Warq#009-La déconstruction de mythe de retour

A.    Sur les traces de mon Identité

       VII.            La déconstruction de mythe de retour

1.      Introduction

Avec toutes les discussions dans les précédents podcasts vous vous êtes sentis riches de la culture pakistanaise et vous vous êtes peut-être même sentis nostalgiques. Mais comme une de mes amies témoignait dans le premier épisode, la diaspora pakistanaise n’aime le Pakistan que de loin. Alors ? Est-ce vrai ? Dans quelle mesure ? Pourquoi la diaspora aime le Pakistan ? Et pourquoi en vérité ils ne peuvent y vivre qu’à petite dose ? Loin de moi l’idée de vous critiquer, n’oublions pas nous sommes dans le même panier. Je préfère qu’on se pose ces questions soi-même avant que quelqu’un d’autres ne les utilise pour nous faire du mal. Oui, confronter la vérité fait mal. Mais une fois que nous aurons fait ce travail de déconstruction nous pourrions justement trouver une équilibre entre notre passé et notre présent. Peut-être, est ce le moment de s’assoir avec soi et redéfinir son rapport assumée avec le Pakistan en plaçant la jauge où on le juge le plus pertinent pour soi.
C’est aussi un moyen d’en finir une fois pour toute avec toutes ces agressions externes et internes de types : Ah ouais, tu t’es vraiment francisé.e toi ! tu parles comme un blanc.he ? T’es vraiment une blédarde ! Si tu aimes tellement le Pakistan, pourquoi tu ne t’y installes pas ?  En vérité, c’est quoi  « se franciser » ? Et de quoi parle un blanc.he ? Pourquoi agir comme un blédard, donc quelqu’un appartenant à votre pays d’origine est détestable ? Pourquoi chaque personne qui aime un autre pays devrait s’y expatrier ? Ah oui, désolée, beaucoup de questions. Mais ne vous inquiétez pas. Petit à petit nous pouvons répondre à tout cela.
Longtemps nos parents, la première génération d’immigrants ont tenu le discours de « on va repartir » au Pakistan. Et loin de nous remplir de joie, cela nous effrayait. Avant qu’on réalise que non seulement nous n’allions pas repartir au Pakistan mais que nos parents aussi n’allaient jamais y retourner. Pourquoi ?
Avant d’entrer dans le vif de sujet, je m’arrête un instant pour vous prévenir que ce podcast se veut neutre et illustrer les faits. Je n’élabore ici ma sympathie avec aucune classe politique sociale ou religieuse. Si ce n’est je n’ai pas pu m’empêcher de plus enquêter sur la condition féminine.
Dans certains retours, mes podcasts vous ont paru long, mais je fais le choix de ne pas les raccourcir afin de traiter un sujet d’une traite. Ainsi quand vous vous sentirez prêt vous allez prendre le temps d’écouter et maintenant que le podcast est disponible sur toutes les plateformes classiques de podcasts, vous pouvez vous arrêter où vous voulez et reprendre là où vous l’avez laissé.

2.      Pourquoi vous n’allez pas rentrer au Pakistan

        i.            Liberté

La première raison de ne pas y retourner que j’élabore est la liberté. Le Pakistan est embourbé dans les divisions religieuses[1] et politiques.

Dans le schéma que j’ai mis dans l’article vous pouvez voir combien de ramifications partent des branches Sunni et Shia. Vous avez également les différents types de soufismes. Pourquoi, j’évoque les différentes ramifications religieuses sous la section  de la liberté :parce que chacun s’emploie à prouver que l’autre est dans le faux. Le terme Wahabi peut être péjoratif et utilisé pour désigner quelqu’un de plus fondamentaliste que vous.[2] Cela draine une énergie folle qui peut être mis dans des œuvres plus constructives. Un mot de travers et on peut vous faire emprisonner pour des raisons politiques ou pour le blasphème. Dans la plupart des cas ces procès après enquête se révèlent être des histoires de jalousies professionnels ou des conflits fonciers.  Et quelque en soit le résultat, il y a plus d’une personne prête à vous tuer à sortie de cours de justice.

Le Pakistan est un état islamique et la section 295(c ) du code pénal introduit en 1986 cautionne une punition de mort pour le coupable qui aurait prononcé des remarques dérogatoire contre le Prophète Mohammad (saw)[3]. Il faut comprendre qu’ici on ne remet pas question la loi du pays mais la fabrication des procès pour des différends personnels. Selon le reportage d’Arte intitulé Pakistan – Le blasphème et la mort[4] il y aurait eu 1500 procès sous la section 295c. Les avocats, les juges, les politiques qui auront le malheur de soulever des questions seront tués. Ainsi on décompte Shahbaz Bhatti, le ministre des minorités est tué le 02 Mars2011, Arif Iqbal Hussain Bhatti juge assassiné le 17 Octobre 1997, Rashid Rehman Avocat des droits humains abattu le 07 Mai 2014. Amjad Sabri, le célèbre qawwal lui est accusé de blasphème et est assassiné par des motards le 22 juin 2016.


Au-delà des différends religieux, les différends politiques font aussi des victimes. Benazir Bhutto est assassinée le 27 décembre 2007. Plus marquant encore le procès de Zulfikar Ali Bhutto qui est exécuté par Zia ul Haq dont  « l’impartialité des procès a souvent été contesté, notamment par Ramsey Clark qui a assisté à des audiences. Il note que l’accusation reposait uniquement sur les témoignages d’officiers emprisonnés depuis le coup d’État, dont l’un est revenu sur ses déclarations, affirmant qu’elles avaient été obtenues sous la contrainte »[5]

A Quetta les attentats contre les shiites Hazara font une centaine de morts. Les attentats contre les chrétiens se sont produits à Lahore et à Peshawar. Les sikhs sont enlevés dans les zones tribales contre rançon puis retrouvés décapités. Les ismaéliens sont tués dans bus avec 45 victimes à déplorer. Les Ahmedis sont déclarés non musulmans par un amendement à la constitution en 1974.
Les femmes et les enfants ne sont plus épargnés, le plus sanglant exemple reste l’attentat sur une école en 2014  avec 132 enfants et 141 victimes au total et le récent attentat de 27 octobre de cette année dans une école coranique faisant 7 morts et 50[6] blessés. Ce code de protection des femmes et enfants est brisé désormais et les violences n’étant pas adressées, les attentats sont de plus en plus violents. Les gens sont devenus extrêmement résignés car aucun de ces attentats ne sert d’électrochoc aux politiques.
C’est ironique qu’un pays qui a été créé pour l’union et la sécurité des musulmans, personne, absolument personne n’est à l’abri de l’autre. Cet autre qui a été créé ou qui est naturel, qu’on a du mal à respecter et accepter.
La division sectaire au Pakistan qu’on critique tant est exploité par les pakistanais comme une excuse pour demander l’asiles auprès des pays étrangers parce que chaque groupe est menacé par l’autre. Et offre un terrain idéal pour ceux qui chérissent le chaos pour agir.

      ii.            Droits humains

Le deuxième point que j’aborde c’est les droits humains.
Le Pakistan est un pays à la majorité musulmane mais un tiers de notre drapeau est blanc et cela signifie l’inclusion des minorités. Actuellement, les non musulmans sont des citoyens de 2nde zone. Il y a une vraie ségrégation vis-à-vis de travail, de partage de repas par exemple. Ils sont carrément considéré comme impurs. Là, je vais vous envoyer vers une autre émission d’Arte Curé, fan de foot et …sauveur d’esclaves[7]. Par ailleurs dans une conférence, Mariam Abou Zahab, chercheur à CERI explique : « Les chrétiens au Punjab  sont les anciens intouchables hindous dont la conversion date de 1880 (donc c’est assez récent). Le Punjab est devenu britannique assez tard et les missionnaires ne pouvaient pas aller faire du prosélytisme.  Il y avait beaucoup d’intouchables dans le Punjab. Il y a toujours beaucoup d’intouchable au Punjab indien. Les intouchable espéraient à travers leurs conversion à l’islam, christianisme ou sikhisme de s’échapper au système de castes hindoues. Mais ils ont gardé les mêmes professions dont les professions d’impureté car ils étaient de basse caste. Il y avait des structures sociales avant l’Islam et qui sont restées. Les hiérarchies sociales sont très importantes dans cette région. Donc  on continue de s’en prendre aux chrétiens comme on continue de s’en prendre aux basses castes au Nord de L’Inde au Bihar notamment. »
La traite des esclaves a été abolie mais le trafic humain au Pakistan continue. Une ONG portes ouvertes estime que plus de 700 jeunes filles chrétiennes sont enlevée chaque année pour des conversions forcées suivi de mariage forcées. [8]  Le Pakistan occupe la deuxième place dans les statistiques liées au kidnapping [9]  en 2018 avec 9.5 cas pour chaque 100 000 personnes.

Après vous avoir parlé d’une minorité, je vais vous parler d’une majorité qui constitue 48 % de la population du pays : les femmes. Le climat n’inspire confiance à personne, plus particulièrement pas aux femmes.  Au Pakistan, il y a eu beaucoup de cas de viol non seulement sur les femmes mais sur des enfants ![10]En France, combien de femmes se sentent à l’aise en allant faire des courses dans les commerces ethniques ? Elles se sentent toutes dévisagées, scannées, jugées, réduites à la chaire. La plus part de filles ne sont pas prêtes à aller subir ces regards partout 24h/24. Elles ont appris à interagir ici, et ont peur qu’on interprète mal leurs gestes dans un milieu de travail qui n’a pas les mêmes codes. « Elle vient de la France donc elle est forcément open. »
Concernant les filles, il y a 1000 crimes d’honneur[11] chaque année. « Selon la Commission des droits de l’homme du Pakistan (HRCP), 636 femmes sont mortes d’un crime d’honneur en 20078. En 2013, selon la Commission nationale des droits de l’Homme, ce sont près de 1 000 femmes ou adolescentes qui ont été tuées sous prétexte d’avoir déshonoré leur famille, le plus souvent en toute impunité. L’une d’entre elles était enceinte de trois mois9. Le cas de Qandeel Baloch a été quelque peu médiatisé : la blogueuse et chanteuse pakistanaise a été assassinée par son frère le 15 juillet 2016, qui a invoqué le crime d’honneur10,11. »
Mais le Pakistan ce n’est pas si mal, on peut avoir des domestiques pour nous faire à manger, pour faire le ménage, les tâches ménagères, tout. Certains ont même des domestiques à plein temps. Leurs familles habitant loin font confiance à la famille. Vous rappelez vous de Zohra Shah, petite domestique de 8 ans battue à mort par un couple pour avoir libéré leur perroquets ? [12] Souvent,  on a tendance à confondre éducation et humanité. Mais c’est les plus éduquées qui gagnent le plus et donc peuvent se permettre des domestiques, mais leurs comportement font honte à l’éducation.  J’ai vu des domestiques prendre soin des enfants qui avaient leur propre âge. Les gens n’ont pas de scrupules à les amener dans des fêtes où ils savent qu’elles seront mal à l’aise. Parce qu’elles n’ont pas d’habits appropriés ce qui les exclue encore un peu plus et voir tous ces gens gaspiller l’argent qu’elles gagnent si durement doit les dégoûter. Ces jeunes filles pour la plus part, se trouvent livrées à elle-même, mal à l’aise dans des restaurants où leurs maîtres ne même pas la peine de commander pour elles, ne leur laissant non plus le choix de rester à la maison parce qu’ils ne leur font pas confiance. Les agents de services à la personne ne sont pas considérés humains donc une appréciation à leur juste valeur est sans doute un trop en demander.
Un autre aspect d’inquiétude est comment les enfants transgenres sont traités : D’après les estimations de Khawaja Sira society 500 000[13] transgenre sont reniés le droit d’être aimé et élevé par leur famille même si les parents veulent les garder. Marvia Malik est la première présentatrice transgenre à la télévision pakistanaise. Elle raconte que « Ma famille ne m’a jamais acceptée, ni reconnue. » [14]
Les personnes avec un handicap ne sont pas mieux loties « Selon un rapport publié par le British Council, 72% des personnes handicapées ont déclaré que l’inaccessibilité était un obstacle majeur à l’accès à l’éducation, à la formation et à l’emploi. De plus, les personnes handicapées ont également été confrontées à des problèmes lors des élections générales et n’ont pas pu exercer leur droit de vote en raison de l’inaccessibilité du bureau de vote. »[15]
Les maladies psychologiques ne sont même pas considérées comme des maladies encore moins sont elle traitées.  « La santé mentale est le domaine le plus négligé au Pakistan où 10 à 16% de la population, soit plus de 14 millions, souffre de maladies psychiatriques légères à modérées, dont la majorité sont des femmes. » [16] indique un article publié par International Journal of Emergency Mental Health and Human Resilience.
J’ai peint un tableau avec trop de noirceur. Il est temps d’ajouter quelques couleurs. On le sait tous que les mariages pakistanais sont un grand événement très coloré aussi bien en habits que les mets qu’on y consomme.

