses besoins. 
Les franco-pakistanais eux sont déconnectés de l’industrie de la mode pakistanaise. D’une part, parce que les boutiques spécialisées sont plus rares en France et d’autres part parce que dans les rares boutiques à Paris, le choix est limité et les prix élevés. Même s’ils s’habillent d’une certaine manière perçue comme pakistanaise en France, ce n’est pas l’avis de leurs confrères dans le pays d’origine. Une femme dans sa cinquantaine témoigne dans l’article d’Hommes et Migration qu’elle ressent cette différence au niveau des habits quand elle rentre au pays. Les tendances changent et les Pakistanais d’outre-mer ont l’air de paysan dans leur propre pays.
Je me prendrai énormément de remarques, car je porte un kameez avec un jean et j’ai toujours mon foulard dans mon cou. Mais les garçons changent de mode vestimentaire en un clin d’œil. C’est comme si toute la responsabilité de pudeur et perpétuer la tradition revenait que les épaules de la genre féminine. J’ai vu des spécimens de la genre masculine qui prêchent le respect des traditions aux femmes de leur famille et ensuite dans dans la rue on les voit marcher dans des habits occidentaux 5 mètres devant le groupe des femmes pour ne pas paraître y être associé. Ça, c’est des complexes inters communautaires, mais j’aurais beaucoup de remarques extérieurs. À force, je me promènerai avec une carapace insensible aux moqueries. J’aimerais qu’on me laisse tranquille. Si un jour, j’ai envie de porter le foulard, que je le puisse. Si j’ai envie de m’habiller en T-shirt/pantalon ou en Shalwar kameez, cela ne regarde que moi. 
Après vous avoir parlé longuement de ce hot topic des habits, je vais vous parler d’un autre sujet brûlant : les habitudes alimentaires.

7.      Qu’est-ce que je mange ?

Les descendants d’immigrés peuvent changer sur les aspects vestimentaires, ils peuvent s’intégrer en termes d’emploi, ils peuvent parler la langue du pays d’accueil sans accent mais leurs estomacs restent pakistanais. Et ce parce que leurs mères cuisinent exclusivement pakistanais. En grandissant, ils essaient de faire des pâtes et pizza, des quiches et des tartes mais rien ne peut détrôner les mangues pakistanaises, un bon biryani avec du raita et des samossays.
Lorsqu’un « pakistanais d’outre-mer » (remarquez que le nom a changé) rentre au Pakistan (et pas chez lui), les pakistanais voudront manger des pâtes, pizza ou des plats chinois alors que le pakistanais d’outre-mer crèvera d’envie d’un bon biryani épicé. En tout cas, cette expérience je l’ai vécue aussi. Les pakistanais d’outre-mer peut-on dire dans une certaine mesure sont plus pakistanais que les locaux.
La cantine que ce soit du boulot ou de mon école, m’a toujours parue fade. J’y allais que pour les desserts. Si j’avais pu bien manger pendant mes études, j’aurais mieux poussé. J’avais recours au chaat masala, mes épices passe partout que je transporterais dans ma poche quand mon baromètre de « faditude » menaçait d’exploser. Selon mon expérience et des gens autour de moi, les cantines sont très peu pensées pour les régimes halal et végétariens. On finit par manger tous les jours des pâtes avec des légumes vapeur avec de la mayonnaise quand on ne mange pas les frites avec du ketchup.
Pour faire simple on mange beaucoup de riz et des rotis qui sont une version simplifié de nan que tout le monde connait. On cuisine un saalan qui peut être la viande, les légumes avec des épices et on mange ça avec des rotis. Les rotis se mange avec les doigts et le riz au choix.
Une des mes batailles sera de vous expliquer que je n’ai jamais entendu parler de « curry » au Pakistan. La seul chose qui s’en rapproche c’est le « kary pata »: la feuille de laurier qu’on met dans nos saalan. Le saalan est le mot générique pour un plat d’accompagnement. Les anglais le nomme aussi dès fois « Curry ». Mais de là à nommer un épice curry… Je continue mes recherches un jour j’aurais la réponse.
Bref, venons en à un  aspect plus abstrait de la personnalité des franco-pakistanais.

