J’ai toujours hésité quant à déterminer quel personnage m’a le plus inspirée, quel personnage, l’auteur a su faire vivre dans nos imaginaires de la meilleure façon. Pari Zad dans le roman Man-o-Salwa ou Kashaf dans Zindagi Gulzar Hai? Parizad est une fille très attachée à la religion, qui fait le Tahajjud (la prière surrégoratoire) du milieu de la nuit. Kashaf quant à elle, est une fille qui vit dans la misère et doute que Dieu fait attention à elle. Parizad s’éloigne du Dieu avec ses circonstances et Kashaf renoue avec le Dieu.
Lorsque, des rares fois, on parle, c’est pour lui dire que sa religion est faite de contraintes. Que sa culture n’est que contrainte. Dans ces débats, elle occupe la place du criminel dans la tribune de justice. Devant elle, nous éduqués avec des diplômes français, on lève la voix. Sa voix pèse tellement peu ! Nous, ses enfants tordues de paradoxes, on s’improvise justiciers pour décortiquer ses paradoxes à elle !
Souvent, dépitée, quand elle nous voit nous éloigner de notre religion, de l’Islam, la religion de la paix et du respect, elle pense souvent à mon oncle resté au pays. Quand elle nous voit véhément défendre la politesse par l’impolitesse, l’éducation par l’ignorance, les droits des femmes en la sommant au silence, elle se doute de son choix.
À son époque, lorsque les enfants commençaient à lire et écrire, c’était pour s’en servir pas pour mettre en vitrine, pas pour s’en vanter. Lorsque qu’on était éduqué, ça se voyait, dans sa manière de faire des comptes, dans sa façon de s’exprimer, etc. Actuellement, dans mon monde, la compétition est à celui qui s’exprime le plus vulgairement possible malgré un langage sophistiqué à disposition. Cela fait plus classe. C’est à demander pardon à tous mes profs de Français…
Mon oncle a appris à lire le Coran à ses filles. Il les a envoyé à l’école primaire. Depuis elles sont restées à la maison à prendre soin de la maison, à faire des tâches diverses et variées prenant la relève de leur maman. Ses garçons sont allés jusqu’au collège. Mais n’ayant pas grand interêt dans les études, ils aident leur père dans les champs. Lorsque les filles ont maîtrisé comment tenir la maison, ils les ont mariées. Elles n’avaient pas de protestations à faire, elles ne voyaient personne en dehors de la famille. Mon oncle et ma tante vivent leur vie heureuse. Lorsque plus tard, mon oncle et ma tante mourront, leurs filles prieront pour eux. Elles feront les 5 prières. Elles auront religieusement réussi leur vie. Les parents iront au Paradis, car ils auront élevé leurs filles correctement, les filles iront au paradis, car elles sont restées sur le droit chemin ( pas de tentation, pas de péché). Et moi…
Ma mère voulait qu’on soit éduquées. Du village, elle a emmené ses enfants dans une grande ville. Puis dans une encore plus grande ville, et plus tard encore dans une encore plus grande ville. Elle a sacrifié sa génération, son éducation, son ego, pour ses enfants. Pour leur acheter de l’éducation, pour leur apprendre des manières. Elle ne pensait pas qu’il y aurait toujours le temps pour les devoirs, pour les soirées, pour les voyages, pour skyper tard la nuit, mais jamais pour faire ses ablutions et faire la prière de Fajr pour bien commencer sa journée.
Dès fois, ma mère regrette de ne pas avoir fait pareil que mon oncle.
Dès fois quand je n’arrive pas à dormir, j’ai honte de moi. De tout ce que l ‘éducation m’a donné et au nom duquel je commet les crimes de l’impolitesse extrême. Je voudrais tant la rassurer. Mais c’est contre mon éducation…
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Photo de couverture par @dar_alena
Article publié pour la première fois le 28 novembre 2015 à 00h25.