24 décembre 2020 / admin / 0 Comments
B. La culture pakistanaise
II. Podcast : Sitaron say aagay jahan aur bhi hain
Bismillahi rahmani raheem. Asalaam Aleekum !
Oraq est un projet de voyage. Ensemble, nous allons écrire des pages sur les moments de ce voyage, des pages qui feront partie des chapitres et ces chapitres constitueront un livre. Un livre qui sera écrit sur les vies de diaspora pakistanaise en France. Le but est de réunir des histoires, des expériences, des moments joyeux mais aussi des moments plus durs, des anciens mais aussi des plus jeunes sur leur vie franco-pakistanaise.
1. Introduction
Au delà des étoiles d’autres mondes t’attendent, De dévotion, d’autres épreuves t’attendent
Aujourd’hui, nous allons lire et expliquer un des poèmes les plus célèbres d’Allama Iqbal. Avant de commencer, j’aimerais juste ajouter quelques mots sur le poète. J’ai emprunté cette introduction de travail de @zirrar stories sur instgram. Il se consacre au projet d’offrir une traduction des œuvres d’Allama Iqbal en anglais qui sont plus fidèle au sens et gardent la beauté des rimes. Vous pouvez suivre et/ou soutenir son Iqbal Project.
Muhammad Iqbal est né le 9 nov. 1877 à Sialkot en Inde et il grandit sous le joug de colonialisme britannique. Il fait ses études d’abord en Inde puis à Cambridge et enfin en Allemagne. De retour dans son pays, il met à jour une société occidentale, prétendument « moderne » qui leurre les jeunes musulmans, mais qui en vérité est profondément superficielle et corrompue jusqu’à la moelle. C’est ironique que la couronne britannique lui discerne le titre du chevalier pour son chef d’œuvre Israr-e-Khudi, écrit en persan sans même en saisir le sens. Ce livre, en effet, pousse les musulmans à agir contre l’oppression.
Iqbal porte élégamment plusieurs chapeaux : c’est Le plus important intellectuel du monde musulman du 20ème siècle. Avec des diplômes de droit, il est philosophe, un poète et un éminent érudit. D’ailleurs, il est très influencé par l’islam dans la région de Hijaz, des Arabes, par les histoires des prophètes, par le Quran, par les anges d’Allah (swt) et par le brillant poète perse Mawlana Jalaluddin Rumi.
Il a rendu l’hommage à l’ourdou et le persan comme nul autre. Par opposition des jeunes qui ont tendance à se tourner vers les langues occidentales comme gage de modernité. Iqbal démontre et expose les bijoux de ces langues qui sont aujourd’hui que l’ombre d’elles même parasitées par l’anglais.
Aujourd’hui beaucoup de gens lisent et écoutent Iqbal avec beaucoup de révérence, mais au vu de langage soutenu employé et la complexité de message convoyé, les gens ont du mal à contempler ses vraies pensées, plus particulièrement ceux qui ont migré vers des terres où l’ourdou n’est pas parlée.
S’inscrivant dans l’effort de rendre sa poésie plus accessible, je me permets d’essayer d’expliquer un de ces poèmes aux franco-pakistanais, mais aussi à un public beaucoup plus large des francophones.
Nous allons donc sans plus tarder lire le poème en Ourdou.
Je vais maintenant expliquer le poème strophe par strophe. Chaque strophe étant composé de deux vers. Nous allons lire la strophe, sa traduction en français, nous allons expliquer les mots difficiles et ensuite aborder le sens apparent et sens spirituel.
2. Premier shair
Au delà des étoiles d’autres mondes t’attendent,
De dévotion, d’autres épreuves t’attendent
Mots difficiles :
Dans les mots difficiles je vois que le mot Ishq : En ourdou on a trois mots pour désigner l’amour. Piyar, mohabat et enfin Ishq. Ishq étant le stade ultime de l’amour, on pourrait dire que c’est un amour passionnel. Iqbal a utilisé ce mot désigner diverses choses dans sa poésie tel que le Quran, L’ange Gabriel , Le prophète Muhammad (saw), etc. Ici, Iqbal utilise ce mot pour désigner la volonté de réussir, la persévérance, le désir de connaissance, etc[1]
- Le sens premier de cette strophe est que: Si les missions d’exploration t’ont amené aux portes des étoiles, ne baisse pas les bras, tu peux aller encore plus loin. Iqbal incite les gens à viser l’excellence car une personne qui arrive à toucher les étoiles a d’une certaine façon déjà réussi sa vie en tant qu’astronome ou astronaute. Il dit que : dans cette quête spatiale, ta connaissance être mise à rude épreuve. Il faudra peut être se remettre à étudier et passer d’autres cap. On peut aussi interpréter le deuxième vers comme étant adressé aux scientifiques devenus agnostiques ou athées se basant sur leur parcours scientifique. Iqbal dit que renier Dieu c’est une première étape de réflexion et non l’aboutissement.
- Le sens spirituel de cette strophe est que: Lorsque le monde de la physique s’arrête au étoiles et au troues noirs (c’est l’état actuel des choses), la spiritualité nous ouvre d’autres portes au delà des étoiles et consistent en plusieurs d’étapes. On sait qu’Allah a crée 7 cieux et autant de terres selon le verset 12 de sourate 65[2] et les étoiles sont encore la limite du premier ciel. Les 6 autres cieux se déroulent au-delà dans un continuum selon le verset 3 de la surate 67.[3]
3. On passe au 2eme shair
Ces vents ne sont pas stériles de vie
Des centaines de caravanes ici s’étendent
Dans les mots difficiles je vois que le mot Tahi : qui veut dire vide
- Le sens premier de cette strophe est que: L’homme a d’abord cru que seul l’espèce humaine était dotée de vie. Puis petit à petit il a découvert que les animaux, les végétaux étaient aussi vivants. Peut être qu’un jour, qui sait, on découvrira que les minéraux sont eux aussi dotés de la vie.[4] L’air que nous respirons n’est pas stérile non plus. Ce virus qui est entrain d’embêter le monde est aussi une forme de vie. Ainsi de multiples formes de vie sont également entrain de parcourir ce chemin. Cette strophe peut être interprétée comme une forme d’encouragement : il y a la vie partout et du mouvement partout. Ce mouvement définit la vie et toi aussi, mon lecteur rejoint une de ces caravanes et fait quelque chose de ta vie, sinon progresses dans ce que tu fais déjà. Mais le lecteur peut aussi y voir une forme d’injonction : Fait en sorte que tu fasses partie de ces gens qui prennent part au progrès scientifique, technologique, philosophique ou quelque soit le domaine.
- Le sens spirituel de cette strophe est que: Dans l’exploration de l’espace aujourd’hui nous n’avons pas trouvé de trace vie ailleurs que sur la planète terre mais nous apprenons à la lecture de Quran l’existence de l’enfer[5], du paradis[6] et alam-barzagh[7] un monde où les âmes vont attendre après la mort jusqu’au jour de résurrection. Nous savons aussi que lorsque que nous dormons nos esprits rejoignent Allah[8] Le lecteur est encouragé à percer le secret de ces processions invisibles entre les cieux dans le but de les voir et à terme les rejoindre.
4. 3ème shair
Ne te limite pas au monde de couleurs et senteurs
D’autres jardins, d’autres foyers t’attendent
Dans les mots difficiles je vois le mot Qana’at : qui signifie se contenter et le mot Rang-o- bu : qui signifie couleurs et senteurs
- Le sens premier de cette strophe est que: Ne te contente pas ce que tu vois et tu sens c’est-à-dire au spectre visible de la lumière et les limites de sens olfactive. On sait que le spectre lumineux comporte aussi les ultraviolets et les infra rouge. Le monoxyde de carbone n’a pas de signature olfactive. Au-delà de ces deux sens cités on peut l’étendre à tout les sens, et donc à tout ce qu’on connait. Iqbal demande qu’on ait l’esprit assez aventureux pour sortir de nos zones de conforts. Pour aller coloniser Mars par exemple mais aussi qu’on sorte d’un cercle social pour entrer dans un autre. Qu’on ait le courage d’aller s’installer dans une autre région, pays ou continent. Qu’on évolue de classe sociale en classe sociale. Qu’on passe de statut d’illettré à éduqué. En faisant honneur à la vie qui est synonyme de mouvement.C’est aussi un message d’encouragement : si tu n’arrive pas dans un domaine, essaie un autre. Jusqu’à ce que t’y arrives. Que tu trouves ton truc. Où ton Ishq pourra être testé.
- Le sens spirituel de cette strophe est que: Ne te contente pas de ce que tu vois et sens ou ce que tu expérimentes avec tes cinq sens. Essaie d’ouvrir une fenêtre vers ton âme et fais des efforts pour le paradis qui t’a été promis.
5. 4ème shair
Ne t’attriste pas si tu perds un refuge
D’autres occasions de s’inquiéter t’attendent
Dans les mots difficiles, je vois le mot Nashayman : qui veut dire un foyer et le mot Ah-o-faghan : qui signifie pleurer, s’attrister, s’inquiéter.