8.      Mes contradictions

Les pakistanais d’outre-mer adorent le Pakistan, oui. Mais la seconde génération et plus particulièrement les filles, ont du mal avec les pakistanais. D’autant plus que si elles sont confrontées à des pakistanais de leur âge mais faisant partie de la première génération d’immigrés. Ces personnes les dévisagent dans les rues, trains et métro. C’est une des raisons pour laquelle dans des quartiers dédiés aux commerces ethniques comme la gare de Nord et l’Est, on voit très peu de filles.
La deuxième génération des pakistanais a développé une peur des « autres » Pakistanais, ayant entendu trop d’histoires d’entourloupe. « Selon les Pakistanais de France, il y aurait trop de Pakistanais en Angleterre. Habitués à vivre en petites communautés en France, se retrouver en grand nombre les effraie. Il y a là une contradiction assez surprenante. La manière de vivre loin des « regards pakistanais » leur permettrait de se sentir plus libres, sans être jugés au quotidien par leur propre communauté. »
Ce jugement très présent dans la société pakistanais à travers « Log kia kahein gay », qui traduit le fameux « Qu’en dira-t-on ? » limite les gens à faire ce dont ils ont vraiment envie et développe une frustration. Vivre loin des regards, c’est de s’affranchir des comparaisons intra-communautaires.
Voici les aspects qui me viennent à l’esprit pour une première étude. On peut remarquer cette identité de la deuxième génération des immigrants pakistanais comme ceux de leur parents est très complexe. Mais il y a un mot qui leur colle à la peau : La Chance. Et ils ont toute une vie pour essayer de faire honneur à ce mot.

9.      Chanceuse ou pas ?

Mes copines d’avant me mettront elles aussi dans une case de « chanceuse » car j’ai échappée à leur sort. Quand je serais embauchée, je serais multiculturelle, adaptable. En vérité, je serais un imposteur. Pakistanaise pour les français, française pour les pakistanais. Je mettrais en avant tel ou tel aspect de ma personnalité pour cacher la rupture opérée par la migration. Je ne serai après tout étiquetée à vie d’Immigrée et la diaspora pakistanaise.

10. Conclusion

J’aimerais conclure sur une histoire que j’ai lue dans une revue pour enfants au Pakistan et qui est restée avec moi pour des raisons évidentes. C’était le parcours d’une chauve-souris qui vivait dans une forêt en harmonie avec tous les autres animaux. Un jour cependant, une dispute a éclaté entre les mammifères et les oiseaux. Et aucun des deux camps ne voulut accepter la chauve-souris dans son camps, ailée elle était un oiseau, donnant naissance à ses petits suite à une gestation elle était un mammifère. Elle se trouva ainsi seule dans son camp à part, abandonnée par tous les autres animaux.
L’enfant d’immigré aura plus de point communs avec les autres citoyens de son pays d’accueil. Mais les moments où il se sent comme une chauve-souris sont aussi nombreux. Il s’habille différemment, il parle différemment, il mange différemment. Mais il rêve comme les autres enfants et sert de pont entre son pays d’accueil et son pays d’origine.
J’espère avoir apporté quelques éléments de réflexion sur cette question d’identité qui reste beaucoup plus vaste et complexe à traiter en 4  podcasts. J’ai fait une timide effort de commencer à la mettre en mots. Evidemment, ça ne peut pas couvrir tous les aspects ni ni parler à tous. C’est pour ça que le projet Oraq est pensée comme une plateforme collaborative. Quelles sont vos histoires ? Où est qu’on se connecte ? Et où est ce que je vous perds ? Quelles sont les pages que vous avez envie de partager ? Pour le moins que puisse dire, j’ai hâte de vous lire.
Merci d’avoir écouté le podcast. J’espère inshallah que nous nous retrouverons très vite autour de d’autres sujets intéressants. Portez-vous bien. Salam aleekum. 