   iii.            Marriages

Une des couleurs qu’on n’aime pourtant pas est la si charmante couleur caramel. Le racisme envers soi est tellement prégnant qu’on va avoir recours au Faire & Lovely la crème qui blanchit la peau, à quel effets secondaire sur leur santé, la plus part ne le savent pas.  Tant que j’y suis-je vais placer la grossophobie, une des couleurs refusée aux mariages. Déjà qu’on n’aime pas la couleur caramel, la pilosité sur le visage est un autre sujet de moquerie de soi. Et autant d’arguments pour refuser une fille pour un mariage.
Le mariage reste une très grande épreuve que ce soit pour chercher un partenaire, pour les problèmes de dot ou considérant les violences conjugales. Quoique certains vont s’affranchir de ces étapes en mariant leurs filles au Quran. [17] Plus besoin de cherche un mari et l’héritage reste à la maison redistribuée entre les frères.
Au niveau de mariage, les maris ont droit dans la loi islamique aux quatre mariages et la femme n’a pas son mot à dire et aucune autorité islamique ne vérifie que le mari peut financièrement supporter le nombre de femmes qu’il prétend supporter.
Enfin bref, désolée de vous décevoir mais on ne parlera pas plus de mariage dans ce podcast car c’est un sujet qui mérite un podcast à lui à part entière.
Ce qu’on va détailler un peu plus c’est l’inégalité l’homme-femme non plus extérieur mais à l’intérieur des foyers :

    iv.            Gender imbalance

La plupart de familles ont plein de filles en essayant d’avoir un garçon. Du coup les parents pas très riches de base misent sur l’éducation de garçon en tant que leur plan de retraite négligeant les filles.[18] Vous ne pouvez qu’imaginer l’état d’esprit de ces filles en grandissant dans une société qui ne les a pas désirées. Elles vont donc apprendre comment tenir une maison et suivre un code d’honneur drastique alors que les garçons ont  plus de liberté, sinon totale. Encore, ce modèle peut convenir s’il y a le respect mutuel mais la plus part de temps celui reste à la maison n’a plus de valeur et devient un punching ball sur lequel se venger de toutes les injustices extérieurs. Les frères, les pères sont réputées pour protéger leurs femmes et filles en dehors de la maison de la meilleur façon qui soit mais ce comportement et souvent absent au sein de la maison.
En 2018, le taux d’alphabétisation des femmes est de 51.8% contre 72.5% pour les hommes. [19]

Ces tendances changent alhamdullillah, même au sain des classes sociales les plus modestes dans les zones urbaines et j’espère inshallah que de plus en plus de filles auront accès à l’école à l’avenir.

       v.            Education

Il a ceux qui n’ont pas accès à l’éducation et il y a ceux qui prétendent trop en avoir. En effet, Il y a eu un certains nombre de cas de fraude autour de la falsification des diplômes et inadéquation entre le diplôme et le poste occupé. [20] Dans les élections de 2013 plus de 10 candidats avaient été disqualifiés pour possession de faux diplômes. Une des exemples de l’inadéquation de diplôme et le post occupé est Muneer Khan qui était au temps de Zulfiqar Ali Bhutto Responsable de programme nucléaire avec un diplôme d’ingénieur électrique.

Bon pour finir sur quelque chose de positif, l’éducation reste un moyen d’ascenseur social, Farwa Batool est une exemple de personnes venant d’un milieu modeste et une minorité persécutée des Hazara. Elle a eu la première position dans l’examen CSS dans la province de Balûchistân et la 9ème position au niveau nationale en 2019.[21]
Le dernier point que je voulais aborder concernant l’éducation et l’intégration des cours sur les sciences religieuses à l’école. Ce qui est un point positif mais là encore on délaisse les minorités.  Plus jeune j’ai eu des cours d’arabe et islamiat à l’école. Et mes camarades chrétiennes n’avaient pas de cours spécifique de remplacement. La plupart ont fait l’arabe et les sciences islamiques comme nous.
Passons maintenant aux choses plus basiques encore de la vie quotidienne.

    vi.            Everyday life facilities

Malgré tous ce que je vous ai dit, vous allez me dire qu’il fait quand même bon vivre au Pakistan. Sauf que selon la ville que vous allez choisir pour habiter vous aurez plus ou moins d’eau. En effet, l’eau courante n’est pas accessible 24h/24, donc il faut prévoir des réservoirs souterrains ou sur le toit qu’il faut ensuite alimenter lors des heures de lâchers d’eau[22]. Amusant !

Pakistan fait partie des 10 pays qui ont le plus bas niveau d’accès à l’eau potable. 21 million de personnes dans la population totale de 207 millions n’ont pas accès à l’eau potable.[23]
J’ai cherché les stats sur les foyers ayant accès à l’eau chaude, recherche pas très fructueuse pour l’instant. Donc j’extrapole d’après un article publié dans le journal DAWN[24] et le diagramme[25] fait par wikipédia dessus : 65 millions d’habitants sont extrêmement pauvre. Donc en étant optimiste en supposant que les riches, et la classe moyenne ont accès à l’eau chaude, ça fait quand même 65 millions de personnes sans accès à l’eau chaude dans leur foyers.

Pour tirer l’eau vous aurez besoin d’électricité. 70,79% de la population avait accès à l’électricité  en 2017 sachant qu’on était déjà à 70.30% en 1999[26].

Selon l’enquête sur le niveau de vie et niveau social du Pakistan sur les années 2018-19[27], 12% de la population n’a pas de toilettes. 35% de population n’a pas de système sanitaire à la maison. Je vous encourage à aller consulter ce rapport qui est riche sur d’autres indicateurs concernant l’éducation, accès à l’internet, moyens de communications par exemple.

Là, je me permets de nuancer un peu, il existe des quartiers sympas dans toutes les grandes villes qui ont l’électricité 24H/24 ainsi que l’eau. Il est certainement moins cher d’habiter là bas que dans la banlieue parisienne. A condition qu’on continue à gagner avec les standards des pays européens.

  vii.            Problèmes sociétales

Maintenant, on va aborder les problèmes sociétales avant de conclure ce podcast.
L’Irresponsabilité des personnes au pouvoir reste un gros point de frustration pour le contribuable. Comme ça transparaît à travers ce dialogue dans la biographie d’Abdul Qadeer Khan par Imran Chodhry.

C’était vraiment lamentable que les envoyés de gouvernement n’aient même pas essayé de comprendre les capacités d’Abdul qadeer Khan et a passé leur temps à assouvir leur désir personnels au Pays Bas. En voyant cela Abdul Qadeer se sentait encore plus triste et un jour il a fait part de son sentiment : « Vous êtes financé par l’argent de contribuable pour exécuter une grande responsabilité. Cela  ne vous sied pas de gaspiller votre temps ici en jouant jouer aux échecs. » Ce qui bien sûr n’a pas été apprécié par l’envoyé spéciale a répondu : « Mêlez vous de vos affaires, je sais ce que je dois faire. »

Dans un des précédents podcasts, je vous racontais comment Manto décrit la corruption dans la bureaucratie. Transperancy international[28]  fournit un classement avec un indice de corruption qu’elle estime. Un score plus proche de 0 correspond à plus de corruption et un score proche de 100 à moins de corruption. La France occupe la 26ème position avec un score de 69 et le Pakistan occupe la 126ème position avec  un score de 29.

Et avec ça je vais conclure mon podcast pas très glorieux pour le Pakistan.

3.      Conclusion

J’ai volontairement mis l’accent sur les choses plus difficile à accepter par les franco-pakistanais.e.s. Pakistan a de nombreux chantiers  de développement à adresser mais ce sont les choses qui peuvent être réglées le temps d’une génération comme en Corée du Sud. La peur de l’autre, la culture de division est par contre est plus problématique parce que ça ne s’arrête pas au racisme mais va jusqu’à la persécution ce qui est contraire au étiquettes d’un pays qui se réclame musulman.
De l’autre côté, vouloir vivre bien en France ne vaut pas dire qu’on déteste complètement le Pakistan. Pour les femmes, ce rapport est beaucoup plus contrasté que les hommes. L’appartenance, l’attachement n’est pas quelque chose qui se traduit forcément par un retour au pays, même si ce retour est  un des aspects. Mon identité, mon degré de confort avec ces deux pays est un choix personnel. Ça ne devrait pas être une décision binaire et de plus imposée par quelqu’un d’extérieur.
A cause de tous ces aspects évoqués, retourner vivre au Pakistan pour la plupart d’entre nous reste largement un myth, même si on observe un mouvement qui embrasse ce changement.