- Le sens premier de cette strophe est que : Si tu as perdu une maison, une opportunité, une chose qui était source de calme pour toi, tes parents, tes grands-parents…C’est certes triste mais tu dois essayer de te reconstruire et aller de l’avant. Tu redeviendras prospère et de nouveaux problèmes apparaîtront par exemple les problèmes de couples après le mariage, des différends avec les enfants, une grève des employés, changement de réglementation affectant ton entreprise…Ainsi, il demande au lecteur de ne pas considérer ses problèmes comme la fin de monde, mais de les prendre comme une promesse d’amélioration certaine.
- Le sens spirituel de cette strophe est que : Le nashayman ici peut être considéré comme la réussite dans ce bas-monde. Iqbal suggère donc que ne pas s’attrister si on ne réussis pas dans ce monde, car on peut toujours faire des efforts pour le suivant qui est éternel. Car là, ce serait vraiment un échec et s’attrister et s’inquiéter pour cela serait légitime du fait de son caractère éternel.
6. 5ème shair
T’es un aigle, ta vocation est de voler
D’autres cieux devant toi t’attendent
Pas de mots difficiles dans cette strophe.
- Le sens premier de cette strophe est qu’ Iqbal encourage les gens à s’inspirer de Shaheen. qui veut dire l’aigle et est un motif récurrent dans la poésie d’Iqbal. C’est un symbole fort et majestueux, ayant une capacité de vol de plus de 8h[9] à des altitudes avoisinants 3800m[10]. Son occupation première va être de comprendre les courants de vents et s’en servir pour s’élever pour atteindre de sa destination. La comparaison ne peut que motiver les lecteurs. Iqbal les incite à voler de plus en plus haut peu importe le point de départ et ne pas se limiter à un domaine de spécialisation, mais vraiment s’ouvrir à tout ce que le monde peut offrir.
- Le sens spirituel de cette strophe est que : de la même façon qu’on doit s’efforcer de s’améliorer dans ce monde, Allah demande à ses sujets de s’améliorer en Taqwa[11]. Taqwa étant la crainte d’Allah, mais aussi la dévotion, l’Ishq que nous avons évoqué plus haut. Sur le chemin de Taqwa, il y a de la marge d’amélioration à tous les niveaux. Iqbal incite les musulmans à fixer l’excellence comme objectif dans le deen, où le chantier est énorme et des axes de travail multiples.
7. 6ème shair
Ne te perds pas dans l’alternance de ces jours et nuits
D’autres mesures spatio-temporelles t’attendent
Dans les mots difficiles, je vois Zaman-o-makan : qui signifie espace spatio-temporel.
- Le sens premier de cette strophe est que: Ne te perds pas dans ton « métro boulot, dodo », c’est à dire dans ton quotidien, essaie de voir plus grand et de réfléchir au sens de ta vie et ce que tu pourrais apporter à ce monde. Il demande aussi à réfléchir à d’autres dimensions qui pourraient exister comme dans Interstellar, les héros atterrissent sur une planète où un jour équivaut à 7 ans terriens. Dans l’univers, il y a d’autres planètes avec d’autres rythmes de vie et d’une certaine façon toutes les espèces vivantes n’ont pas le même rapport temporel que les humains. C’est donc une invitation à une ouverture d’esprit, à penser en dehors des conventions établies.
- Le sens spirituel de cette strophe est que: ne te perds pas dans le shab-o-roz qui représentent ce bas monde. Mais prépare aussi ta vie dans l’au-delà. Tes bonnes actions te mèneront au Paradis et tes mauvaises actions en l’enfer. Donc fait en sorte de travailler sur ta spiritualité, sur ta réflexion, sur le contrôle de ton nafs, le cœur. On doit aussi se présenter au jour de jugement dernier selon la surate 75 dans le Quran.
8. 7ème shair
Sont révolus les jours où j’étais seul dans ma philosophie
D’autres sympathisants maintenant m’attendent
Dans les mots difficiles, je vois Anjuman : qui signifie mehfil, un rassemblement et Razdaan : qui signifie confident.
- À la dernière strophe, je vois qu’un sens : Le poète dit que les jours où, j’étais seul à enseigner cette philosophie sont révolus. D’autres commencent à penser comme moi. Qui sont d’accord avec ma philosophie. Et on peut remarquer qu’Iqbal fait référence à lui-même dans cette dernière strophe respectant la convention d’écriture de ghazal rappelé par Sarah Awan dans le podcast précédent.
9. Conclusion
Nous avons atteint la fin du poème. N’oubliez pas qu’un poème est toujours sujet à interprétation. J’ai partagé avec vous ma compréhension des choses. Vos commentaires et d’autres interprétations intéresseront tout le monde.
Pour finir, je dirais juste que nous savons tous que la qualité prime sur la quantité. Ainsi je vous conseille de vivement d’aller en profondeur des poèmes d’Iqbal lors de vos lectures. Leur compréhension complète vous sera plus bénéfique qu’une foule des vagues références qui terniront avec le temps.
[1] https://www.youtube.com/watch?v=3D4smkF-Z64
[2] https://quran.com/65/12
[3] https://quran.com/67/3?translations=131
[4] https://www.youtube.com/watch?v=i-KjOA7F5iM
[5] https://quran.com/16/29?translations=31
[6] https://quran.com/89/30?translations=31,136
[7] https://quran.com/23/100?translations=31
[8] https://quran.com/39/42?translations=31
[9] http://ecole.aulas.pagesperso-orange.fr/travaux/aigle.htm#6)%20La%20mani%C3%A8re%20de%20voler%20:
[10] https://www.bfmtv.com/animaux/vol-d-aigle-en-camera-embarquee-des-images-a-couper-le-souffle_AN-201403280014.html#:~:text=Un%20sp%C3%A9cimen%20a%20%C3%A9t%C3%A9%20%C3%A9quip%C3%A9,vol%20totale%20de%20cinq%20heures.
[11] https://www.youtube.com/watch?v=5t2BKoga_-M
N’hésitez pas à voir ma page Poems pour aller plus loin !
18 décembre 2020 / admin / 0 Comments
B. La culture pakistanaise
I. Podcast: Barson bad dekha ik sakhs dilruba sa un ghazal de Faraz Ahmed avec Sarah Awan
1. Introduction
Bismillahi rahmani raheem. Asalaam Aleekum !
Oraq est un projet de voyage. Ensemble, nous allons écrire des pages sur les moments de ce voyage, des pages qui feront partie des chapitres et ces chapitres constitueront un livre. Un livre qui sera écrit sur les vies de diaspora pakistanaise en France. Le but est de réunir des histoires, des expériences, des moments joyeux mais aussi des moments plus durs, des anciens mais aussi des plus jeunes sur leur vie franco-pakistanaise.
Suivez l’histoire, comme jadis nos ancêtres ont perpétué une tradition de dire et écouter des histoires réunis par un conteur dans un mehfil avec le village entier.
Aujourd’hui, nous nous arrêtons sur un moment de culture. Mon amie Sarah Awan, vous fait découvrir un poème qui lui est chère.
Sarah Awan a commencé un projet pour faire découvrir la poésie Ourdou aux francophones. Son blog Des mots venus de loin est une excellente mine d’or pour s’initier à la poésie ourdou. Elle y présente les noms les plus connus, les poèmes, leur lecture lors des manifestations culturelles, leur transcription phonétique et leur traduction en Français.
Voici le lien vers son blog : Des mots venus de loin
Sarah Awan est une source de motivation pour moi, j’ai rarement vu quelqu’un aussi passionnée qu’elle et salue ses efforts pour nous amener dans cette univers poétique.
2. Poème
barson bad dekha ik shakhs sil ruba sa
ab zeh may nahin hai, par naam tha bhala sa
Abroo kichay kichay say, ankhain jhuki jhuki si
batain ruki ruki si, lehja thaka thaka sa
Alfaz thay kay jugnou, awaz kay safar main
ban jay jangalon may jaisay raastaa saa
Khuabon may khuwab us kay, yadon may yad uski
neendon may ghul gaya ho jaissay ratjaga sa
pehlay bhi log aye kitnay hi zindagi may
wo har tarhan say lekin auron say tha juda sa
Agli mohabbaton nay wo namuradiyan dyn
tazaa rafaqaton say dil tha dara dara sa
kuch yay kay mudaton say hum bhi nahin thay roye
Kuch zehr may bujha tha ahbab ka dilasa
Phir youn hua kay sawan anhkon may aa basay thay
phir youn hua jaissay dil bhi aabla sa
Ab sach kahin to yaro ham ko khabar nahin thi
ban jay ga qiamat waqia zara sa
taywar thay bayrukhi kay andaz dosti kay
wo ajnabi tha laykin lagta tha ashna sa
hum dast thay kay darya, hum zehr thay kay amrat
nahaq tha zaam humko jab wo nahin tha piyasa
hum nay isko dekha kal sham itafaqan
apna bhi hal hai ab logon Faraz ka sa
3. Explication de poème
4. Conclusion
C’est tout pour aujourd’hui les amis. Il est l’heure de se mettre en route en attendant la prochaine escale pour une nouvelle histoire. Prenez soin de vous. Asalam Aleekum.