[1] Interview Ellen Bialystok dans French Morning
[2] The New Republic, Noam Scheiber, April 22, 2014, For three years, I spoke only Hebrew to my daughter. I just gave it up. Here’s why.
[3] Complément de recherche du correcteur : https://www.histoire-et-chronique.fr/2020/04/11/mahomet/
[4] Yaël Brinbaum. Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat. Education et Formations, Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Direction de l’évaluation et de la prospective, 2019, La réussite des élèves : contextes familiaux, sociaux et territoriaux, pp. 73-104. ‌halshs-02426359‌
[5] PARCOURS SCOLAIRES RÉUSSIS D’ENFANTS D’IMMIGRÉS ISSUS DEFAMILLES TRÈS NOMBREUSES Laure Moguérou, Emmanuelle Santelli

Warq#001 – Décris moi le Pakistan avec tes clichés 

Special thanks to Charlotte Attal to let me use her image as the header of this article. Cela fait parti d’un projet « Identités dérascisées » réalisé par Charlotte Attal (designeuse graphique) et Emelyne Chemir (designeuse textile). Pour en savoir plus : charlotte_attal

A.    Sur les traces de mon Identité

       I.            Podcast : Décris moi le Pakistan avec tes clichés

 

1.      Introduction

Salaam Aleekum ! Bismillahi rahmani raheem. Bienvenue au podcast Oraq. Le but est de partager avec vous les pensées sur une vie de diaspora pakistanaise en France. On parlera de religion, d’études, de travail, d’identité, d’Histoire avec un grand H et bien d’autres choses.
Je m’appelle Warq et suis vôtre hôte pour ce podcast. J’ai 28 ans, j’habite dans la région parisienne et je suis issue d’une immigration, arrivée en France à l’adolescence.
Dans ce podcast nous allons explorer l’image du Pakistan à travers les clichés. On explorera le Pakistan à travers les clichés des français, les clichés des immigrants pakistanais de deuxième génération et enfin ceux des pakistanais. Pour contrebalancer j’ai recueilli deux témoignages des pakistanais sur la France et sur les immigrants pakistanais. Ainsi, à la fin de ce podcast, chacun aura dit sa vérité…

1.      A quoi fait penser le Pakistan au français ?

Lorsque les français me parlent du Pakistan, ils me parlent de terrorisme, d’affaire Sarkozy, de talibans. Puis immédiatement pour compenser, ils disent adorer les cheese nan que le restau « pakpak » de leur quartier fait. Ils disent adorer le Gulab jamun et Lassi mangue et que les samossas et le biryani sont une « tuerie ». Ils ont oublié de me mentionner que leur cousine adore les habits pakistanais, le sari et tout ça. A l’aéroport quand quelqu’un ne me regarde pas comme une terroriste il me fait un « Namasté ». Souvent, quand je décline mon identité j’ai droit à «  Ah mais je croyais que t’étais une hindoue ». Hindouisme est une religion et pas une nationalité, For God Sake !  Les indiens et pakistanais c’est pas pareil, même si on mange pareil et qu’on s’habille pareil. Vous passerez votre temps à me demander combien de fêtes de mariage il y a, et de vous faire inviter à mon mariage par la même occasion. Vous me montrerez certainement vos compétences à imiter des actrices indiennes. Vous me demanderez de vous apprendre à dire quelques gros mots en ourdou. Et avec 80% de gens on en restera là pour la vie.

Tahira, possédant une maîtrise dans les Relations Internationales au Pakistan écrit dans son témoignage : “The French probably think that Pakistan is a backward, orthodox land. Their image of Pakistan would be that of a state of anarchists ruled by bearded men who punish all those who don’t believe what they believe. They also probably assume that Pakistan is a part of the Middle East. Their image of Pakistan probably has many parallels with what Media tells them about Pakistan which is not a lot but enough for them to believe that it is not a livable country.

Les français pensent probablement que le Pakistan est un pays orthodoxe et avec beaucoup de retard. Leur image du Pakistan serait celle d’une anarchie régulée par des « barbus » qui punissent tous ceux qui n’ont pas les mêmes croyances qu’eux. Ils pensent aussi sûrement que le Pakistan fait partie de Moyen Orient. Leur image du Pakistan est ciselée par ce que les médias leur font croire, ce qui est très suffisant pour eux pour croire que le Pakistan n’est pas un pays où l’on peut vivre.