[1] https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Muslim_self-identification.jpg
[2] Reportage Pakistan, anthropologie d’une république islamique – Michel Boivin, Mariam Abou Zahab
[3]https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_interdisant_le_blasph%C3%A8me_(Pakistan)#Section_295(c)_du_code_p%C3%A9nal_introduite_en_1986
[4] https://www.arte.tv/fr/videos/088254-000-A/pakistan-le-blaspheme-et-la-mort/
[5] Frank McLynn, Famous Trials: Cases that made history, Crux Publishing Ltd, 1999, 256 p.
[6] https://www.la-croix.com/Monde/Pakistan-moins-7-morts-50-blesses-ecole-coranique-2020-10-27-1201121477
[7] https://www.arte.tv/fr/videos/093942-000-A/pakistan-cure-fan-de-foot-et-sauveur-d-esclaves/
[8] https://www.portesouvertes.fr/edifier/podcast/pakistan-700-chretiennes-kidnappees-chaque-annee
[9] https://knoema.com/atlas/ranks/Kidnapping-rate
[10]https://en.wikipedia.org/wiki/Murder_of_Zainab_Ansari#:~:text=On%2017%20February%202018%2C%20an,raping%20and%20murdering%20Zainab%20Ansari.&text=He%20was%20sentenced%20to%20death,at%20Lahore’s%20Kot%20Lakhpat%20jail.
[11] https://fr.wikipedia.org/wiki/Crime_d%27honneur#cite_ref-11
[12] https://gulfnews.com/world/asia/pakistan/eight-year-old-pakistani-maid-tortured-to-death-for-letting-parrots-free-1.71847358
[13] https://en.wikipedia.org/wiki/2017_Census_of_Pakistan#:~:text=Transgender%20population,-Transgender%20rights%20campaigners&text=Bindya%20Rana%2C%20leader%20of%20the,300%2C000%20transgender%20people%20across%20Pakistan.
[14] https://www.ouest-france.fr/monde/pakistan/une-premiere-presentatrice-transgenre-la-television-au-pakistan-5652094
[15]https://en.wikipedia.org/wiki/Disability_in_Pakistan#:~:text=The%205th%20Population%20and%20Housing,down%20to%20less%20than%200.48%25.
[16] https://www.omicsonline.org/open-access/mental-health-pakistan-optimizing-brains-1522-4821-17-160.php?aid=37919#:~:text=Mental%20health%20is%20the%20most,majority%20of%20which%20are%20women.
[17] https://www.parhlo.com/haq-bakshish-marriage-with-quran#:~:text=The%20term%2C%20traditionally%20known%20as,up%20the%20right%20to%20marry.&text=An%20incident%20highlighted%20by%20the,married%20to%20the%20Holy%20Quran.
[18] https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/fields/370.html#PK
[19] https://en.wikipedia.org/wiki/Education_in_Pakistan#/media/File:Literacy_rate_in_Pakistan_1951-2018.png
[20] http://archive.indianexpress.com/news/fake-degrees/1098271/
[21] https://www.parhlo.com/hazara-girl-farwa-batool-css/
[22] https://en.wikipedia.org/wiki/Water_supply_and_sanitation_in_Pakistan#Wastewater_treatment
[23] https://gulfnews.com/world/asia/pakistan/21-million-in-pakistan-dont-have-access-to-clean-water-report-1.2192988
[24] https://www.dawn.com/news/842873/need-for-a-new-paradigm
[25] https://en.wikipedia.org/wiki/Poverty_in_Pakistan#/media/File:Socio-Economic_Status_of_Pakistanis.png
[26]https://www.indexmundi.com/facts/pakistan/indicator/EG.ELC.ACCS.ZS#:~:text=Access%20to%20electricity%20(%25%20of%20population)%20in%20Pakistan%20was%2070.79,population%20with%20access%20to%20electricity.
[27] http://www.pbs.gov.pk/sites/default/files//tables/rename-as-per-table-type/summary_of_key_indicators_PSLM_2018-19.pdf
[28] https://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_perception_de_la_corruption

Warq#005 – Discussion avec Andrei : Faire la paix avec son identité

1.      Introduction

Bismillahi rahmani raheem. Salaam Aleekum ! Bienvenue au podcast Oraq. Le but est de partager avec vous les pensées sur une vie de diaspora pakistanaise en France. On parlera de religion, d’études, de travail, d’identité, d’Histoire avec un grand H et bien d’autres choses.
Je m’appelle Warq. J’ai 28 ans et je suis issue d’une immigration, arrivée en France à l’adolescence. J’habite dans la région parisienne.
Les précédents podcast retracent une naissance de diaspora pakistanaise en France et abordent les questions sur l’identité que la première et la deuxième génération peuvent avoir sur le sujet. Le parcours n’est pas simple et  chacun essaie de se construire à son rythme. Andrei qui a été mon éditeur/correcteur pour cette série de podcasts a eu un parcours similaire en version russe. Aux extrémités de pleins de phrases nous avons réalisé la similarité de nos expériences et nos différences. Une des différences est que lui aujourd’hui est en paix avec ses identités et moi je n’ai pas fini ma démarche.
Ainsi, je pense que la discussion que j’ai eue avec lui, peut être intéressante pour tout le monde et ouvrir des dialogues s’ils n’existent pas déjà d’entraide. Sans plus tarder, voici comment on a pu se retrouver un samedi matin alors qu’on aurait pu faire la grasse matinée.
On y aborde ses liens avec la Russie, avec sa famille au pays natale, ce qu’il a gardé avec lui de la Russie, comment il se sens aujourd’hui vis à vis de cette dualité identitaire mais également la question de transmission de l’héritage culturelle. 

1.      Andrei est ce que tu peux te présenter en quelques mots ?

 

2.      Nous avons un grand point commun : c’est qu’on se pose les mêmes questions sur l’identité. Par exemple au niveau de la langue, tu sens aussi une dualité :

 

3.      Quelles sont tes liens avec la Russie (la nourriture, les traditions, la musique, la religion) ?

 

4.      Tu te sens plus français ou Russe ?

 

5.      Tu as un petit garçon. Comment lui transmet tu ton côté Russe ?

 

6.      Il n’y a pas longtemps, tu as pu retrouver ton père et te rendre en Russie. Comment a été ce moment pour toi ?

 

7.      Penses tu retourne r un jour en Russie ?

 

8.      Quels conseils donnerais-tu aux autres qui essaient de se chercher aussi ?

 

9.      Un mot de la fin ?

 

10. Conclusion

Ainsi s’est achevé une discussion parmi tant d’autres qu’on pourrait avoir sur le thème d’identité.
Merci d’avoir écouté le podcast. J’espère inshallah que nous nous retrouverons très vite autour de d’autres sujets intéressants. Portez vous bien. Salam aleekum. 

Warq#004 – Identité de la seconde génération des immigrants pakistanais en France

Special thanks to Charlotte Attal to let me use her image as the header of this article. Cela fait parti d’un projet « Identités dérascisées » réalisé par Charlotte Attal (designeuse graphique) et Emelyne Chemir (designeuse textile). Pour en savoir plus : charlotte_attal

A.    Sur les traces de mon Identité

  IV.            Podcast : Identité de la seconde génération des immigrants pakistanais en France

1.      Introduction

Dans un précédent podcast, nous avons abordé pourquoi les pakistanais choisissaient de quitter leur pays, pour quelles raisons ils ont pu choisir de venir en France et quelles étaient les difficultés psychologiques et matérielles auxquelles ils étaient confrontés lors de leur intégration. Continuant sur le thème d’identité, dans ce nouveau podcast, on se propose d’explorer celle de la deuxième génération des immigrants pakistanais. Quelle image ont-ils d’eux même ? Quelles langues parlent-ils ? Comment s’habillent-ils ? Quelle est leur rapport avec la religion ? Telles sont les questions qu’on va d’aborder.

1.      Qui suis-je ?

Sans plus tarder on va essayer de savoir comment les enfants d’immigrés pakistanais s’identifient.
Dans la revue Hommes et migrations, j’ai trouvé un dossier publié en 2007, intitulé “Que dissent les jeunes pakistanais de l’intégration” par l’anthropologue Roomi Hanif, cinq jeunes gens témoignent et résument assez bien ce que je ressens :
En 2007, Ali un franco-pakistanais témoigne « à vrai dire, personne ne sait où est vraiment le Pakistan. Quand on dit que c’est à côté de l’Inde, ça va ; quand on dit que c’est à côté de l’Iran, c’est un peu moins bien. ». Quelques années à peine plus tard, quand je me présenterai à mon tour, les gens ne sauront toujours pas où se trouve le Pakistan mais on l’associera tout de suite aux terroristes, aux talibans. Pour mes camarades, je serais Malala ou Raj de The Big Bang Theory. Après l’attaque des Etats-Unis sous le gouvernement de Barack Obama pour tuer Osama (bin Laden), mes collègues m’appelleront « terroriste » en rigolant. On me reniera même mon droit de m’identifier comme asiatique car je n’ai pas les yeux bridés et la peau un peu trop mate.
Beaucoup me qualifieront d’ « hindoue ». J’entendrais des « Namasté » par-ci par-là. Une de mes batailles sera de leur expliquer que Hindouisme est une religion et être hindoue n’est pas une nationalité. Je ne comprendrai pas non plus l’engouement autour de l’Inde. Pourquoi, la France inclue-t-elle dans son programme un film sur Gandhi alors que Jinnah disparaît complètement de l’équation ? Pourquoi, sur les campus universitaires, les bâtiments seront nommés Gandhi, Nelson Mandela mais jamais un seul prendra le nom de Jinnah ? Est-ce que Jinnah était moins valeureux ? Il a libéré un peuple entier de joug de colonialisme britannique. Un effort tout aussi honorable que celui de Martin Luther King ou de Rosa Parks. Alors pourquoi l’histoire tait son nom ? Ce pourquoi résonnera dans ma tête tout au long de ma vie. Je me refuserais à penser que c’était l’islamophobie car ces musulmans étaient avant tout des humains. Ou bien le principe de laïcité a depuis bien longtemps dévoré l’humanisme de la France ?

C’est triste parce que ni la France ne nous accepte tels que nous sommes, ni vraiment nos parents… On ne sait plus à qui faire plaisir, l’effort est toujours demandé à nous.

Trouver ma place sera toujours difficile. Le dossier dans Hommes et Migration suggère à juste titre : « Pour les jeunes, les obstacles sont doubles. D’un côté, ils doivent affronter la rigidité de la société française ; de l’autre, celle de leurs parents ! » Shabnam, diplômée d’un master témoigne « C’est triste parce que ni la France ne nous accepte tels que nous sommes, ni vraiment nos parents… On ne sait plus à qui faire plaisir, l’effort est toujours demandé à nous .» Elle se sent tiraillée de passer pour une faible devant ses amis et de blesser les parents qui ont enduré des choses pour elle.
On se sent aussi d’ailleurs tiraillés entre toutes les langues qu’on parle.

2.      Quelle est ma langue?

Les élèves pakistanais sont en général forts en anglais parce que l’anglais est la langue officielle du Pakistan. Le Pakistan a de plus l’ourdou comme langue nationale et quatre langues provençales : Le Sindhi dans la province de Sindh, le Balochi dans le Balochistan, le Punjabi au Punjab et Pashto au Kayber Pakhtunkhwa. En plus d’ourdou, d’anglais, de la langue provinciale, le pakistanais moyen apprend aussi à lire le Quran (Coran) en arabe.
Selon une étude réalisé en 2004 par deux psychologues Ellen Bialystok et Michelle Martin-Rhee, les bilingues sont plus aptes à résoudre des puzzles ou des exercices mentaux. Dans une interview recueillie par French Morning en 2013, Ellen souligne que le bilinguisme rend les personnes plus créatives, ouvertes et flexibles d’esprit et moins exposées à l’Alzheimer. Mais moi qui me suis toujours sentie en difficulté, je trouve du réconfort quand Ellen affirme :

Les bilingues mettent plus de temps pour choisir leurs mots, ils ont aussi moins de vocabulaire. Lorsqu’on demande à un bilingue de nommer, par exemple, tous les fruits qui lui viennent à l’esprit, il va mettre plus de temps et générer moins de mots qu’un monolingue. On constate aussi que sur les tests standardisés de vocabulaire, les enfants bilingues obtiennent de moins bons scores. [1]

Ainsi, j’offusquerai mon prof de français un bon nombre de fois où je trouverai des bonnes réponses à ses questions mais en anglais. Je ne me rendrai non-plus pas compte quand est-ce que je commence à « switcher » de français en anglais, d’anglais à Ourdou. Je suppose maintenant que c’est lié à mon manque de vocabulaire  que je trouve incomplet, cloisonné par domaines d’utilisation.  Le vocabulaire en ourdou est surtout lié à la famille et la maison, le vocabulaire en français couvre les domaines d’études et de travail, le vocabulaire en anglais couvre le domaine de lien-social et finalement le vocabulaire arabe est utilisé pour décrire ma spiritualité.
Alimentant mon vocabulaire par des lectures, je serai qualifiée de « quelqu’un qui parle comme un livre », j’aurai le sentiment d’être « Jack of all, Master of None ». Celle qui comprends un peu tout, mais ne maîtrise rien.
Dans le podcast précédent, je vous parlais de traumatismes causés par l’immigration. Malgré le fait qu’être multilingue est souvent perçu comme bénéfique, cela apporte son lot de conséquences. Par exemple, Noam Schieber, éditeur dans la Revue The New Republic raconte dans un article publié en 2014 qu’il a parlé pendant trois ans en hébreu à sa fille pour lui transmettre cette langue mais qu’il s’est rendu compte qu’il était plus austère en hébreu qu’en anglais. « Je suis drôle en anglais […] pas trop en hébreu » « En anglais, je suis de nature patient et sobre. Mon style en hébreu était intimidant et persécuteur. »[2] Une autre étude menée par Susan Ervin datant de 1968 sur des femmes bilingues japonaises vivant à San Francisco appuie ce résultat de changement de personnalité en changeant de langue. Elle a demandé à ces femmes de compléter des phrases en anglais en en japonais :

  • 1. Lorsque mes désirs s’opposent à ceux de ma famille 
    • (Japonais) c’est un moment de grand malheur
    • (Anglais) je fais ce que je veux
  • 2. Je deviendrais probablement…
    • (Japonais) femme au foyer
    • (Anglais) professeure
  • 3. Les vrais amis doivent…
    • (Japonais) s’aider mutuellement.
    • (Anglais) être très francs.