En attendant avez vous lu les précédents postes sur le thème d’identité ?
10 décembre 2020 / admin / 0 Comments
A. Sur les traces de mon Identité
VI. Le retour aux sources avec Syed
Les précédents podcasts explorent l’identité de la diaspora pakistanaise en France. Tout ce cheminement à partir de nos souvenirs de Pakistan, puis dans les pas de nos parents avec leurs angoisses et leurs interminables journées et ensuite dans le dialogue entre les identités de nos parents et la notre, vous vous êtes peut être sentis nostalgique le temps d’un podcast. Tout cela vous a sûrement transporté au Pakistan et peut-être même l’idée de retourner vivre au Pakistan a germé dans votre esprit. Donc pour ce podcast, j’ai trouvé ça pertinent de partager avec vous la conversation que j’ai eu avec Syed, un franco pakistanais qui a fait le choix de retourner vivre au Pakistan. J’ai essayé de comprendre pourquoi et comment ça s’est fait.
Voici les questions que je lui ai posées :
Syed est ce que tu peux te présenter en quelques mots ?
Mes précédents podcasts étaient sur l’identité, alors pour une personne qui a fait le choix de travailler au Pakistan, je me permets de te poser la question : Te sens tu plus français ou pakistanais ?
Il y a un témoignage de Van Jones, qui apparaît comme commentateur sur CNN régulièrement qui à été mis au goût de jour après les récents événements de l’islamophobie. Ces commentaires date de 2016 mais trend sur les différents réseaux sociaux en ce moment. Il dit :
Honestly, if a Muslim family moved next door to you, you would be the happiest person in the world. First of all, the chances of your kids getting into trouble just went way down. OK, went way down. Because (American) Muslim community has the lowest crime rate, the highest entrepreneurship, the highest educational attainment for women in the country (US). They are the model American community. And so, when you have people who are now afraid to come here–that’s starting to happen–you have geniuses from Pakistan, who are from Indonesia, who now (think to themselves) « I’m not safe here ». That becomes an economic problem for America long term. So that we’re starting to do stuff here that doesn’t make good sense for what has made us great so far.[1]
Est ce qu’est aussi une des raisons de ton départ de la France ? Sinon quelles sont les autres raisons ?
Quel accueil les pakistanais t’ont réservé ? Est-ce que tu fais face à des rejet parfois ?
Comment tes proches en France ont réagit ?
Concrètement, si tu devais donner une démarche à suivre à d’autres jeunes que leur conseillerais tu ? Je suppose qu’il y a certains métiers plus faciles à exercer au Pakistan que d’autres ? Et puis au niveau des équivalences de diplômes est ce que les gens vont s’y retrouver ?
Qu’est ce qui te fait vraiment plaisir de retrouver au Pakistan ?
Qu’est ce qui te manque de la France ?
J’ai pu rencontrer des étudiantes en Allemagne, états unis et en France qui souhaite un jour retourner en Inde après avoir eu un peu d’expérience. Ne pas avoir de famille dans les pays d’accueil est un grand facteur et Inde est un pays de progrès. Mais j’ai rencontré peu de pakistanais dans cette même tendance. Pour toi du coup est-ce un départ définitif ?
Vue qu’on t’as en live en plein crise sanitaire de Lahore, que pense tu de la gestion de crise au Pakistan ? Le gouvernement a t-il mis des choses en place ? Cela a un impact sur ton activité ?
[1] https://www.youtube.com/watch?v=gr5cLv8Dj2I&ab_channel=RiazHaq
[2] Header image courtesy : Syed Muheeb Ali
4 décembre 2020 / admin / 0 Comments
1. Introduction
Bismillahi rahmani raheem. Salaam Aleekum ! Bienvenue au podcast Oraq. Le but est de partager avec vous les pensées sur une vie de diaspora pakistanaise en France. On parlera de religion, d’études, de travail, d’identité, d’Histoire avec un grand H et bien d’autres choses.
Je m’appelle Warq. J’ai 28 ans et je suis issue d’une immigration, arrivée en France à l’adolescence. J’habite dans la région parisienne.
Les précédents podcast retracent une naissance de diaspora pakistanaise en France et abordent les questions sur l’identité que la première et la deuxième génération peuvent avoir sur le sujet. Le parcours n’est pas simple et chacun essaie de se construire à son rythme. Andrei qui a été mon éditeur/correcteur pour cette série de podcasts a eu un parcours similaire en version russe. Aux extrémités de pleins de phrases nous avons réalisé la similarité de nos expériences et nos différences. Une des différences est que lui aujourd’hui est en paix avec ses identités et moi je n’ai pas fini ma démarche.
Ainsi, je pense que la discussion que j’ai eue avec lui, peut être intéressante pour tout le monde et ouvrir des dialogues s’ils n’existent pas déjà d’entraide. Sans plus tarder, voici comment on a pu se retrouver un samedi matin alors qu’on aurait pu faire la grasse matinée.
On y aborde ses liens avec la Russie, avec sa famille au pays natale, ce qu’il a gardé avec lui de la Russie, comment il se sens aujourd’hui vis à vis de cette dualité identitaire mais également la question de transmission de l’héritage culturelle.
1. Andrei est ce que tu peux te présenter en quelques mots ?
2. Nous avons un grand point commun : c’est qu’on se pose les mêmes questions sur l’identité. Par exemple au niveau de la langue, tu sens aussi une dualité :
3. Quelles sont tes liens avec la Russie (la nourriture, les traditions, la musique, la religion) ?
4. Tu te sens plus français ou Russe ?
5. Tu as un petit garçon. Comment lui transmet tu ton côté Russe ?
6. Il n’y a pas longtemps, tu as pu retrouver ton père et te rendre en Russie. Comment a été ce moment pour toi ?
7. Penses tu retourne r un jour en Russie ?
8. Quels conseils donnerais-tu aux autres qui essaient de se chercher aussi ?
9. Un mot de la fin ?
10. Conclusion
Ainsi s’est achevé une discussion parmi tant d’autres qu’on pourrait avoir sur le thème d’identité.
Merci d’avoir écouté le podcast. J’espère inshallah que nous nous retrouverons très vite autour de d’autres sujets intéressants. Portez vous bien. Salam aleekum.
27 novembre 2020 / admin / 0 Comments
Special thanks to Charlotte Attal to let me use her image as the header of this article. Cela fait parti d’un projet « Identités dérascisées » réalisé par Charlotte Attal (designeuse graphique) et Emelyne Chemir (designeuse textile). Pour en savoir plus : charlotte_attal
A. Sur les traces de mon Identité
IV. Podcast : Identité de la seconde génération des immigrants pakistanais en France
1. Introduction
Dans un précédent podcast, nous avons abordé pourquoi les pakistanais choisissaient de quitter leur pays, pour quelles raisons ils ont pu choisir de venir en France et quelles étaient les difficultés psychologiques et matérielles auxquelles ils étaient confrontés lors de leur intégration. Continuant sur le thème d’identité, dans ce nouveau podcast, on se propose d’explorer celle de la deuxième génération des immigrants pakistanais. Quelle image ont-ils d’eux même ? Quelles langues parlent-ils ? Comment s’habillent-ils ? Quelle est leur rapport avec la religion ? Telles sont les questions qu’on va d’aborder.
1. Qui suis-je ?
Sans plus tarder on va essayer de savoir comment les enfants d’immigrés pakistanais s’identifient.
Dans la revue Hommes et migrations, j’ai trouvé un dossier publié en 2007, intitulé “Que dissent les jeunes pakistanais de l’intégration” par l’anthropologue Roomi Hanif, cinq jeunes gens témoignent et résument assez bien ce que je ressens :
En 2007, Ali un franco-pakistanais témoigne « à vrai dire, personne ne sait où est vraiment le Pakistan. Quand on dit que c’est à côté de l’Inde, ça va ; quand on dit que c’est à côté de l’Iran, c’est un peu moins bien. ». Quelques années à peine plus tard, quand je me présenterai à mon tour, les gens ne sauront toujours pas où se trouve le Pakistan mais on l’associera tout de suite aux terroristes, aux talibans. Pour mes camarades, je serais Malala ou Raj de The Big Bang Theory. Après l’attaque des Etats-Unis sous le gouvernement de Barack Obama pour tuer Osama (bin Laden), mes collègues m’appelleront « terroriste » en rigolant. On me reniera même mon droit de m’identifier comme asiatique car je n’ai pas les yeux bridés et la peau un peu trop mate.