2.      Qu’est-ce que je pense du Pakistan ?

Lorsque je réfléchis sur mes liens avec le Pakistan, je pense aux mangues en été, je pense au paratha pour le matin, je pense aux samossas et biryani pour les fêtes, je pense au Rooh afza pour le ramadan. Quand j’ai fini ma liste, je me rends compte que c’est que de la nourriture. Je vais pousser ma liste plus loin et je vais penser à la chaleur écrasante de l’été, des chansons de bollywood dans les bus, des mariages arrangés, des appels à la prière. Dans un ultime effort, soudain me surviennent les images de nos nuits à la belle étoile sur le toit, les courses-poursuites avec mes profs à l’école, le lavage de la maison à grande eau, le rituel de mettre de l’huile sur les cheveux, les histoires de migration de grand-mère, les bonbons de mon grand-père, nos balades sur sa moto à 4 ou 5, le stand de burger au bout de la rue, les réunions pour réciter le Quran, l’eidi dépensée dans des fêtes foraine pour la Eid.
Je me rappelle de la maison de mes grands-parents dans leur village au Punjab. On y allait en train qu’on prenait à 16h de Pakistan Railways Karachi Cantonement Station à Karachi et on arrivait le lendemain 11h à Lahore Cantt. Railway station. Ce long trajet, où l’on avait le temps de s’ennuyer. Aujourd’hui, pour les pakistanais de France, s’ils n’ont plus de liens avec la famille au Pakistan, le lien affectif et le lien avec le pays commence à ternir. C’est aussi pour le maintien de ce lien que les familles vont chercher à épouser au pays.
Mais certains franco-pakistanais ont d’excellents souvenirs de vacances passés avec la grande famille mais ils ont l’impression que les autres les voient comme un portefeuille sur pattes, une personne chanceuse à la vie facile, une personne fragile qu’il faut accompagner et au passage en profiter. Cela génère aussi des frustrations pour les personnes habituées à être maîtres de leurs vies, de se trouver dans une position où leur caractère est un peu mis entre parenthèses. Le respect de l’image des parents empêche les enfants à vraiment être eux-mêmes, ce qui peut amener leurs cousins à les prendre pour des imbéciles et les ridiculiser.
Au final, les pakistanais de France auront presque une relation conflictuelle car après le prix de traumatisme qu’ils ont pu payé, ils se trouvent un peu coupables de mériter le meilleur des deux mondes. Ils ne se trouvent jamais satisfaits.

Arzam, étudiant en comptabilité m’écrit : Overseas Pakistanis have a great importance in the eyes of Pakistanis. Yet it wouldn’t be wrong to say that Pakistanis consider them as a money tree. No doubt on the contrary  that they are anxious or concerned about the safety and security of their brothers or sisters living abroad specially  in the countries where following religion is kind of difficult. Pakistani government too has a great concern for overseas Pakistanis as they play an important part in country GDP growth. Pakistani families usually spent a hard time to settle down any of their family member abroad. Yet it is also not wrong to say that their hearts beat together in hard times. Pakistanis also consider overseas Pakistanis as an ambassador of Pakistan. 

« Les pakistanais d’outre-mer ont une grande importance au regard des pakistanais locaux. Même s’il ne serait pas faux d’affirmer qu’ils les considèrent comme des « arbres à sous ». Mais il n’y a pas de doute sur le fait qu’ils s’inquiètent vis à vis de la sûreté et la sécurité de leurs proches qui habitent à l’étranger, plus particulièrement s’il habitent dans les pays où la pratique de l’Islam est difficile. Le gouvernement pakistanais est lui aussi assez préoccupé par les problématiques des pakistanais d’outre-mer vu qu’ils ont un rôle important dans l’accroissement de PIB. Les familles pakistanaises se donnent vraiment du mal à installer une personne de leur famille à l’étranger. Il ne serait pas incorrect de dire que leurs cœurs battent ensemble en temps difficiles. Les pakistanais considèrent aussi les pakistanais d’outre-mer comme des ambassadeurs du Pakistan. « 

Tahira, elle a une opinion plus tranchée et honnête : Pakistani immigrants believe that whilst Pakistan is a great country, it is not safe or secure. It is the place that they inevitably belong to but they are far too different now than what they used to be. So they cannot go back home to Pakistan and then adjust. They may claim to love Pakistan but they only love it from afar.