Ainsi, au fil des langues que je parle, je me sentirais un peu comme Jekyl and Hyde, ou comme dans le drama Coréen Heal me, Kill me. On peut retourner donc dans la première question : Qui suis-je ?
Une des composantes de la réponse est d’aborder la question de la religion.

3.      Quelle est ma religion ?

« Ces jeunes affirment qu’il leur faut taire aux français leur religion et leurs traditions ou ne leur en parler que de manière vague et rapide, pour ne pas susciter de réactions de fuite. » Je suis plus pratiquante que tous ceux que je rencontrerai durant ma scolarité. Peu à peu, les maghrébins ce sont éloignés de cette pratique assidue. Je lis le Coran et fais ma prière car j’ai déjà appris cela au Pakistan.
Plus haut, je vous ai parlé d’une de mes batailles, ma deuxième bataille sera d’expliquer qu’ « on ne fait pas le Ramadan », de la même manière qu’on ne fait pas le décembre, janvier ou février : « On jeune ». Je ne comprendrais pas non plus pourquoi on tient tant à déformer le nom de Prophète Mohammad (saw) qui va devenir Mahomet. Le Quran va devenir le Coran. On importe bien des mots d’autres langues en français pour être au plus près du sentiment. Il était arabe et les musulmans l’appellent par son nom arabe Mohammad (saw). C’est par des petites tournures qu’on met la distance entre l’authentique et la version revisitée qu’on arrive à des grands amalgames.[3]
La religion me manquera, nos réunions pour finir le Quran, la diffusion des appels aux prières. Il arrivera que j’aie des contrôles le jour de l’Aïd, la fête religieuse musulmane. Je n’aurais pas ou peu d’étrennes, c’est l’argent qu’on reçoit des proches le jour de l’Aïd. Toutes nos fêtes ne seront qu’un pâle reflet de ce que nous avons pu vivre dans la folie d’enfants. Je fêterai par contre Pâque, la Toussaint et Noël car je suis obligée d’être en vacances.

4.      Les vacances ?

Les vacances c’est un autre sujet important : Je n’ai jamais compris l’engouement autour des vacances. Pour moi elles étaient ennuyeuses ! J’attendais la rentrée avec impatience. Shakeela, 25 ans témoigne « au travail mes collègues parlent de vacances, de skis, de la mer… Je vois constamment qu’il y a une différence entre moi et eux. Rare sont les Pakistanais qui vont en vacances pour le plaisir de voir de nouveaux horizons ». Yasmine dans son témoignage dit quelque chose d’intéressant : « L’intégration, c’est réussir à vivre entre les deux cultures ! Vivre dans un pays sans oublier ses origines, sans être mal dans sa peau ». Mais comme je disais plus haut ni les français ne nous reconnaîtront comme Français et ni les pakistanais comme les leurs. On subit une sorte de syndrome Bambi. « On est en fait dans une autre culture, la nôtre, elle est à part »
On mûrit donc plus vite et fait preuve d’un sérieux.

5.      Pourquoi tant de sérieux ?

Les enfants pakistanais, en tout cas les filles pakistanaises, sont sérieux à l’école. Certaines filles travaillent bien notamment pour échapper au mariage précoce. Selon une étude de Kate Gavron en 1996 sur la communauté bangladeshi de Hamlets Towers met en relief l’inégalité des genres : les « filles négocient avec leurs parents le droit de rester à l’école. La plupart d’entre elles savent bien que c’est une des raisons pour lesquelles les filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons ; elles doivent travailler dur pour avoir le droit de continuer leurs études. ». Tandis que l’éducation des garçons est plus laxiste. Si on pouvait faire un sondage aujourd’hui sur les métiers des filles d’immigrés, elles dépasseraient à coup sûr les garçons. A défaut d’études sur les métiers, une étude de Yaël Brinbaum, intitulée Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat indique que : « L’avantage scolaire des filles a été démontré dans plusieurs pays et pour la plupart des origines – avec quelques exceptions – [cf.chapitre 8 et FleiscSChmann, Kristen et alii, 2014]. »[4] L’étude montre que les filles d’immigrés font mieux que les garçons avec un taux de réussite de 92% contre 88. Cet écart est minime entre les descendants asiatiques (car si l’étude différencie les descendants turques, portugais, maghrébins, le reste est distribué dans des catégories géographiques très macro : Afrique subsaharienne, l’Asie). Asie contient les descendants de 53 pays (en excluant la Turquie) mettant dans le même panier les sud-coréens, les japonais et les pakistanais…
Selon une réflexion menée par Laure Mougérou et Emmanuelle Santelli « Les sorties des filles étant plus surveillées, voire interdites, ces dernières passent plus de temps à la maison et sont plus enclines à le consacrer à leurs devoirs scolaires. »[5] Il y a certainement une volonté de la part des parents de rester synchronisés avec les coutumes de pays d’origines et ne pas accorder plus de liberté à leurs enfants. Ils ont du mal à jauger le seuil juste et sans doute par peur de ne pas en faire assez, deviennent plus stricts que nécessaire. Tandis que la société dans le pays d’origine change comme un ensemble sans le regard d’autrui. Les regards sont tournés vers l’occident.
Je mettrais toute mon énergie dans les études car on ne peut se permettre de faire autre chose. On partira rarement en vacances, ce qui est déjà une chance, mais face à mes camarades qui vont en vacances toutes les vacances scolaires, ce ne sera pas suffisant. J’étais en paix avec ma vie, la France m’a donné des complexes à force de comparaisons.
Le sérieux vient d’une part de poids des sacrifices de la première génération et d’autre part de la pression de l’intégration. L’éducation est gratuite en France et c’est un gros point positif dans la balance. Il faudra du coup que je sois digne de cette chance. Sans doute c’était inconscient mais je n’ai pas aspiré à devenir sérieuse. Il y a pas si longtemps, j’étais une adolescente normale qui s’amusait dans son école et prenait même des baffes en faisant des bêtises. Mais tout ce poids de changement, tous ces sacrifices de la génération d’avant ont instillé en moi un sérieux que je ne saurais expliquer, ni assumer. Je vivrais ma scolarité dans ma case à part faisant de mon mieux pour m’intégrer, pour concilier, tout en rêvant d’un monde où j’aurais un peu moins à lutter.
Un monde où je pourrais m’habiller sans attirer des regards et encore moins de remarques.

6.      Comment je m’habille ?

La plupart des habits pakistanais respectent le code vestimentaire prescrit par l’Islam. Les hommes et les femmes sont tenus d’avoir des habits pudiques et en plus de ça des comportements pudiques. L’ensemble s’appelle shalwar Kameez, un sarouel très confortable et une tunique qui descend en moyenne jusqu’aux genoux pour les hommes et les femmes qui ont un foulard de la même couleur en plus. Ce qui se passe en général, c’est que même au Pakistan les hommes s’habillent à l’occidentale la plupart de temps. Vous verrez peu d’uniformes où les hommes ou écoliers sont en shalwar kameez. Mais les femmes portent plus souvent les habits traditionnels. Bon gré, mal gré, ce sera un autre sujet de discussion. Ces deux-pièces sont en générale taillés dans le même tissu. Pendant mon temps au Pakistan, on pouvait complètement maîtriser le cycle de fabrication de nos habits. On achetait le tissu qui nous plaisait, ma mère pensait à un design, on achetait les accessoires (le fil de la même couleur, les boutons, la dentelle, les strasses, les miroirs ou autres), ensuite il y a deux options, soit on les donne à des tailleurs, soit on les coud soi-même. En Europe, avoir un tailleur, c’est un grand luxe, mais il faut savoir qu’au Pakistan, c’est le cours normal des choses. Enfin, c’était le cas avant que je ne vienne m’installer en France en tout cas. Dans la maison que j’habitais au Pakistan, on vivait au-dessus d’un magasin de tailleurs. Pendant le mois de ramadan, les tailleurs font le plus gros chiffre d’affaire de l’année. Le magasin tournait 24h/24, le personnel était renforcé et on entendait les experts et les apprentis s’affairer sur des machines toute la nuit durant. C’est ce qui vibrant au Pakistan, c’est l’existence de tous ces métiers tels que le vendeur de tissue, le vendeur de fils, le vendeur de boutons, le tailleur, fournisseur de Chai qui ne sont ni grands ni petits, mais juste à la hauteur d’homme pour subvenir à ses besoins. 
Les franco-pakistanais eux sont déconnectés de l’industrie de la mode pakistanaise. D’une part, parce que les boutiques spécialisées sont plus rares en France et d’autres part parce que dans les rares boutiques à Paris, le choix est limité et les prix élevés. Même s’ils s’habillent d’une certaine manière perçue comme pakistanaise en France, ce n’est pas l’avis de leurs confrères dans le pays d’origine. Une femme dans sa cinquantaine témoigne dans l’article d’Hommes et Migration qu’elle ressent cette différence au niveau des habits quand elle rentre au pays. Les tendances changent et les Pakistanais d’outre-mer ont l’air de paysan dans leur propre pays.
Je me prendrai énormément de remarques, car je porte un kameez avec un jean et j’ai toujours mon foulard dans mon cou. Mais les garçons changent de mode vestimentaire en un clin d’œil. C’est comme si toute la responsabilité de pudeur et perpétuer la tradition revenait que les épaules de la genre féminine. J’ai vu des spécimens de la genre masculine qui prêchent le respect des traditions aux femmes de leur famille et ensuite dans dans la rue on les voit marcher dans des habits occidentaux 5 mètres devant le groupe des femmes pour ne pas paraître y être associé. Ça, c’est des complexes inters communautaires, mais j’aurais beaucoup de remarques extérieurs. À force, je me promènerai avec une carapace insensible aux moqueries. J’aimerais qu’on me laisse tranquille. Si un jour, j’ai envie de porter le foulard, que je le puisse. Si j’ai envie de m’habiller en T-shirt/pantalon ou en Shalwar kameez, cela ne regarde que moi. 
Après vous avoir parlé longuement de ce hot topic des habits, je vais vous parler d’un autre sujet brûlant : les habitudes alimentaires.