Beaucoup me qualifieront d’ « hindoue ». J’entendrais des « Namasté » par-ci par-là. Une de mes batailles sera de leur expliquer que Hindouisme est une religion et être hindoue n’est pas une nationalité. Je ne comprendrai pas non plus l’engouement autour de l’Inde. Pourquoi, la France inclue-t-elle dans son programme un film sur Gandhi alors que Jinnah disparaît complètement de l’équation ? Pourquoi, sur les campus universitaires, les bâtiments seront nommés Gandhi, Nelson Mandela mais jamais un seul prendra le nom de Jinnah ? Est-ce que Jinnah était moins valeureux ? Il a libéré un peuple entier de joug de colonialisme britannique. Un effort tout aussi honorable que celui de Martin Luther King ou de Rosa Parks. Alors pourquoi l’histoire tait son nom ? Ce pourquoi résonnera dans ma tête tout au long de ma vie. Je me refuserais à penser que c’était l’islamophobie car ces musulmans étaient avant tout des humains. Ou bien le principe de laïcité a depuis bien longtemps dévoré l’humanisme de la France ?
C’est triste parce que ni la France ne nous accepte tels que nous sommes, ni vraiment nos parents… On ne sait plus à qui faire plaisir, l’effort est toujours demandé à nous.
Trouver ma place sera toujours difficile. Le dossier dans Hommes et Migration suggère à juste titre : « Pour les jeunes, les obstacles sont doubles. D’un côté, ils doivent affronter la rigidité de la société française ; de l’autre, celle de leurs parents ! » Shabnam, diplômée d’un master témoigne « C’est triste parce que ni la France ne nous accepte tels que nous sommes, ni vraiment nos parents… On ne sait plus à qui faire plaisir, l’effort est toujours demandé à nous .» Elle se sent tiraillée de passer pour une faible devant ses amis et de blesser les parents qui ont enduré des choses pour elle.
On se sent aussi d’ailleurs tiraillés entre toutes les langues qu’on parle.
2. Quelle est ma langue?
Les élèves pakistanais sont en général forts en anglais parce que l’anglais est la langue officielle du Pakistan. Le Pakistan a de plus l’ourdou comme langue nationale et quatre langues provençales : Le Sindhi dans la province de Sindh, le Balochi dans le Balochistan, le Punjabi au Punjab et Pashto au Kayber Pakhtunkhwa. En plus d’ourdou, d’anglais, de la langue provinciale, le pakistanais moyen apprend aussi à lire le Quran (Coran) en arabe.
Selon une étude réalisé en 2004 par deux psychologues Ellen Bialystok et Michelle Martin-Rhee, les bilingues sont plus aptes à résoudre des puzzles ou des exercices mentaux. Dans une interview recueillie par French Morning en 2013, Ellen souligne que le bilinguisme rend les personnes plus créatives, ouvertes et flexibles d’esprit et moins exposées à l’Alzheimer. Mais moi qui me suis toujours sentie en difficulté, je trouve du réconfort quand Ellen affirme :
Les bilingues mettent plus de temps pour choisir leurs mots, ils ont aussi moins de vocabulaire. Lorsqu’on demande à un bilingue de nommer, par exemple, tous les fruits qui lui viennent à l’esprit, il va mettre plus de temps et générer moins de mots qu’un monolingue. On constate aussi que sur les tests standardisés de vocabulaire, les enfants bilingues obtiennent de moins bons scores. [1]
Ainsi, j’offusquerai mon prof de français un bon nombre de fois où je trouverai des bonnes réponses à ses questions mais en anglais. Je ne me rendrai non-plus pas compte quand est-ce que je commence à « switcher » de français en anglais, d’anglais à Ourdou. Je suppose maintenant que c’est lié à mon manque de vocabulaire que je trouve incomplet, cloisonné par domaines d’utilisation. Le vocabulaire en ourdou est surtout lié à la famille et la maison, le vocabulaire en français couvre les domaines d’études et de travail, le vocabulaire en anglais couvre le domaine de lien-social et finalement le vocabulaire arabe est utilisé pour décrire ma spiritualité.
Alimentant mon vocabulaire par des lectures, je serai qualifiée de « quelqu’un qui parle comme un livre », j’aurai le sentiment d’être « Jack of all, Master of None ». Celle qui comprends un peu tout, mais ne maîtrise rien.
Dans le podcast précédent, je vous parlais de traumatismes causés par l’immigration. Malgré le fait qu’être multilingue est souvent perçu comme bénéfique, cela apporte son lot de conséquences. Par exemple, Noam Schieber, éditeur dans la Revue The New Republic raconte dans un article publié en 2014 qu’il a parlé pendant trois ans en hébreu à sa fille pour lui transmettre cette langue mais qu’il s’est rendu compte qu’il était plus austère en hébreu qu’en anglais. « Je suis drôle en anglais […] pas trop en hébreu » « En anglais, je suis de nature patient et sobre. Mon style en hébreu était intimidant et persécuteur. »[2] Une autre étude menée par Susan Ervin datant de 1968 sur des femmes bilingues japonaises vivant à San Francisco appuie ce résultat de changement de personnalité en changeant de langue. Elle a demandé à ces femmes de compléter des phrases en anglais en en japonais :
- 1. Lorsque mes désirs s’opposent à ceux de ma famille
- (Japonais) c’est un moment de grand malheur
- (Anglais) je fais ce que je veux
- 2. Je deviendrais probablement…
- (Japonais) femme au foyer
- (Anglais) professeure
- 3. Les vrais amis doivent…
- (Japonais) s’aider mutuellement.
- (Anglais) être très francs.
Ainsi, au fil des langues que je parle, je me sentirais un peu comme Jekyl and Hyde, ou comme dans le drama Coréen Heal me, Kill me. On peut retourner donc dans la première question : Qui suis-je ?
Une des composantes de la réponse est d’aborder la question de la religion.
3. Quelle est ma religion ?
« Ces jeunes affirment qu’il leur faut taire aux français leur religion et leurs traditions ou ne leur en parler que de manière vague et rapide, pour ne pas susciter de réactions de fuite. » Je suis plus pratiquante que tous ceux que je rencontrerai durant ma scolarité. Peu à peu, les maghrébins ce sont éloignés de cette pratique assidue. Je lis le Coran et fais ma prière car j’ai déjà appris cela au Pakistan.
Plus haut, je vous ai parlé d’une de mes batailles, ma deuxième bataille sera d’expliquer qu’ « on ne fait pas le Ramadan », de la même manière qu’on ne fait pas le décembre, janvier ou février : « On jeune ». Je ne comprendrais pas non plus pourquoi on tient tant à déformer le nom de Prophète Mohammad (saw) qui va devenir Mahomet. Le Quran va devenir le Coran. On importe bien des mots d’autres langues en français pour être au plus près du sentiment. Il était arabe et les musulmans l’appellent par son nom arabe Mohammad (saw). C’est par des petites tournures qu’on met la distance entre l’authentique et la version revisitée qu’on arrive à des grands amalgames.[3]
La religion me manquera, nos réunions pour finir le Quran, la diffusion des appels aux prières. Il arrivera que j’aie des contrôles le jour de l’Aïd, la fête religieuse musulmane. Je n’aurais pas ou peu d’étrennes, c’est l’argent qu’on reçoit des proches le jour de l’Aïd. Toutes nos fêtes ne seront qu’un pâle reflet de ce que nous avons pu vivre dans la folie d’enfants. Je fêterai par contre Pâque, la Toussaint et Noël car je suis obligée d’être en vacances.
4. Les vacances ?
Les vacances c’est un autre sujet important : Je n’ai jamais compris l’engouement autour des vacances. Pour moi elles étaient ennuyeuses ! J’attendais la rentrée avec impatience. Shakeela, 25 ans témoigne « au travail mes collègues parlent de vacances, de skis, de la mer… Je vois constamment qu’il y a une différence entre moi et eux. Rare sont les Pakistanais qui vont en vacances pour le plaisir de voir de nouveaux horizons ». Yasmine dans son témoignage dit quelque chose d’intéressant : « L’intégration, c’est réussir à vivre entre les deux cultures ! Vivre dans un pays sans oublier ses origines, sans être mal dans sa peau ». Mais comme je disais plus haut ni les français ne nous reconnaîtront comme Français et ni les pakistanais comme les leurs. On subit une sorte de syndrome Bambi. « On est en fait dans une autre culture, la nôtre, elle est à part »
On mûrit donc plus vite et fait preuve d’un sérieux.