« Les immigrants pakistanais pensent que même si le Pakistan est un pays grandiose, il n’est pas sûr. C’est un endroit avec lequel ils ont des liens incontestables mais ils ont trop changé par rapport à ce qu’ils étaient pour revenir au Pakistan et s’y accommoder de nouveau. Ils peuvent proclamer qu’ils aiment le Pakistan mais ils le font que de loin. »

3.      Ce que les pakistanais pensent du Pakistan

Les clichés que j’ai pu vous citer, le Pakistan est bien plus que tout ça, les gens sont bien plus que ça. Les médias dans leurs films ont besoin de stéréotypes pour raconter des histoires. Mais les personnes réelles sont bien plus que des stéréotypes. Une éducation dans les deux sens doit se faire dans une bonne atmosphère.

Arzam : Pakistani nation literally love their homeland and are really patriotic like they love to die for their homeland. They think Pakistan is a blessing of Allah for them and to be honnest it is. But many of them think that they aren’t using their resources efficiently. Pakistan is blessed with one of the world’s highest mountains, the sea, the desert, the plains, different weathers, minerals and much more. But they also know that yes, they are far back in technology and in other sectors too. And yet, Pakistanis are helpful and hospitable.  They rank at top in the nations who donate a lot.

« La nation pakistanaise aime littéralement son pays. Les pakistanais sont vraiment patriotiques, au point de sacrifier leur vie pour leur patrie. Pour eux, le Pakistan est un bienfait d’Allah et pour être honnête il l’est ! Cependant beaucoup d’entre eux pensent qu’ils n’utilisent pas les ressources efficacement. Le Pakistan est doté des montagnes les plus hautes, de la mer, du désert, des plateaux, des saisons différentes, des minéraux et plein d’autres merveilles encore. Cependant, les pakistanais sont aussi conscients qu’ils sont assez en retard sur la technologie et dans d’autres secteurs. Mais aussi que les pakistanais sont très serviables et ils sont au top des nations qui font des dons. »
Je suis donc allée vérifier l’index de générosité sur Wikipédia et en 2018 le Pakistan occupait non pas la Première mais la 91ème place, tandis que la France occupait la 72ème position. Mais si on remonte en 2013, il était en 51ème position et la France occupait la 77ème position. Pour un pays qui est lui-même en difficulté, je trouve ça honorable. [1]

Tahira continue : Most Pakistanis are in here because they have a genuine affection and appreciation towards their motherland. They love Pakistan and they appreciate the care that it affers to them and the leisure it brings. Pakistanis love Pakistan because it is a place that will accept all their flaws and not throw them out.  Pakistan has its shortcomings though. Pakistan is not a safe place by any means, and some Pakistanis are frustrated about the misallotment of resources which will always stop Pakistan from being great.

« La plupart de Pakistanais y restent parce qu’ils ont un amour véritable et de l’affection pour leur pays. Ils aiment le Pakistan et apprécient le soin qu’il leur offre et les divertissements qui le caractérisent. Les pakistanais aiment leur pays parce que c’est un endroit qui accepte leurs défauts et ne vas pas les expulser. Cependant le Pakistan a aussi ses difficultés. Ce n’est pas un endroit sûr et la très mauvaise gestion des ressources naturelles génère des frustrations au sein de la nation, ce qui va toujours être un obstacle pour que le Pakistan devienne un pays grandiose. »

4.      Conclusion

Pour clôturer cette première épisode j’aimerais qu’on révise nos stéréotypes. Nous avons tous développés des clichés parce que consommer ce qu’on nous offre tout fait sous forme de films, reportages ou récits de voyages) est plus facile mais ça peut être biaisé par l’opinion des médias. Lorsqu’on voyage avec des groupes, on ne sort pas non plus des sentiers battus. Alors pour aller au-delà de ces clichés, il faut faire un peu d’exercice mental, ou avant de projeter ce que l’on sait, peut-être faire une recherche personnelle pour avoir ses propres bases qui nous permettent ensuite de naviguer et voir l’envers du décor.
Je suis peut être prédisposée à voir ce décor parce que moi-même j’ai traversé des frontières. Mais je me dois de faire cet exercice tout autant pour connaitre d’autres histoires que je ne connais pas. J’espère, inshallah, que nous pourrons prochainement aller explorer le Pakistan au-delà de ces clichés et ouvrir le dialogue.
Merci d’avoir écouté le podcast. J’espère inshallah que nous nous retrouverons très vite autour d’autres sujets intéressants. Portez-vous bien. Salam aleekum.
[1] https://en.wikipedia.org/wiki/World_Giving_Index

Where did I forget my…self ?