7.      Qu’est-ce que je mange ?

Les descendants d’immigrés peuvent changer sur les aspects vestimentaires, ils peuvent s’intégrer en termes d’emploi, ils peuvent parler la langue du pays d’accueil sans accent mais leurs estomacs restent pakistanais. Et ce parce que leurs mères cuisinent exclusivement pakistanais. En grandissant, ils essaient de faire des pâtes et pizza, des quiches et des tartes mais rien ne peut détrôner les mangues pakistanaises, un bon biryani avec du raita et des samossays.
Lorsqu’un « pakistanais d’outre-mer » (remarquez que le nom a changé) rentre au Pakistan (et pas chez lui), les pakistanais voudront manger des pâtes, pizza ou des plats chinois alors que le pakistanais d’outre-mer crèvera d’envie d’un bon biryani épicé. En tout cas, cette expérience je l’ai vécue aussi. Les pakistanais d’outre-mer peut-on dire dans une certaine mesure sont plus pakistanais que les locaux.
La cantine que ce soit du boulot ou de mon école, m’a toujours parue fade. J’y allais que pour les desserts. Si j’avais pu bien manger pendant mes études, j’aurais mieux poussé. J’avais recours au chaat masala, mes épices passe partout que je transporterais dans ma poche quand mon baromètre de « faditude » menaçait d’exploser. Selon mon expérience et des gens autour de moi, les cantines sont très peu pensées pour les régimes halal et végétariens. On finit par manger tous les jours des pâtes avec des légumes vapeur avec de la mayonnaise quand on ne mange pas les frites avec du ketchup.
Pour faire simple on mange beaucoup de riz et des rotis qui sont une version simplifié de nan que tout le monde connait. On cuisine un saalan qui peut être la viande, les légumes avec des épices et on mange ça avec des rotis. Les rotis se mange avec les doigts et le riz au choix.
Une des mes batailles sera de vous expliquer que je n’ai jamais entendu parler de « curry » au Pakistan. La seul chose qui s’en rapproche c’est le « kary pata »: la feuille de laurier qu’on met dans nos saalan. Le saalan est le mot générique pour un plat d’accompagnement. Les anglais le nomme aussi dès fois « Curry ». Mais de là à nommer un épice curry… Je continue mes recherches un jour j’aurais la réponse.
Bref, venons en à un  aspect plus abstrait de la personnalité des franco-pakistanais.

8.      Mes contradictions

Les pakistanais d’outre-mer adorent le Pakistan, oui. Mais la seconde génération et plus particulièrement les filles, ont du mal avec les pakistanais. D’autant plus que si elles sont confrontées à des pakistanais de leur âge mais faisant partie de la première génération d’immigrés. Ces personnes les dévisagent dans les rues, trains et métro. C’est une des raisons pour laquelle dans des quartiers dédiés aux commerces ethniques comme la gare de Nord et l’Est, on voit très peu de filles.
La deuxième génération des pakistanais a développé une peur des « autres » Pakistanais, ayant entendu trop d’histoires d’entourloupe. « Selon les Pakistanais de France, il y aurait trop de Pakistanais en Angleterre. Habitués à vivre en petites communautés en France, se retrouver en grand nombre les effraie. Il y a là une contradiction assez surprenante. La manière de vivre loin des « regards pakistanais » leur permettrait de se sentir plus libres, sans être jugés au quotidien par leur propre communauté. »
Ce jugement très présent dans la société pakistanais à travers « Log kia kahein gay », qui traduit le fameux « Qu’en dira-t-on ? » limite les gens à faire ce dont ils ont vraiment envie et développe une frustration. Vivre loin des regards, c’est de s’affranchir des comparaisons intra-communautaires.
Voici les aspects qui me viennent à l’esprit pour une première étude. On peut remarquer cette identité de la deuxième génération des immigrants pakistanais comme ceux de leur parents est très complexe. Mais il y a un mot qui leur colle à la peau : La Chance. Et ils ont toute une vie pour essayer de faire honneur à ce mot.

9.      Chanceuse ou pas ?

Mes copines d’avant me mettront elles aussi dans une case de « chanceuse » car j’ai échappée à leur sort. Quand je serais embauchée, je serais multiculturelle, adaptable. En vérité, je serais un imposteur. Pakistanaise pour les français, française pour les pakistanais. Je mettrais en avant tel ou tel aspect de ma personnalité pour cacher la rupture opérée par la migration. Je ne serai après tout étiquetée à vie d’Immigrée et la diaspora pakistanaise.

10. Conclusion

J’aimerais conclure sur une histoire que j’ai lue dans une revue pour enfants au Pakistan et qui est restée avec moi pour des raisons évidentes. C’était le parcours d’une chauve-souris qui vivait dans une forêt en harmonie avec tous les autres animaux. Un jour cependant, une dispute a éclaté entre les mammifères et les oiseaux. Et aucun des deux camps ne voulut accepter la chauve-souris dans son camps, ailée elle était un oiseau, donnant naissance à ses petits suite à une gestation elle était un mammifère. Elle se trouva ainsi seule dans son camp à part, abandonnée par tous les autres animaux.
L’enfant d’immigré aura plus de point communs avec les autres citoyens de son pays d’accueil. Mais les moments où il se sent comme une chauve-souris sont aussi nombreux. Il s’habille différemment, il parle différemment, il mange différemment. Mais il rêve comme les autres enfants et sert de pont entre son pays d’accueil et son pays d’origine.
J’espère avoir apporté quelques éléments de réflexion sur cette question d’identité qui reste beaucoup plus vaste et complexe à traiter en 4  podcasts. J’ai fait une timide effort de commencer à la mettre en mots. Evidemment, ça ne peut pas couvrir tous les aspects ni ni parler à tous. C’est pour ça que le projet Oraq est pensée comme une plateforme collaborative. Quelles sont vos histoires ? Où est qu’on se connecte ? Et où est ce que je vous perds ? Quelles sont les pages que vous avez envie de partager ? Pour le moins que puisse dire, j’ai hâte de vous lire.
Merci d’avoir écouté le podcast. J’espère inshallah que nous nous retrouverons très vite autour de d’autres sujets intéressants. Portez-vous bien. Salam aleekum. 

[1] Interview Ellen Bialystok dans French Morning
[2] The New Republic, Noam Scheiber, April 22, 2014, For three years, I spoke only Hebrew to my daughter. I just gave it up. Here’s why.
[3] Complément de recherche du correcteur : https://www.histoire-et-chronique.fr/2020/04/11/mahomet/
[4] Yaël Brinbaum. Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat. Education et Formations, Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Direction de l’évaluation et de la prospective, 2019, La réussite des élèves : contextes familiaux, sociaux et territoriaux, pp. 73-104. ‌halshs-02426359‌
[5] PARCOURS SCOLAIRES RÉUSSIS D’ENFANTS D’IMMIGRÉS ISSUS DEFAMILLES TRÈS NOMBREUSES Laure Moguérou, Emmanuelle Santelli

Warq#003 – Identité de la première génération des immigrants pakistanais en France

 

A.    Sur les traces de mon Identité

 III.            Podcast : Identité de la première génération des immigrants en France.

 

1.      Introduction

 

Dans un précédent podcast, nous avons abordé pourquoi les pakistanais choisissaient de quitter leur pays, pour quelles raisons ils ont pu choisir de venir en France et quelles étaient les difficultés psychologiques et matérielles auxquelles ils étaient confrontés lors de leur intégration. Continuant sur le thème d’identité, dans ce nouveau podcast, on se propose d’explorer celle de la première génération des immigrants pakistanais. Comment ils font face à la séparation de leur famille. Comment ils gèrent la peur, quels métiers ils exercent et lorsqu’ils obtiennent les papiers, quelles sont leurs difficultés. Je pense qu’explorer l’identité de cette première génération de migrants est vraiment essentiel afin d’éviter de donner une occasion à ceux qui vont écouter le prochain podcast de mettre la responsabilité sur la première génération. C’est facile pour moi, issue de la deuxième génération, de parler que de mes problèmes. Mais cela se passe dans un contexte donné.

2.      Origines

Sans plus tarder on va donc aborder la première phase de départ du Pakistan. Nous avons déjà abordé les raisons de départ, je vais rapidement évoquer leurs origines. Mariam Abou Zahab, chercheur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, dans un article paru en 2007 a identifié les régions de départ du Pakistan. Il s’agit surtout des villages autour de Gujrat, Mandi Bahaddin, Faisalabad, Sahiwal et Sargodha. C’est pour ça que la plupart des migrants dans les années 70 étaient peu éduqués. Ali, un pakistanais issue de la deuxième génération des immigrants réagit lorsqu’il se heurte parfois à leur mentalité : « Les pakistanais éduqués sont plutôt partis vers les pays anglo-saxons pour faire valoriser leur diplômes, le problème en France c’est qu’on se retrouve qu’avec des paindus (paysans) avec lesquels il est difficile d’avoir des discussions logiques. » Cette affirmation est confirmée par Christine Moliner dans son rapport intitulé « Invisible et modèle ?  Première approche de l’immigration sud-asiatique en France » selon lequel, les migrants sud-asiatiques qualifiés auraient trouvé des emplois aux Etats-Unis, Canada et Australie. Il y a toujours des exceptions : c’est le cas d’Abdul Qadeer Khan venu en Allemagne faire ses études en 1960 et ensuite a travaillé en tant qu’Ingénieur au Pays Bas. Il a ensuite fait du Pakistan une puissance atomique. Il a sans doute été inspiré d’Allama Iqbal, le grand poète de l’Est qui a fait ses études supérieures en Angleterre et en Allemagne à partir de 1905.
Mais être issu d’un village a ses avantages. Les villages sont constitués de communautés qui sont très solidaires entre elles et souvent occupés par une seule et même biraderi ou caste. Biraderi étant toute la famille proche et lointaine. On dit qu’il faut un village entier pour élever un enfant, et bien c’est tout ce monde qui va se réunir pour mettre des fonds en commun pour payer les frais de départ. Car il faut partir de leurs villages respectifs à Islamabad pour faire une demande de visa ou sinon chercher un agent pour faire l’intermédiaire. Je ne vais pas m’attarder sur l’actuel processus qui diffère mais une chose est certaine : il est semé d’embûches.
Pour certains, le voyage s’arrêtera avant même d’avoir commencé à cause de fraude par l’agent. Lorsque cependant, la personne réussi à obtenir un visa (touristique ou autre), il va pouvoir passer par les phases d’après. Je vous encourage à lire le périple de Sham dans un article de France 24, intitulé « Les hébergés »[1] : il est passé par l’Iran, Lesbos et Athènes avant d’atterrir à Orly. Il dit que

« Si on m’avait dit à quel point ce serait dur, je ne serais jamais venu ».