5. Pourquoi tant de sérieux ?
Les enfants pakistanais, en tout cas les filles pakistanaises, sont sérieux à l’école. Certaines filles travaillent bien notamment pour échapper au mariage précoce. Selon une étude de Kate Gavron en 1996 sur la communauté bangladeshi de Hamlets Towers met en relief l’inégalité des genres : les « filles négocient avec leurs parents le droit de rester à l’école. La plupart d’entre elles savent bien que c’est une des raisons pour lesquelles les filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons ; elles doivent travailler dur pour avoir le droit de continuer leurs études. ». Tandis que l’éducation des garçons est plus laxiste. Si on pouvait faire un sondage aujourd’hui sur les métiers des filles d’immigrés, elles dépasseraient à coup sûr les garçons. A défaut d’études sur les métiers, une étude de Yaël Brinbaum, intitulée Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat indique que : « L’avantage scolaire des filles a été démontré dans plusieurs pays et pour la plupart des origines – avec quelques exceptions – [cf.chapitre 8 et FleiscSChmann, Kristen et alii, 2014]. »[4] L’étude montre que les filles d’immigrés font mieux que les garçons avec un taux de réussite de 92% contre 88. Cet écart est minime entre les descendants asiatiques (car si l’étude différencie les descendants turques, portugais, maghrébins, le reste est distribué dans des catégories géographiques très macro : Afrique subsaharienne, l’Asie). Asie contient les descendants de 53 pays (en excluant la Turquie) mettant dans le même panier les sud-coréens, les japonais et les pakistanais…
Selon une réflexion menée par Laure Mougérou et Emmanuelle Santelli « Les sorties des filles étant plus surveillées, voire interdites, ces dernières passent plus de temps à la maison et sont plus enclines à le consacrer à leurs devoirs scolaires. »[5] Il y a certainement une volonté de la part des parents de rester synchronisés avec les coutumes de pays d’origines et ne pas accorder plus de liberté à leurs enfants. Ils ont du mal à jauger le seuil juste et sans doute par peur de ne pas en faire assez, deviennent plus stricts que nécessaire. Tandis que la société dans le pays d’origine change comme un ensemble sans le regard d’autrui. Les regards sont tournés vers l’occident.
Je mettrais toute mon énergie dans les études car on ne peut se permettre de faire autre chose. On partira rarement en vacances, ce qui est déjà une chance, mais face à mes camarades qui vont en vacances toutes les vacances scolaires, ce ne sera pas suffisant. J’étais en paix avec ma vie, la France m’a donné des complexes à force de comparaisons.
Le sérieux vient d’une part de poids des sacrifices de la première génération et d’autre part de la pression de l’intégration. L’éducation est gratuite en France et c’est un gros point positif dans la balance. Il faudra du coup que je sois digne de cette chance. Sans doute c’était inconscient mais je n’ai pas aspiré à devenir sérieuse. Il y a pas si longtemps, j’étais une adolescente normale qui s’amusait dans son école et prenait même des baffes en faisant des bêtises. Mais tout ce poids de changement, tous ces sacrifices de la génération d’avant ont instillé en moi un sérieux que je ne saurais expliquer, ni assumer. Je vivrais ma scolarité dans ma case à part faisant de mon mieux pour m’intégrer, pour concilier, tout en rêvant d’un monde où j’aurais un peu moins à lutter.
Un monde où je pourrais m’habiller sans attirer des regards et encore moins de remarques.
6. Comment je m’habille ?
La plupart des habits pakistanais respectent le code vestimentaire prescrit par l’Islam. Les hommes et les femmes sont tenus d’avoir des habits pudiques et en plus de ça des comportements pudiques. L’ensemble s’appelle shalwar Kameez, un sarouel très confortable et une tunique qui descend en moyenne jusqu’aux genoux pour les hommes et les femmes qui ont un foulard de la même couleur en plus. Ce qui se passe en général, c’est que même au Pakistan les hommes s’habillent à l’occidentale la plupart de temps. Vous verrez peu d’uniformes où les hommes ou écoliers sont en shalwar kameez. Mais les femmes portent plus souvent les habits traditionnels. Bon gré, mal gré, ce sera un autre sujet de discussion. Ces deux-pièces sont en générale taillés dans le même tissu. Pendant mon temps au Pakistan, on pouvait complètement maîtriser le cycle de fabrication de nos habits. On achetait le tissu qui nous plaisait, ma mère pensait à un design, on achetait les accessoires (le fil de la même couleur, les boutons, la dentelle, les strasses, les miroirs ou autres), ensuite il y a deux options, soit on les donne à des tailleurs, soit on les coud soi-même. En Europe, avoir un tailleur, c’est un grand luxe, mais il faut savoir qu’au Pakistan, c’est le cours normal des choses. Enfin, c’était le cas avant que je ne vienne m’installer en France en tout cas. Dans la maison que j’habitais au Pakistan, on vivait au-dessus d’un magasin de tailleurs. Pendant le mois de ramadan, les tailleurs font le plus gros chiffre d’affaire de l’année. Le magasin tournait 24h/24, le personnel était renforcé et on entendait les experts et les apprentis s’affairer sur des machines toute la nuit durant. C’est ce qui vibrant au Pakistan, c’est l’existence de tous ces métiers tels que le vendeur de tissue, le vendeur de fils, le vendeur de boutons, le tailleur, fournisseur de Chai qui ne sont ni grands ni petits, mais juste à la hauteur d’homme pour subvenir à ses besoins.
Les franco-pakistanais eux sont déconnectés de l’industrie de la mode pakistanaise. D’une part, parce que les boutiques spécialisées sont plus rares en France et d’autres part parce que dans les rares boutiques à Paris, le choix est limité et les prix élevés. Même s’ils s’habillent d’une certaine manière perçue comme pakistanaise en France, ce n’est pas l’avis de leurs confrères dans le pays d’origine. Une femme dans sa cinquantaine témoigne dans l’article d’Hommes et Migration qu’elle ressent cette différence au niveau des habits quand elle rentre au pays. Les tendances changent et les Pakistanais d’outre-mer ont l’air de paysan dans leur propre pays.
Je me prendrai énormément de remarques, car je porte un kameez avec un jean et j’ai toujours mon foulard dans mon cou. Mais les garçons changent de mode vestimentaire en un clin d’œil. C’est comme si toute la responsabilité de pudeur et perpétuer la tradition revenait que les épaules de la genre féminine. J’ai vu des spécimens de la genre masculine qui prêchent le respect des traditions aux femmes de leur famille et ensuite dans dans la rue on les voit marcher dans des habits occidentaux 5 mètres devant le groupe des femmes pour ne pas paraître y être associé. Ça, c’est des complexes inters communautaires, mais j’aurais beaucoup de remarques extérieurs. À force, je me promènerai avec une carapace insensible aux moqueries. J’aimerais qu’on me laisse tranquille. Si un jour, j’ai envie de porter le foulard, que je le puisse. Si j’ai envie de m’habiller en T-shirt/pantalon ou en Shalwar kameez, cela ne regarde que moi.
Après vous avoir parlé longuement de ce hot topic des habits, je vais vous parler d’un autre sujet brûlant : les habitudes alimentaires.
7. Qu’est-ce que je mange ?
Les descendants d’immigrés peuvent changer sur les aspects vestimentaires, ils peuvent s’intégrer en termes d’emploi, ils peuvent parler la langue du pays d’accueil sans accent mais leurs estomacs restent pakistanais. Et ce parce que leurs mères cuisinent exclusivement pakistanais. En grandissant, ils essaient de faire des pâtes et pizza, des quiches et des tartes mais rien ne peut détrôner les mangues pakistanaises, un bon biryani avec du raita et des samossays.
Lorsqu’un « pakistanais d’outre-mer » (remarquez que le nom a changé) rentre au Pakistan (et pas chez lui), les pakistanais voudront manger des pâtes, pizza ou des plats chinois alors que le pakistanais d’outre-mer crèvera d’envie d’un bon biryani épicé. En tout cas, cette expérience je l’ai vécue aussi. Les pakistanais d’outre-mer peut-on dire dans une certaine mesure sont plus pakistanais que les locaux.
La cantine que ce soit du boulot ou de mon école, m’a toujours parue fade. J’y allais que pour les desserts. Si j’avais pu bien manger pendant mes études, j’aurais mieux poussé. J’avais recours au chaat masala, mes épices passe partout que je transporterais dans ma poche quand mon baromètre de « faditude » menaçait d’exploser. Selon mon expérience et des gens autour de moi, les cantines sont très peu pensées pour les régimes halal et végétariens. On finit par manger tous les jours des pâtes avec des légumes vapeur avec de la mayonnaise quand on ne mange pas les frites avec du ketchup.
Pour faire simple on mange beaucoup de riz et des rotis qui sont une version simplifié de nan que tout le monde connait. On cuisine un saalan qui peut être la viande, les légumes avec des épices et on mange ça avec des rotis. Les rotis se mange avec les doigts et le riz au choix.
Une des mes batailles sera de vous expliquer que je n’ai jamais entendu parler de « curry » au Pakistan. La seul chose qui s’en rapproche c’est le « kary pata »: la feuille de laurier qu’on met dans nos saalan. Le saalan est le mot générique pour un plat d’accompagnement. Les anglais le nomme aussi dès fois « Curry ». Mais de là à nommer un épice curry… Je continue mes recherches un jour j’aurais la réponse.
Bref, venons en à un aspect plus abstrait de la personnalité des franco-pakistanais.