Getting involved in this world head down, sometimes we lose our trueself somewhere. Where ? Why ?

Lost identity

And saying this I realized…
That the only reason of my happiness was you.
You meant the whole world to me.
Some supernatural entity.
All I wanted was a glance from you.
Your words to cool my heart.
Your arms were home to me.
But years passing by…
I drifted and finally got lost.
Then yesterday, in an interview cast,
when they asked me : « Who you are ?  »
I recalled what had faded away,
I was…your child.

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بلھا کی جاناں میں کو ن ؟

Most of Pakistanis know this as a spiritual reflection. I’ve translated it to french for enhancing accessibility and comprehension.
Bulleya Ki jaana main Kaun
Bulleya to me, I am not known
Bulleya ! Comment puis je savoir qui je suis? 
Bulleya Ki jaana main Kaun
Bulleya! to me, I am not known
Bulleya ! Comment puis je savoir qui je suis? 
Na main momin vich maseetaan
Na main vich kufar diyan reetaan
Na main paakaan vich paleetaan
Na main moosa na firown
Not a believer inside the mosque, am I
Nor a pagan disciple of false rites
Not the pure amongst the impure
Neither Moses, nor the Pharoh
Je ne suis pas un fervent croyant dans une mosquée
Ni je pratique des actes blasphématoires
Ni je suis un pur parmi les impurs
Je suis ni Moïse, ni Pharaon
Bulleya Ki jaana main Kaun
Bulleya! to me, I am not known
Bulleya ! Comment puis je savoir qui je suis? 
Na main vich paleeti paaki
Na vich shaadi na ghamnaaki
Na main aabi na main khaki
Na main aatish na main paun

Neither clean, nor a filthy mire
In happiness nor in sorrow, am I
Not from water, nor from earth
Neither fire, nor from air, is my birth
Je ne suis ni pur ni corrompu
Ni dans la joie ni dans la peine je me trouve
Je ne suis issue ni de l’eau, ni de la terre
non plus du feu ou encore du vent
Bulleya Ki jaana main Kaun
Bulleya! to me, I am not known

Bulleya ! Comment puis je savoir qui je suis?

نا میں اندر وید کتاباں
نا وچ بانگاں،نا شراباں
نا وچ رنداں مست خراباں
نا وچ جاگن، نا وچ سون

Na main andar ved kitaabaan
Na vich bhangaan na sharaabaan
Na vich rindaan masat kharaabaan
Na vich jaagan na vich saun
Not in the holy Vedas, am I
Nor in opium, neither in wine
Not in the drunkard’s intoxicated craze
Neither awake, nor in a sleeping daze

Je ne suis pas dans le livre sacré de Vedas
Ni dans l’opium, ni dans le vin
Ni dans l’engouement chancelant d’ivrogne
Ni dans l’éveil, ni dans le sommeil. 

Bulleya Ki jaana main Kaun
Bulleya! to me, I am not known
Bulleya ! Comment puis je savoir qui je suis?
 Na main bheth mazhab da paaya
Ne main aadam havva jaaya
Na main apna naam dharaaya
Na vich baitthan na vich bhaun
Secrets of religion, I have not known
From Adam and Eve, I am not born
I am not the name I assume
Not in stillness, nor on the move

Je suis étranger au secret de la religion
Ni suis-je la projéniture d’Adma et Eve
Ni ai-je porté un nom ( je ne me suis pas donné de nom)
Ni dans le repos, ni dans le mouvement  

Bulleya Ki jaana main Kaun
Bulleya! to me, I am not known
Bulleya ! Comment puis je savoir qui je suis?
Avval aakhir aap nu jaana
Na koi dooja hor pehchaana
Maethon hor na koi siyaana
Bulla! ooh khadda hai kaun
I am the first, I am the last
None other, have I ever known
I am the wisest of them all
Bulleh! do I stand alone?
De début à la fin, je ne me connais que moi même
Je n’ai pas connu quelqu’un d’autre
Personne n’est plus intelligent que moi
Bullah ! Qui est debout là bas ? 
 Bulleya Ki jaana main Kaun
Bulleya! to me, I am not known
Bulleya ! Comment puis je savoir qui je suis?

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