3.      Le déchirement et les limbes

Son portable, c’est son lien avec sa famille : il regarde les photos de sa sœur. « Là, c’est ma sœur. Elle a la peau plus claire que moi. Elle se marie en février. Je ne serai pas là… C’est le premier mariage de ma famille auquel je n’assisterai pas ». Il y aura d’autres occasions de naissances et décès. En situation irrégulière, ils ne pourront y assister. Ces regrets les rongeront à vie forgeant leurs caractères.
D’autres sont venus rejoindre un membre de leur famille ou biraderie déjà sur place. La première génération a des liens très forts avec la famille en France et au Pakistan. Ils vont ainsi s’entraider pour trouver du travail, s’héberger et même s’associer plus tard pour travailler. Cela crée une sorte de société où chacun a une dette de reconnaissance envers un autre,  qui les a aidé dans un temps où il n’avait pas grand-chose lui-même. Et ils ont des devoirs financiers envers leur famille au Pakistan. Selon une étude de Percot & Robuchon datant de 1995. « Il s’agit là d’une obligation morale, le contre-don à l’aide qu’ils ont eux-mêmes reçue à leur arrivée en France »

4.      La peur au ventre : clandestinité

Ces nouveaux arrivants vont passer par une phase de clandestinité. Et vivre en clandestinité, c’est comme si le monde se refermait sur eux. C’est une situation de stress permanent après tant de sacrifices de tout perdre. Imaginez-vous un instant qu’à chaque fois que vous sortez de votre appartement, vous avez la boule au ventre de se faire prendre. Imaginez ce qu’est de vivre dans une société en se sentant indésirable. Pour les plus anxieux d’entre nous, on peut le ressentir aujourd’hui, lors du confinement en sortant sans attestation par exemple
« Je peux vous assurer que si les Pakistanais savaient ce qu’ils allaient endurer en voyageant illégalement et que leurs rêves seraient brisés en Europe, aucun d’entre eux ne le ferait. » témoigne Sahhid Ali dans un article sur le site informigrants.net[2]

5.      Nature de travail

La première génération va être surexploitée : ils travailleront à la journée comme ouvriers à l’usine, dans les ateliers de confections et dans le bâtiment. Ils aspireront à devenir leurs propres patrons après ces expériences terribles. Le résultat de la recherche d’Abou Zahab va aussi dans ce sens.
Avant la politique de François Mitterrand de fusion de la carte de travail avec la carte de séjour et d’en finir avec le cloisonnement par métiers, ils feront l’objet d’une discrimination de la part de leurs employeurs. Il était aussi impossible de fonder des entreprises en leurs noms propres. Les français servaient de prête-nom dont certains se contentaient de s’assoir à la caisse et d’autres ne se montraient même pas. Dans les deux cas ils recevaient une contribution mensuelle sur leurs comptes.
Alors c’est naturel qu’ils aient de l’aversion pour un pays qui a dévoré leur jeunesse dans des conditions terribles. En plus de difficultés de travail, ces garçons qui étaient des rois à la maison en tant que garçon, d’autant plus que dans les villages le clivage homme-femme était encore plus important qu’ailleurs, devaient mettre la main à la pâte : ils vivront à plusieurs dans des studios où ils devront cuisiner, laver leur vêtements, faire le ménage etc.
Comme en témoigne Sham « Mes sœurs faisaient tout pour moi […] elles nettoyaient même mes chaussures »

6.      La difficulté des papiers

Une des difficultés supplémentaires des pakistanais est que contrairement aux indiens venants des anciens comptoirs français, ils ont un handicap de langue qui ne facilite pas les choses. Maintenant, imaginez quelqu’un qui est né en occident apprends plusieurs langues, fait un métier et choisisse d’intégrer une entreprise dans un nouveau pays. Non seulement on l’accompagne avec un « package » déménagement mais aussi, on lui offre des cours de langue. Ainsi est fait le monde. Les avantagés semblent accumuler les avantages et les personnes en difficulté sont écrouées sous les épreuves. Sham poursuit son témoignage « Ma première année a été vraiment très difficile, parce qu’en plus des problèmes de boulot, de papier et de logement, il y avait le problème de la langue… Il fallait toujours que je trouve quelqu’un pour m’accompagner partout : chez le médecin, à la préfecture… »
Pour demander l’asile  il faut d’abord pouvoir atteindre le pays d’intérêt. Puis, déposer le dossier. Le processus d’acceptation prend du temps (voire des années). Et ce n’est pas parce que vous avez fait une demande d’asile qu’elle va être acceptée. Shahid Ali par exemple a déposé son dossier en Grèce, en France et en Italie et essuyé que des refus.
François Mitterrand durant son premier septennat en août 1981 produira une circulaire précisant les conditions de régularisation exceptionnelle instaurés en faveurs des travailleurs clandestins et des autres immigrés en situation irrégulière selon un article paru dans Le monde qui récapitule les dates clés de l’immigration en France.[3]
Lorsqu’ils obtiennent les papiers pour le renouvellement, ils doivent faire de longues queues devant la préfecture. Certains vont même camper devant la préfecture toute la nuit devant la préfecture afin d’avoir un rendez-vous.
Une fois qu’ils auront pu obtenir les papiers, un processus de regroupement familial va commencer. Et la génération d’après aura un tout autre genre de problèmes.

7.      Réussite

Après une vie en communauté, les immigrants pakistanais se préparent à une vie de solitude. Christine Moliner identifie ce schéma dans son rapport : « Comme pour les autres courants migratoires, le type de logement occupé dépend des étapes du cycle migratoire et du cycle de vie : location de petits appartements vétustes occupés à plusieurs hommes seuls, pendant la phase de migration masculine ; location d’un appartement plus grand pour le regroupement familial, puis achat d’un appartement ou d’un pavillon. »
Ils choisiront de vivre loin de quartiers communautaires afin de favoriser l’apprentissage de la langue française. Une jeune fille de la deuxième génération témoigne « c’est parce qu’il trouvait que le quartier devenait trop communautaire et que ça allait nuire à l’évolution de ses enfants, à l’apprentissage du français [qu’on est partis]. »
La première génération de pakistanais est de deux types.

  1. Ceux qui reconnaissent l’importance des études pour offrir d’autres perspectives à leurs enfants. Ceux-ci sont souvent eux même éduqués mais leurs diplômes ne sont pas reconnus en France. A défaut de leur réussite, ils veulent voir leurs enfants réussir et mettront tous les moyens en place. En effet, l’école joue un rôle central dans le projet migratoire, elle est perçue comme l’instrument principal de sa réussite.
  2. Le deuxième type est celui qui a l’âme de l’entreprenariat. Toute la famille contribue à l’entreprise familiale. Les formations de Comptable sont assez courantes pour les enfants des tenants de commerces ethniques.

Au regard de leurs parcours, les individus de la deuxièmes génération ne peuvent qu’être reconnaissants quand leur parents les désignent comme leur propre réussite. C’est un plaisir de les voir sourire lorsque les profs principaux leur remettent des bulletins après leur journée éreintante de travail. Enfin, lorsqu’on leur présente nos diplômes dans leurs mains abîmées par la nature de leur travail, on sait que sans eux on n’y serait pas arrivé.
Ils auront tenu à sacrifier leur santé et leur temps pour la deuxième génération. Ils nous auront offert le confort d’un pavillon dans le banlieue. Les structures d’état n’étant pas efficients, ils auront recourt encore une fois à la communauté pour l’achat d’un bien. Les Pakistanais, étant plus pratiquants que les autres dans leur religion ont du mal avec le principe de crédit qui inclut l’usure qui est interdit en Islam. Déplorant l’absence d’une banque qui respecte ce principe ils vont limiter au maximum le recours au crédit. Cette logique est corroborée par le rapport de Christine Moliner, intitulé « Invisible et modèle ? Première approche de l’immigration sud-asiatique en France ». J’attire l’attention sur le mot « invisible ». La première génération se fera toute petite et fera toutes sortes de boulots ingrats. Ils ne seront pas en mesure d’imposer ou demander quoi que ce soit au gouvernement et le gouvernement s’acharnera sur leurs mœurs en interdisant le voile à l’école pour leurs enfants (2004). A l’inverse en Allemagne par exemple, les ingénieurs pakistanais sont nombreux, et demander à leurs entreprises un endroit pour prier ne relève pas de tout de l’impossible. La conclusion à garder est que plus vous serez compétents, plus vos demandes seront prises en compte. Cependant, maintenant, la seconde génération ne devrait pas être timide de leur héritage culturel. Nos parents ont payé une vie de main d’œuvre bon marché !

8.      Conclusion

Ce sujet est bien trop complexe pour pouvoir le décortiquer sur un temps aussi court mais nous permet néanmoins d’éviter d’entrer dans le « blame-game ». Ce jeu qui consiste à accuser la première génération d’avoir fait des choix qui pèsent sur la seconde génération. A présent nous avons un peu plus de contexte pour connaître la première génération et on peut aborder avec un peu plus de sérénité l’identité de la seconde génération. Pour aller plus loin, vous pouvez lire les romans de Khalid Hosseini tel que Les Cerfs Volant de Kaboul, et Si la lune éclaire nos pas de Nadia Hashimi. Ces deux livres racontent des périples d’immigration à travers des continents.

 

Special thanks to Charlotte Attal to let me use her image as the header of this article. Cela fait parti d’un projet « Identités dérascisées » réalisé par Charlotte Attal (designeuse graphique) et Emelyne Chemir (designeuse textile). Pour en savoir plus : charlotte_attal

[1] https://webdoc.france24.com/heberges-migrants-refugies-sham-paris-habitant-accueil-singa-samu-social-france/
[2] https://www.infomigrants.net/fr/post/13131/shahid-ali-migrant-pakistanais-l-europe-n-est-pas-comme vous-l-imaginez
[3] https://www.lemonde.fr/societe/article/2002/12/06/les-dates-cles-de-l-immigration-en-france_301216_3224.html

Warq#002 – Les raisons d’une immigration des pakistanais en France et le prix à payer

Special thanks to Charlotte Attal to let me use her image as the header of this article. Cela fait parti d’un projet « Identités dérascisées » réalisé par Charlotte Attal (designeuse graphique) et Emelyne Chemir (designeuse textile). Pour en savoir plus : charlotte_attal

A.    Sur les traces de mon Identité

    II.            Podcast : Les raisons d’une immigration des pakistanais en France et le prix à payer

 

1.      Intro

Salaam Aleekum ! Bismillahi rahmani raheem. Bienvenue au podcast Oraq. Le but est de partager avec vous les pensées sur une vie de diaspora pakistanaise en France. On parlera de religion, d’études, de travail, d’identité, d’Histoire avec un grand H et bien d’autres choses.
Je m’appelle Warq et suis vôtre hôte pour ce podcast. J’ai 28 ans, j’habite dans la région parisienne et je suis issue d’une immigration, arrivée en France à l’adolescence.
Le site L’Internaute[1] définie l’identité simplement comme les « Données qui déterminent chaque personne et qui permettent de la différencier des autres. ». Aussi simple que cela paraisse au premier abord, cette notion n’en est pas moins complexe. Quelles sont les données qui nous définissent ? Et quelles sont les données qui nous différencient des autres ? Le nom, le prénom et l’âge sont le premier ensemble d’informations que l’on décline pour s’identifier. Mais au-delà de ces étiquettes, ces repères temporels, qui sommes-nous ? Chacun d’entre nous essaie d’arriver à sa vraie identité, comme dans Eragon nous cherchons notre vrai nom, de trouver nos points communs avec les autres mais aussi nos particularités.
Dans ce podcast on va explorer l’identité des immigrants pakistanais en France. Pour savoir qui sommes-nous, on doit savoir d’où l’on vient et pourquoi ?