8. Mes contradictions
Les pakistanais d’outre-mer adorent le Pakistan, oui. Mais la seconde génération et plus particulièrement les filles, ont du mal avec les pakistanais. D’autant plus que si elles sont confrontées à des pakistanais de leur âge mais faisant partie de la première génération d’immigrés. Ces personnes les dévisagent dans les rues, trains et métro. C’est une des raisons pour laquelle dans des quartiers dédiés aux commerces ethniques comme la gare de Nord et l’Est, on voit très peu de filles.
La deuxième génération des pakistanais a développé une peur des « autres » Pakistanais, ayant entendu trop d’histoires d’entourloupe. « Selon les Pakistanais de France, il y aurait trop de Pakistanais en Angleterre. Habitués à vivre en petites communautés en France, se retrouver en grand nombre les effraie. Il y a là une contradiction assez surprenante. La manière de vivre loin des « regards pakistanais » leur permettrait de se sentir plus libres, sans être jugés au quotidien par leur propre communauté. »
Ce jugement très présent dans la société pakistanais à travers « Log kia kahein gay », qui traduit le fameux « Qu’en dira-t-on ? » limite les gens à faire ce dont ils ont vraiment envie et développe une frustration. Vivre loin des regards, c’est de s’affranchir des comparaisons intra-communautaires.
Voici les aspects qui me viennent à l’esprit pour une première étude. On peut remarquer cette identité de la deuxième génération des immigrants pakistanais comme ceux de leur parents est très complexe. Mais il y a un mot qui leur colle à la peau : La Chance. Et ils ont toute une vie pour essayer de faire honneur à ce mot.
9. Chanceuse ou pas ?
Mes copines d’avant me mettront elles aussi dans une case de « chanceuse » car j’ai échappée à leur sort. Quand je serais embauchée, je serais multiculturelle, adaptable. En vérité, je serais un imposteur. Pakistanaise pour les français, française pour les pakistanais. Je mettrais en avant tel ou tel aspect de ma personnalité pour cacher la rupture opérée par la migration. Je ne serai après tout étiquetée à vie d’Immigrée et la diaspora pakistanaise.
10. Conclusion
J’aimerais conclure sur une histoire que j’ai lue dans une revue pour enfants au Pakistan et qui est restée avec moi pour des raisons évidentes. C’était le parcours d’une chauve-souris qui vivait dans une forêt en harmonie avec tous les autres animaux. Un jour cependant, une dispute a éclaté entre les mammifères et les oiseaux. Et aucun des deux camps ne voulut accepter la chauve-souris dans son camps, ailée elle était un oiseau, donnant naissance à ses petits suite à une gestation elle était un mammifère. Elle se trouva ainsi seule dans son camp à part, abandonnée par tous les autres animaux.
L’enfant d’immigré aura plus de point communs avec les autres citoyens de son pays d’accueil. Mais les moments où il se sent comme une chauve-souris sont aussi nombreux. Il s’habille différemment, il parle différemment, il mange différemment. Mais il rêve comme les autres enfants et sert de pont entre son pays d’accueil et son pays d’origine.
J’espère avoir apporté quelques éléments de réflexion sur cette question d’identité qui reste beaucoup plus vaste et complexe à traiter en 4 podcasts. J’ai fait une timide effort de commencer à la mettre en mots. Evidemment, ça ne peut pas couvrir tous les aspects ni ni parler à tous. C’est pour ça que le projet Oraq est pensée comme une plateforme collaborative. Quelles sont vos histoires ? Où est qu’on se connecte ? Et où est ce que je vous perds ? Quelles sont les pages que vous avez envie de partager ? Pour le moins que puisse dire, j’ai hâte de vous lire.
Merci d’avoir écouté le podcast. J’espère inshallah que nous nous retrouverons très vite autour de d’autres sujets intéressants. Portez-vous bien. Salam aleekum.
[1] Interview Ellen Bialystok dans French Morning
[2] The New Republic, Noam Scheiber, April 22, 2014, For three years, I spoke only Hebrew to my daughter. I just gave it up. Here’s why.
[3] Complément de recherche du correcteur : https://www.histoire-et-chronique.fr/2020/04/11/mahomet/
[4] Yaël Brinbaum. Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat. Education et Formations, Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Direction de l’évaluation et de la prospective, 2019, La réussite des élèves : contextes familiaux, sociaux et territoriaux, pp. 73-104. halshs-02426359
[5] PARCOURS SCOLAIRES RÉUSSIS D’ENFANTS D’IMMIGRÉS ISSUS DEFAMILLES TRÈS NOMBREUSES Laure Moguérou, Emmanuelle Santelli
20 novembre 2020 / admin / 0 Comments
A. Sur les traces de mon Identité
III. Podcast : Identité de la première génération des immigrants en France.
1. Introduction
Dans un précédent podcast, nous avons abordé pourquoi les pakistanais choisissaient de quitter leur pays, pour quelles raisons ils ont pu choisir de venir en France et quelles étaient les difficultés psychologiques et matérielles auxquelles ils étaient confrontés lors de leur intégration. Continuant sur le thème d’identité, dans ce nouveau podcast, on se propose d’explorer celle de la première génération des immigrants pakistanais. Comment ils font face à la séparation de leur famille. Comment ils gèrent la peur, quels métiers ils exercent et lorsqu’ils obtiennent les papiers, quelles sont leurs difficultés. Je pense qu’explorer l’identité de cette première génération de migrants est vraiment essentiel afin d’éviter de donner une occasion à ceux qui vont écouter le prochain podcast de mettre la responsabilité sur la première génération. C’est facile pour moi, issue de la deuxième génération, de parler que de mes problèmes. Mais cela se passe dans un contexte donné.
2. Origines
Sans plus tarder on va donc aborder la première phase de départ du Pakistan. Nous avons déjà abordé les raisons de départ, je vais rapidement évoquer leurs origines. Mariam Abou Zahab, chercheur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, dans un article paru en 2007 a identifié les régions de départ du Pakistan. Il s’agit surtout des villages autour de Gujrat, Mandi Bahaddin, Faisalabad, Sahiwal et Sargodha. C’est pour ça que la plupart des migrants dans les années 70 étaient peu éduqués. Ali, un pakistanais issue de la deuxième génération des immigrants réagit lorsqu’il se heurte parfois à leur mentalité : « Les pakistanais éduqués sont plutôt partis vers les pays anglo-saxons pour faire valoriser leur diplômes, le problème en France c’est qu’on se retrouve qu’avec des paindus (paysans) avec lesquels il est difficile d’avoir des discussions logiques. » Cette affirmation est confirmée par Christine Moliner dans son rapport intitulé « Invisible et modèle ? Première approche de l’immigration sud-asiatique en France » selon lequel, les migrants sud-asiatiques qualifiés auraient trouvé des emplois aux Etats-Unis, Canada et Australie. Il y a toujours des exceptions : c’est le cas d’Abdul Qadeer Khan venu en Allemagne faire ses études en 1960 et ensuite a travaillé en tant qu’Ingénieur au Pays Bas. Il a ensuite fait du Pakistan une puissance atomique. Il a sans doute été inspiré d’Allama Iqbal, le grand poète de l’Est qui a fait ses études supérieures en Angleterre et en Allemagne à partir de 1905.
Mais être issu d’un village a ses avantages. Les villages sont constitués de communautés qui sont très solidaires entre elles et souvent occupés par une seule et même biraderi ou caste. Biraderi étant toute la famille proche et lointaine. On dit qu’il faut un village entier pour élever un enfant, et bien c’est tout ce monde qui va se réunir pour mettre des fonds en commun pour payer les frais de départ. Car il faut partir de leurs villages respectifs à Islamabad pour faire une demande de visa ou sinon chercher un agent pour faire l’intermédiaire. Je ne vais pas m’attarder sur l’actuel processus qui diffère mais une chose est certaine : il est semé d’embûches.
Pour certains, le voyage s’arrêtera avant même d’avoir commencé à cause de fraude par l’agent. Lorsque cependant, la personne réussi à obtenir un visa (touristique ou autre), il va pouvoir passer par les phases d’après. Je vous encourage à lire le périple de Sham dans un article de France 24, intitulé « Les hébergés »[1] : il est passé par l’Iran, Lesbos et Athènes avant d’atterrir à Orly. Il dit que
« Si on m’avait dit à quel point ce serait dur, je ne serais jamais venu ».
3. Le déchirement et les limbes
Son portable, c’est son lien avec sa famille : il regarde les photos de sa sœur. « Là, c’est ma sœur. Elle a la peau plus claire que moi. Elle se marie en février. Je ne serai pas là… C’est le premier mariage de ma famille auquel je n’assisterai pas ». Il y aura d’autres occasions de naissances et décès. En situation irrégulière, ils ne pourront y assister. Ces regrets les rongeront à vie forgeant leurs caractères.