2.      Les causes de l’immigration

        i.            Instabilité politique

Concernant les causes, et d’après ce que j’ai compris, étant donné que le fondateur du Pakistan Quaid-e-Azam Muhammad Ali Jinnah décède à peine un an après l’indépendance, le pays a toujours fait l’objet d’instabilité politique. Je croyais que la corruption était quelque chose de nouveau, une dégradation des mœurs survenue 57 ans après l’indépendance. Mais la lecture d’introduction d’un des livres de Manto intitulé Thanda Gosht, dans lequel il relate son procès contre la censure, apparemment pour faire avancer le dossier, il fallait le doter de « roues » et autant de roues possibles que la nature d’urgence de dossier. Il écrit :

Apko nakal lainy ho to darkhast kay sath « paheeay » laganay paray gay. Koi masal muaaïnay kay liay nikalwani ho to bhi « paheeay » laganay paray gay. Kissi afsar say milna ho to bhi « paheeay » laganay paray gay. Agar kam fori karana ho to paheeon ki tadaad barh jay gi. Ghor say dekhnay ki zarourat nahin. Agar ap ki ankhain dekh sakhti hain to ap ko zila kacheri main har arzi paheeon par chalti nazar ay gi.
Si vous voulez une copie, alors il faudra doter vos demandes de « roues ». Si vous devez faire sortir un document pour l’analyser, là aussi, il faudra mettre des roues. Si vous voulez rencontrer un fonctionnaire, les roues seront utiles. Si vous êtes pressés alors la quantité de roues va augmenter. Une attention accrue n’est pas nécessaire. Si vos yeux peuvent voir, alors toutes les demandes dans la cour de justice départementale vont vous apparaître rouler sur des roues.

Je conclus donc que cette pratique prend racine dans l’Inde ancienne et que l’érection d’une nouvelle frontière au sein de ce territoire n’a pas aboli les mauvaises habitudes. Si on lit également, Shikwa et Jawab-e-Shikwa des célèbres poèmes d’Allama Iqbal, Shair-e-Mashriq, le plus grand poète de l’Est pour le peuple sud asiatique, le déclin des musulmans est déjà notable.

 

Jin ko aata nahin dunya main koi fan, tum ho                Nahin jis qom ko parway nashayman, tum ho

Bijliyan jis may hon asouda, wo khurman tum ho          Baych khatay hain jo aslaaf kay madfan, tum ho

Honiko naam jo qabron ki tijarat kar kay                       Kia na baycho gay jo mil jayin sanam pathar kay

Dans cette strophe, il dit notamment que vous ne maîtrisez aucun savoir, que vous ne protégez pas vos territoires, vous prenez des coups et vendez les tombes  de vos ancêtres ce qui a entaché votre réputation et si vous pouviez vendre les idoles, vous le ferez certainement !
Du portier public jusqu’au Président, c’est difficile de trouver des individus non-corrompus. Le plus faible sera toujours abusé. Les cercles fermés de personnes avec le pouvoir ou des familles avec des liens avec l’armée ou la mafia se verront faire leurs demandes administratives sans les « roues » et même avec des « ailes ». C’est sans doute pour échapper à cette corruption et au manque d’opportunités que les jeunes choisissent le chemin de l’immigration. Alors pourquoi la France ?

      ii.            Choix par défaut à cause des restrictions pour aller en Angleterre

D’après un article de Mariam Abou Zahab, chercheur à l’institut d’Etudes Politiques de Paris, dans un article paru dans « Hommes et Migration » [2] : les pakistanais s’installent en France après les restrictions de 1962 sur l’entrée libre en Angleterre en tant que citoyen de pays de Commonwealth. Le choc pétrolier de 1973 a accéléré l’émigration vers les pays du Golfe. Le gouvernement de Zulfaqar Ali Bhutto ayant simplifié la délivrance des passeports, ceux qui ne sont pas partis au pays du Golfe sont partis en Amérique du Nord et les esprits aventureux ont atterris en Europe. Les pakistanais (généralement des hommes seuls) trouvent du travail en France mais sans papiers. Alors ils se rallient avec les Mauriciens et des Tunisiens pour faire une grève de la faim en 1974 pour la régularisation de leur situation. Certains obtiendront un asile politique à ce moment-là et d’autres une régularisation en 1981. Les femmes et les enfants rejoindront ces hommes venus seuls suivant un processus de regroupement familial. L’émigration vers la France continuera par la suite à cause de la situation économique instable et l’arabisation des emplois dans les pays du Golfe.

   iii.            L’émigration comme mode de vie

Selon le Ministère des Pakistanais d’outre-mer et développement des Ressources Humaines (Ministry of Overseas Pakistanis and Human Resource Development)[3]  environ 8.8 million de Pakistanais vivent à l’étranger. Dont 120 000 en France d’après l’estimation de décembre 2017. Il s’agit de l’une des plus importantes communautés expatriées au monde, soit la sixième selon le département des Affaires Economiques et Sociales de l’ONU.[4] Ils sont une source importante de revenue : en 2017 ils auraient envoyé à leurs familles un montant de 19 milliards de dollars américains selon les données de la Banque d’Etat du Pakistan.
Indirectement ou directement, chaque garçon rêve de sortir du pays pour subvenir aux besoins de sa famille. Attirée par les images d’Hollywood, cette jeunesse se sacrifie sans savoir ce qui les attend. Certains avec des passeports, d’autres en clandestinité : par bateaux qui dérivent dans la mer pendant des jours, voire des semaines. Tandis que ces expatriés vont trimer des heures incalculables, les familles au pays vont changer leur mode de vie qui va aller de zero à parfois une vie de luxe. Ces individus dotés de bonnes intentions, se sacrifieront volontairement, négligeant leur santé, leurs envies et désirs. Les familles retarderont leur mariage autant que possible pour ne pas partager les revenus et souvent choisiront une épouse qui ne leur correspond pas. Ces individus auront une vie de couple quasi inexistante, générant la frustration et le malheur des deux côtés. Le roman Mano-Salwa d’Umera Ahmed le décrit assez bien :

P.82, Roman Mano-Salwa d’Umera Ahmed

Char saalon may Karam Ali kay ghar walon ki zindagi may boht saari tabdeelian aa gay thi. Jahandad kay khandan par ab kissi ka koi qabza nahin tha. Zinat logon kay ghar safai ka kam chor chuki thi or Asif doubara janay laga tha. Jahandad kay ghar may ab muhalay ki dukan say naqad rashn aata tha or bila zarourat or zarourat say ziada jahandad ka khasta hal ghar ab char kamray kay do manzila pakay makan ki shakal ikhtiyar kar chuka tha. Jis kay mathay par Mashallah jaqmaga raha tha. Jahan dad ab ghar main beth kar apnay saaray ghar walon kay sath V C R filmay dekhta tha. Zinat ki bari beti Amina ki mangni bhi ho gay thi. 
Or in tamam asayishon or saholiyaat kay liyay Karam Ali ko haftay main sath din athara ghantay rozana kam karna para tha. Is kay jism kay mukhtalif hison par chotay motay hadisat kay natijay main patchpan zakham kay nishanaat ka izafa hua tha.

Quatre ans plus tard, la vie avait changée pour la famille de Karam Ali. Personne ne mettait de pression sur la famille de Jahan Dad [son père]. Zinat [sa mère] avait arrêté de faire le ménage chez les gens et Asif [son frère] avait recommencé d’aller à l’école. Chez lui, on faisait maintenant les courses en espèces, sans être dans le besoin et beaucoup plus qu’il n’en fallait. Leur maison en piteux état s’était transformée en une maison en béton de quatre chambres sur deux étages. Sur le fronton on avait même mis une plaque « Mashallah ». Désormais, Jahan Dad regardait des films sur les cassettes VHS avec toute sa famille à la maison. L’aînée de Zinat, Amina s’était aussi fiancée.
Et pour tous ce confort et luxe, Karam Ali avait travaillé 18 heures par jour et ce 7 jours sur 7. Sur son corps, des accidents mineurs avaient donné naissance à 55 nouvelles cicatrices.

3.      Le prix à payer

Quand on discute de l’amélioration de qualité de vie suite à l’immigration, on oublie d’en préciser le prix. D’un côté on se débarrasse des « roues » indispensables de corruption, de l’autre côté on gagne le contrôle au faciès. On a l’eau chaude à la maison mais on doit faire face à un déclassement social de soi versus l’évolution sociale dans le pays d’origine. Les classes moyennes acceptent les métiers manuels. Certes, leurs enfants vont pouvoir accéder à l’éducation gratuite mais eux ne resteront que des immigrés avec le français imparfait. Imparfaits devant leurs enfants, conscients de leurs difficultés, opportunistes pour la société. Bien sûr, personne ne les a forcées à quitter leur pays, quoique certains ont pris la route pour échapper à des conditions de vie atroces. Donc s’il y a des gains matériels, le tribut du stress psychologique à payer est énorme.
Selon l’article de François Duparc publié dans « Dialogue » en 2009 intitulé Traumatismes et Migrations Première partie : Temporalités des traumatismes et métapsychologie[5] , il y a 3 types de migrations :

  1. Pour fuir une menace mortelle (zone de guerre, génocide, emprisonnement ciblé)
  2. Séduction par une publicité mensongère d’une vie meilleure (« American Dream »)
  3. Migration réfléchie et préparée anticipant les difficultés de langue et d’intégration.

Les statistiques sur les motifs de migration en France[6] montrent que les premiers motifs d’immigration sont les raisons familiales et les études. Ces motifs tombent sous le couvert du troisième type de migration causant le moindre trauma mais ne sont pas sans conséquence.

Dans un premier temps, le migrant manifeste une sorte de déni légèrement maniaque ou hyperactif, accompagné d’une hyper-adaptation à la culture du pays d’accueil. Mais cette adaptation se fait sur un mode quasi opératoire, en faux-self[7] (Eiguer, 1998). » Pour éviter le rejet, les immigrés ont même tendance à renier des parties de soi.

L ’ « intégration » française qui, au fil des années est devenue « assimilation », est plus poussif qu’aux Etats Unis et en Angleterre. Christophe Bertossi dans son étude Les modèles d’intégration en France et Grande Bretagne pense que « Les politiques britanniques ont dégagé une approche fondée sur l’importance des groupes minoritaires et mis l’accent sur l’intégration, non pas comme un processus d’acculturation nationale et civique mais comme un projet d’égal accès aux droits dans une société britannique reconnaissant le multiculturalisme comme une réalité sociologique et politique »[8]. Dans la Revue Européenne des Migrations Internationales, Kastoryano Riva écrit : « Contrairement aux pays européens, les États-Unis, pays d’immigration constitué depuis deux siècles par des flux migratoires divers, entretiennent une relation, différente avec les populations immigrées. Un pays constitué par l’immigration donne par définition, à tout individu (même au nouveau venu) une légitimité de droit et de fait. »[9] Tandis que le modèle français, Christophe Bertossi continue « refuse toute forme de différenciation ethno-raciale dans l’espace public ». D’après un dossier apparu dans « Hommes et Migration : « Pour un nombre considérable de Pakistanais, selon une vision idéale de l’intégration, la France devrait être plus tolérante et accepter la différence, et s’acculturer ne devrait pas être le prix à payer pour vivre « normalement ». »[10] Une image de BDouin me vient à l’esprit où on demande à l’immigré de s’adapter en habits, en religion et en fin de compte d’être invisible dans la société.