D’autres sont venus rejoindre un membre de leur famille ou biraderie déjà sur place. La première génération a des liens très forts avec la famille en France et au Pakistan. Ils vont ainsi s’entraider pour trouver du travail, s’héberger et même s’associer plus tard pour travailler. Cela crée une sorte de société où chacun a une dette de reconnaissance envers un autre, qui les a aidé dans un temps où il n’avait pas grand-chose lui-même. Et ils ont des devoirs financiers envers leur famille au Pakistan. Selon une étude de Percot & Robuchon datant de 1995. « Il s’agit là d’une obligation morale, le contre-don à l’aide qu’ils ont eux-mêmes reçue à leur arrivée en France »
4. La peur au ventre : clandestinité
Ces nouveaux arrivants vont passer par une phase de clandestinité. Et vivre en clandestinité, c’est comme si le monde se refermait sur eux. C’est une situation de stress permanent après tant de sacrifices de tout perdre. Imaginez-vous un instant qu’à chaque fois que vous sortez de votre appartement, vous avez la boule au ventre de se faire prendre. Imaginez ce qu’est de vivre dans une société en se sentant indésirable. Pour les plus anxieux d’entre nous, on peut le ressentir aujourd’hui, lors du confinement en sortant sans attestation par exemple
« Je peux vous assurer que si les Pakistanais savaient ce qu’ils allaient endurer en voyageant illégalement et que leurs rêves seraient brisés en Europe, aucun d’entre eux ne le ferait. » témoigne Sahhid Ali dans un article sur le site informigrants.net[2]
5. Nature de travail
La première génération va être surexploitée : ils travailleront à la journée comme ouvriers à l’usine, dans les ateliers de confections et dans le bâtiment. Ils aspireront à devenir leurs propres patrons après ces expériences terribles. Le résultat de la recherche d’Abou Zahab va aussi dans ce sens.
Avant la politique de François Mitterrand de fusion de la carte de travail avec la carte de séjour et d’en finir avec le cloisonnement par métiers, ils feront l’objet d’une discrimination de la part de leurs employeurs. Il était aussi impossible de fonder des entreprises en leurs noms propres. Les français servaient de prête-nom dont certains se contentaient de s’assoir à la caisse et d’autres ne se montraient même pas. Dans les deux cas ils recevaient une contribution mensuelle sur leurs comptes.
Alors c’est naturel qu’ils aient de l’aversion pour un pays qui a dévoré leur jeunesse dans des conditions terribles. En plus de difficultés de travail, ces garçons qui étaient des rois à la maison en tant que garçon, d’autant plus que dans les villages le clivage homme-femme était encore plus important qu’ailleurs, devaient mettre la main à la pâte : ils vivront à plusieurs dans des studios où ils devront cuisiner, laver leur vêtements, faire le ménage etc.
Comme en témoigne Sham « Mes sœurs faisaient tout pour moi […] elles nettoyaient même mes chaussures »
6. La difficulté des papiers
Une des difficultés supplémentaires des pakistanais est que contrairement aux indiens venants des anciens comptoirs français, ils ont un handicap de langue qui ne facilite pas les choses. Maintenant, imaginez quelqu’un qui est né en occident apprends plusieurs langues, fait un métier et choisisse d’intégrer une entreprise dans un nouveau pays. Non seulement on l’accompagne avec un « package » déménagement mais aussi, on lui offre des cours de langue. Ainsi est fait le monde. Les avantagés semblent accumuler les avantages et les personnes en difficulté sont écrouées sous les épreuves. Sham poursuit son témoignage « Ma première année a été vraiment très difficile, parce qu’en plus des problèmes de boulot, de papier et de logement, il y avait le problème de la langue… Il fallait toujours que je trouve quelqu’un pour m’accompagner partout : chez le médecin, à la préfecture… »
Pour demander l’asile il faut d’abord pouvoir atteindre le pays d’intérêt. Puis, déposer le dossier. Le processus d’acceptation prend du temps (voire des années). Et ce n’est pas parce que vous avez fait une demande d’asile qu’elle va être acceptée. Shahid Ali par exemple a déposé son dossier en Grèce, en France et en Italie et essuyé que des refus.
François Mitterrand durant son premier septennat en août 1981 produira une circulaire précisant les conditions de régularisation exceptionnelle instaurés en faveurs des travailleurs clandestins et des autres immigrés en situation irrégulière selon un article paru dans Le monde qui récapitule les dates clés de l’immigration en France.[3]
Lorsqu’ils obtiennent les papiers pour le renouvellement, ils doivent faire de longues queues devant la préfecture. Certains vont même camper devant la préfecture toute la nuit devant la préfecture afin d’avoir un rendez-vous.
Une fois qu’ils auront pu obtenir les papiers, un processus de regroupement familial va commencer. Et la génération d’après aura un tout autre genre de problèmes.
7. Réussite
Après une vie en communauté, les immigrants pakistanais se préparent à une vie de solitude. Christine Moliner identifie ce schéma dans son rapport : « Comme pour les autres courants migratoires, le type de logement occupé dépend des étapes du cycle migratoire et du cycle de vie : location de petits appartements vétustes occupés à plusieurs hommes seuls, pendant la phase de migration masculine ; location d’un appartement plus grand pour le regroupement familial, puis achat d’un appartement ou d’un pavillon. »
Ils choisiront de vivre loin de quartiers communautaires afin de favoriser l’apprentissage de la langue française. Une jeune fille de la deuxième génération témoigne « c’est parce qu’il trouvait que le quartier devenait trop communautaire et que ça allait nuire à l’évolution de ses enfants, à l’apprentissage du français [qu’on est partis]. »
La première génération de pakistanais est de deux types.
- Ceux qui reconnaissent l’importance des études pour offrir d’autres perspectives à leurs enfants. Ceux-ci sont souvent eux même éduqués mais leurs diplômes ne sont pas reconnus en France. A défaut de leur réussite, ils veulent voir leurs enfants réussir et mettront tous les moyens en place. En effet, l’école joue un rôle central dans le projet migratoire, elle est perçue comme l’instrument principal de sa réussite.
- Le deuxième type est celui qui a l’âme de l’entreprenariat. Toute la famille contribue à l’entreprise familiale. Les formations de Comptable sont assez courantes pour les enfants des tenants de commerces ethniques.
Au regard de leurs parcours, les individus de la deuxièmes génération ne peuvent qu’être reconnaissants quand leur parents les désignent comme leur propre réussite. C’est un plaisir de les voir sourire lorsque les profs principaux leur remettent des bulletins après leur journée éreintante de travail. Enfin, lorsqu’on leur présente nos diplômes dans leurs mains abîmées par la nature de leur travail, on sait que sans eux on n’y serait pas arrivé.
Ils auront tenu à sacrifier leur santé et leur temps pour la deuxième génération. Ils nous auront offert le confort d’un pavillon dans le banlieue. Les structures d’état n’étant pas efficients, ils auront recourt encore une fois à la communauté pour l’achat d’un bien. Les Pakistanais, étant plus pratiquants que les autres dans leur religion ont du mal avec le principe de crédit qui inclut l’usure qui est interdit en Islam. Déplorant l’absence d’une banque qui respecte ce principe ils vont limiter au maximum le recours au crédit. Cette logique est corroborée par le rapport de Christine Moliner, intitulé « Invisible et modèle ? Première approche de l’immigration sud-asiatique en France ». J’attire l’attention sur le mot « invisible ». La première génération se fera toute petite et fera toutes sortes de boulots ingrats. Ils ne seront pas en mesure d’imposer ou demander quoi que ce soit au gouvernement et le gouvernement s’acharnera sur leurs mœurs en interdisant le voile à l’école pour leurs enfants (2004). A l’inverse en Allemagne par exemple, les ingénieurs pakistanais sont nombreux, et demander à leurs entreprises un endroit pour prier ne relève pas de tout de l’impossible. La conclusion à garder est que plus vous serez compétents, plus vos demandes seront prises en compte. Cependant, maintenant, la seconde génération ne devrait pas être timide de leur héritage culturel. Nos parents ont payé une vie de main d’œuvre bon marché !
8. Conclusion
Ce sujet est bien trop complexe pour pouvoir le décortiquer sur un temps aussi court mais nous permet néanmoins d’éviter d’entrer dans le « blame-game ». Ce jeu qui consiste à accuser la première génération d’avoir fait des choix qui pèsent sur la seconde génération. A présent nous avons un peu plus de contexte pour connaître la première génération et on peut aborder avec un peu plus de sérénité l’identité de la seconde génération. Pour aller plus loin, vous pouvez lire les romans de Khalid Hosseini tel que Les Cerfs Volant de Kaboul, et Si la lune éclaire nos pas de Nadia Hashimi. Ces deux livres racontent des périples d’immigration à travers des continents.