Toujours selon l’étude de François Duparc citée plus haut : « Certains jugent que la synthèse complète des deux cultures dans la personnalité du migrant, même si elle peut se faire après une période de deuil suffisante, reste largement une utopie, dans la plupart des cas [selon les psychologues Eiger et Vega], (Eiger, 1998 ; Vega, 2001) ». Même si on pourrait penser que les conséquences ne sont vécues que par la personne qui fait le déplacement lors d’immigration, c’est en tout cas la logique de nos parents, mais en fait la seconde, la troisième et même les générations d’après hériteraient de ces traumatismes. Parce que d’après ce que j’ai compris, on récrit l’histoire sur ce qui aurait pu être si la migration n’avait pas eu lieu. Cette étude mentionne également un courant contraire où le psychiatre W. Vega (2001) suggère que la santé psychologique des immigrés est meilleure que celles des américains. L’effet ressenti par la deuxième génération au niveau de troubles psychologiques est supérieurs aux américains natifs parcontre.
Si on réfléchit maintenant par rapport à la diaspora pakistanaise, au final pas si loin dans notre généalogie, nos grands-parents ont déjà vécu le traumatisme de l’immigration. Cette fois-ci du premier type, où l’on craignait pour sa vie et que tout le passé avait disparu, sans aucune possibilité de retour. On peut trouver ce récit dans le célèbre nouvelle de Manto intitulé Toba Tek Singh. Le sujet de l’histoire est l’échange des malades mentaux entre l’Inde et le Pakistan après l’indépendance. Les malades ont du mal à savoir où ils sont, comment une terre sans avoir bougé peut changer de nom, et quel bout de terre appartient à qui car les politiques qui prennent ces décisions sont tout aussi perdus.
Manto, toujours dans l’introduction de son recueil de nouvelles Thanda Gosht se trouve également perdu.

Bambai chor kar karachi say hota hua ghaliban sat ya aath january unees so artalees ko yahan lahore pohncha. Teen mahinay meray dimagh ki ajeeb o ghareeb halat rahi. Samajh nahin aata tha, main kahan hun. Bumbai may hun, Karachi may hun, Karachi may apnay dost Hasan Abas kay ghar betha hun ya Lahore may jahan kay restorano main quaide-e-Azam fund, jamaa karnay kay liyay silsilay main raqs o suroor ki mehfilain aksar jamti thin.
Teen mahinay tak mera dimagh koi faisla na kar saka. Aysa maaloom hota tha kay parday par aik sath kai film chal rahay hain. Apsa main gud mud…Kabhi bumbai kay bazar or galian, kabhi karachi ki choti choti taiz raftaar tramain or gadha gariyaan or kabhi Lahore kay purshor restoran…samajh may nahin aata may kahan hun… Sara sara din kursi par betha khialaat may khoya rehta. 

Parti de Bombay en passant par Karachi, je suis arrivé ici à Lahore environ le 7 ou 8 Janvier 1948. Pendant trois mois, ma tête était dans un état étrange. Je ne comprenais pas, où j’étais. A Bombay, à Karachi chez mon ami Hasan Abas ou dans les restaurants de Lahore où des programmes musicaux et dansants étaient souvent organisées pour lever les fonds pour Quaid-e-Azam Fund.

Durant trois mois, mon cerveau n’arrivait pas à se décider. On avait l’impression que plusieurs films étaient projetés de façon simultanée sur un drap . Qu’ils se confondaient entre eux… De temps en temps on apercevait les bazars et ruelles de Bombay, de temps à autre on voyait les très rapides petits trams et les charrettes d’âne de Karachi et puis quelques fois les bruyants restaurants de Lahore apparaissaient… Je n’arrivais pas à savoir où j’étais… Je passais mes journées entières assis sur une chaise perdu dans mes pensées.
Manto tombe dans une sorte de torpeur et a du mal à savoir comment la séparation va s’opérer dans la littérature Ourdou vu qu’il est écrivain du métier. Comment ce qui a été écrit d’un côté et de l’autre de la frontière sera différencié. J’ai trouvé du réconfort dans ses propos. Il avait comme mis des mots sur ma propre confusion.

Lekin jab likhnay betha to dimagh ko mutashir paya. Koshish kay bawajoud Hindousatn ko Pakistan say, or Pakistan ko Hindustan say alehda na kar saka. bar bar dimagh may yay uljhan peda karnay wala sawal gunjta, kia pakistan ka adab alehda ho ga. agar hoga to kaissay ho ga ? wo sab kuch jo salim hindustan main likha gaya tha, is ka malik kon hai, kia is ko bhi taqseem kia jay ga ? kia hindustanion or pakistanion kay buniadi masaïl aik jaissay nahin ? Kia idhar urdu bilkul na paid ho jay gi ? yahan pakistan may urdu kia shakal ikhtiyar karay gi ? kia humari istate mazhabi istate hai ? 

Mais quand j’ai voulu écrire, j’ai trouvé ma pensées dispersées. Malgré l’effort, je ne pus différencier l’Inde du Pakistan et Pakistan de l’Inde. Une question qui semait la confusion résonnait dans ma tête : Est-ce que la littérature du Pakistan sera différente ? Si oui, comment sera-t-elle ? Tout ce qui avait été écrit dans l’Inde entière, qui en sera le propriétaire ? Est-ce que cela sera également partagé ?? Est-ce que les problèmes fondamentaux des indiens et des pakistanais ne sont pas semblables ? Est-ce qu’ici, l’Ourdou sera prospère ? Ici, au Pakistan, quelle facette l’Ourdou va prendre ? 

De la même façon que cet écrivain, un grand nombre des grands-parents pakistanais ont vécu l’immigration. La deuxième génération accumule donc le traumatisme de l’immigration de leurs parents et la leur. Et nous, la 3ème  génération, on se retrouve avec l’héritage de ces deux immigrations.
Nous avons le confort, quoique, tout est relatif. Le déclassement social nous oblige à vivre dans des banlieues. Les banlieues les moins chères sont des cadres moins idéaux pour vivre son rêve américain. Je vais vous lire un extrait d’étude Yaël Brinbaum, intitulé Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat . « Les conditions de scolarisation sont notamment en lien avec la ségrégation urbaine. « Toutes choses égales par ailleurs », la scolarisation en éducation prioritaire, loin de corriger les inégalités sociales, diminue le niveau scolaire. Elle augmente également les orientations dans les filières professionnelles [confirmant Alexia Stéfanou, 2017], la sortie sans diplôme et réduit les chances d’obtenir un baccalauréat. Les politiques successives d’éducation prioritaire, mises en place pour limiter voire pour corriger les injustices liées à ces phénomènes, n’ont pas les effets escomptés, voire augmentent les inégalités sociales. Les moins bonnes conditions d’enseignement, l’envoi d’enseignants moins expérimentés et le niveau plus faible ne permettent pas d’améliorer les résultats, sans compter les effets de la stigmatisation de ces établissements. Une politique effective d’éducation dès les premières années demeure plus que jamais une priorité, avec des moyens, mieux ciblés et un accompagnement scolaire des enfants très tôt en échec, et plus de mixité sociale. »[11] Ainsi, les enfants pour lesquels les parents ont fait des sacrifices sont aussi victimes d’une discrimination. Les enfants grandissent donc tiraillées entre deux identités car la politique française voudrait qu’on efface toute appartenance au pays d’origine, à la culture. Pour que de cette façon quand vous vous présentez comme «  Je suis française, je vis en Franche-Comté », l’interlocuteur écarquille les yeux avec une question tacite mais pourtant formulée à haute voix : « Mais en vrai, tu viens d’où ? ». C’est humain d’être curieux mais c’est hypocrite de donner des cours d’assimilation et d’humilier les gens par derrière pour les réduire qu’à des êtres exotiques.
De mon point de vue, cette singularité d’immigration qui dans la courbe de la vie intervient de façon ponctuelle mais, dans cette durée très courte nous fait prendre des valeurs qui vont de « – infini » à « + infini »  . La courbe de vie continue comme avant mais pourtant les êtres portent à jamais la trace de cet évènement. On a des problèmes d’identité qui empêchent une construction optimiste. On a une barrière de langue qui nous empêche de se lancer dans des projets politiques. On a des liens religieux plus forts que dans le pays d’accueil ne cautionne et voudrait qu’on les oblitère. On a une envie énorme de s’adapter, d’appartenir et pour cela il faut qu’on meure avant que la mort réelle ne survienne. [Note de l’éditeur : ce qui revient à une mort symbolique. Dans une vie on peut mourir symboliquement plusieurs fois pour renaitre à la beauté de son chemin de vie]

4.      Conclusion

Pour conclure cette épisode, on peut dire que le déracinement des Hommes continue à cause d’autres hommes au pouvoir. Ce n’est une partie de plaisir ni pour celui qui découvre les difficultés sur le terrain ni pour celui qui se croit être préparé. Génération après génération, les hommes portent un poids d’héritage qui peut être source de joie ou de tristesse. Un déchirement non seulement physique, mais aussi psychologique s’opère au niveau des personnes qui choisissent l’immigration. Avoir un pied dans chaque bateau, c’est n‘avoir les deux dans aucun. La remise en cause d’intégrité des immigrants par les pays d’accueil, le bousculement de leurs mœurs, jusqu’à les rendre une ombre d’eux même rend le travail de reconstruction et construction du soi difficile. Nous essaierons inshallah dans le prochain podcast d’explorer l’identité de la première génération des immigrants pakistanais en France. D’ici là, j’espère que ce remue ménage apportera quelques réponses à chacun sur sa quête d’identité.
Merci d’avoir écouté le podcast. J’espère inshallah que nous nous retrouverons très vite autour de d’autres sujets intéressants. Portez-vous bien. Salam aleekum.
[1] https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/identite/
[2]  Abou Zahab. Migrants pakistanais en France. In: Hommes et Migrations, n°1268-1269, Juillet-octobre 2007. Diasporas indiennes dans la ville. pp. 96-103;
[3] « Statement showing number of Overseas Pakistanis living, working and studying in different regions/countries of the world, as on 31st December, 2017 – Region-Wise distribution » (PDF). Ministry of Overseas Pakistanis and Human Resource Development. 31 December 2018. Retrieved 29 August 2019.
[4] Service, Tribune News. « India has largest diaspora population in world: UN ». The Tribune. Retrieved 3 March 2016.
[5] Traumatismes et migrations Première partie : Temporalités des traumatismes et métapsychologie François Duparc Dans Dialogue 2009/3 (n° 185), pages 15 à 28 https://www.cairn.info/revue-dialogue-2009-3-page-15.htm
[6]  DEPARTEMENT DES STATISTIQUES, DES ETUDES ET DE LA DOCUMENTATION Numéro 96 – mai 2020
[7] https://fr.wikipedia.org/wiki/Vrai_self_et_faux_self
[8] Les Modèles d’intégration en France et en Grande-Bretagne Philosophies, politiques et institutions publiques de Christophe Bertossi, Chargé de recherche à L’Ifri(Paris).
[9] Kastoryano Riva. L’État et les immigrés : France, Allemagne, Grande-Bretagne et États-Unis. In: Revue européenne des migrations internationales, vol. 5, n°1,1989. Les politiques d’immigration en Europe et aux États-Unis. pp. 9-20;
[10] Hanif Roomi. Que disent les jeunes Pakistanais de l’intégration ?. In: Hommes et Migrations, n°1268-1269, Juillet-octobre 2007. Diasporas indiennes dans la ville. pp. 104-109;
[11] Yaël Brinbaum. Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat. Education et Formations, Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Direction de l’évaluation et de la prospective, 2019, La réussite des élèves : contextes familiaux, sociaux et territoriaux, pp. 73-104. ‌halshs-02426359‌