Special thanks to Charlotte Attal to let me use her image as the header of this article. Cela fait parti d’un projet « Identités dérascisées » réalisé par Charlotte Attal (designeuse graphique) et Emelyne Chemir (designeuse textile). Pour en savoir plus : charlotte_attal
[1] https://webdoc.france24.com/heberges-migrants-refugies-sham-paris-habitant-accueil-singa-samu-social-france/
[2] https://www.infomigrants.net/fr/post/13131/shahid-ali-migrant-pakistanais-l-europe-n-est-pas-comme vous-l-imaginez
[3] https://www.lemonde.fr/societe/article/2002/12/06/les-dates-cles-de-l-immigration-en-france_301216_3224.html
14 novembre 2020 / admin / 0 Comments
Special thanks to Charlotte Attal to let me use her image as the header of this article. Cela fait parti d’un projet « Identités dérascisées » réalisé par Charlotte Attal (designeuse graphique) et Emelyne Chemir (designeuse textile). Pour en savoir plus : charlotte_attal
A. Sur les traces de mon Identité
II. Podcast : Les raisons d’une immigration des pakistanais en France et le prix à payer
1. Intro
Salaam Aleekum ! Bismillahi rahmani raheem. Bienvenue au podcast Oraq. Le but est de partager avec vous les pensées sur une vie de diaspora pakistanaise en France. On parlera de religion, d’études, de travail, d’identité, d’Histoire avec un grand H et bien d’autres choses.
Je m’appelle Warq et suis vôtre hôte pour ce podcast. J’ai 28 ans, j’habite dans la région parisienne et je suis issue d’une immigration, arrivée en France à l’adolescence.
Le site L’Internaute[1] définie l’identité simplement comme les « Données qui déterminent chaque personne et qui permettent de la différencier des autres. ». Aussi simple que cela paraisse au premier abord, cette notion n’en est pas moins complexe. Quelles sont les données qui nous définissent ? Et quelles sont les données qui nous différencient des autres ? Le nom, le prénom et l’âge sont le premier ensemble d’informations que l’on décline pour s’identifier. Mais au-delà de ces étiquettes, ces repères temporels, qui sommes-nous ? Chacun d’entre nous essaie d’arriver à sa vraie identité, comme dans Eragon nous cherchons notre vrai nom, de trouver nos points communs avec les autres mais aussi nos particularités.
Dans ce podcast on va explorer l’identité des immigrants pakistanais en France. Pour savoir qui sommes-nous, on doit savoir d’où l’on vient et pourquoi ?
2. Les causes de l’immigration
i. Instabilité politique
Concernant les causes, et d’après ce que j’ai compris, étant donné que le fondateur du Pakistan Quaid-e-Azam Muhammad Ali Jinnah décède à peine un an après l’indépendance, le pays a toujours fait l’objet d’instabilité politique. Je croyais que la corruption était quelque chose de nouveau, une dégradation des mœurs survenue 57 ans après l’indépendance. Mais la lecture d’introduction d’un des livres de Manto intitulé Thanda Gosht, dans lequel il relate son procès contre la censure, apparemment pour faire avancer le dossier, il fallait le doter de « roues » et autant de roues possibles que la nature d’urgence de dossier. Il écrit :
Apko nakal lainy ho to darkhast kay sath « paheeay » laganay paray gay. Koi masal muaaïnay kay liay nikalwani ho to bhi « paheeay » laganay paray gay. Kissi afsar say milna ho to bhi « paheeay » laganay paray gay. Agar kam fori karana ho to paheeon ki tadaad barh jay gi. Ghor say dekhnay ki zarourat nahin. Agar ap ki ankhain dekh sakhti hain to ap ko zila kacheri main har arzi paheeon par chalti nazar ay gi.
Si vous voulez une copie, alors il faudra doter vos demandes de « roues ». Si vous devez faire sortir un document pour l’analyser, là aussi, il faudra mettre des roues. Si vous voulez rencontrer un fonctionnaire, les roues seront utiles. Si vous êtes pressés alors la quantité de roues va augmenter. Une attention accrue n’est pas nécessaire. Si vos yeux peuvent voir, alors toutes les demandes dans la cour de justice départementale vont vous apparaître rouler sur des roues.
Je conclus donc que cette pratique prend racine dans l’Inde ancienne et que l’érection d’une nouvelle frontière au sein de ce territoire n’a pas aboli les mauvaises habitudes. Si on lit également, Shikwa et Jawab-e-Shikwa des célèbres poèmes d’Allama Iqbal, Shair-e-Mashriq, le plus grand poète de l’Est pour le peuple sud asiatique, le déclin des musulmans est déjà notable.
Jin ko aata nahin dunya main koi fan, tum ho Nahin jis qom ko parway nashayman, tum ho
Bijliyan jis may hon asouda, wo khurman tum ho Baych khatay hain jo aslaaf kay madfan, tum ho
Honiko naam jo qabron ki tijarat kar kay Kia na baycho gay jo mil jayin sanam pathar kay
Dans cette strophe, il dit notamment que vous ne maîtrisez aucun savoir, que vous ne protégez pas vos territoires, vous prenez des coups et vendez les tombes de vos ancêtres ce qui a entaché votre réputation et si vous pouviez vendre les idoles, vous le ferez certainement !
Du portier public jusqu’au Président, c’est difficile de trouver des individus non-corrompus. Le plus faible sera toujours abusé. Les cercles fermés de personnes avec le pouvoir ou des familles avec des liens avec l’armée ou la mafia se verront faire leurs demandes administratives sans les « roues » et même avec des « ailes ». C’est sans doute pour échapper à cette corruption et au manque d’opportunités que les jeunes choisissent le chemin de l’immigration. Alors pourquoi la France ?
ii. Choix par défaut à cause des restrictions pour aller en Angleterre
D’après un article de Mariam Abou Zahab, chercheur à l’institut d’Etudes Politiques de Paris, dans un article paru dans « Hommes et Migration » [2] : les pakistanais s’installent en France après les restrictions de 1962 sur l’entrée libre en Angleterre en tant que citoyen de pays de Commonwealth. Le choc pétrolier de 1973 a accéléré l’émigration vers les pays du Golfe. Le gouvernement de Zulfaqar Ali Bhutto ayant simplifié la délivrance des passeports, ceux qui ne sont pas partis au pays du Golfe sont partis en Amérique du Nord et les esprits aventureux ont atterris en Europe. Les pakistanais (généralement des hommes seuls) trouvent du travail en France mais sans papiers. Alors ils se rallient avec les Mauriciens et des Tunisiens pour faire une grève de la faim en 1974 pour la régularisation de leur situation. Certains obtiendront un asile politique à ce moment-là et d’autres une régularisation en 1981. Les femmes et les enfants rejoindront ces hommes venus seuls suivant un processus de regroupement familial. L’émigration vers la France continuera par la suite à cause de la situation économique instable et l’arabisation des emplois dans les pays du Golfe.
iii. L’émigration comme mode de vie
Selon le Ministère des Pakistanais d’outre-mer et développement des Ressources Humaines (Ministry of Overseas Pakistanis and Human Resource Development)[3] environ 8.8 million de Pakistanais vivent à l’étranger. Dont 120 000 en France d’après l’estimation de décembre 2017. Il s’agit de l’une des plus importantes communautés expatriées au monde, soit la sixième selon le département des Affaires Economiques et Sociales de l’ONU.[4] Ils sont une source importante de revenue : en 2017 ils auraient envoyé à leurs familles un montant de 19 milliards de dollars américains selon les données de la Banque d’Etat du Pakistan.
Indirectement ou directement, chaque garçon rêve de sortir du pays pour subvenir aux besoins de sa famille. Attirée par les images d’Hollywood, cette jeunesse se sacrifie sans savoir ce qui les attend. Certains avec des passeports, d’autres en clandestinité : par bateaux qui dérivent dans la mer pendant des jours, voire des semaines. Tandis que ces expatriés vont trimer des heures incalculables, les familles au pays vont changer leur mode de vie qui va aller de zero à parfois une vie de luxe. Ces individus dotés de bonnes intentions, se sacrifieront volontairement, négligeant leur santé, leurs envies et désirs. Les familles retarderont leur mariage autant que possible pour ne pas partager les revenus et souvent choisiront une épouse qui ne leur correspond pas. Ces individus auront une vie de couple quasi inexistante, générant la frustration et le malheur des deux côtés. Le roman Mano-Salwa d’Umera Ahmed le décrit assez bien :
P.82, Roman Mano-Salwa d’Umera Ahmed
Char saalon may Karam Ali kay ghar walon ki zindagi may boht saari tabdeelian aa gay thi. Jahandad kay khandan par ab kissi ka koi qabza nahin tha. Zinat logon kay ghar safai ka kam chor chuki thi or Asif doubara janay laga tha. Jahandad kay ghar may ab muhalay ki dukan say naqad rashn aata tha or bila zarourat or zarourat say ziada jahandad ka khasta hal ghar ab char kamray kay do manzila pakay makan ki shakal ikhtiyar kar chuka tha. Jis kay mathay par Mashallah jaqmaga raha tha. Jahan dad ab ghar main beth kar apnay saaray ghar walon kay sath V C R filmay dekhta tha. Zinat ki bari beti Amina ki mangni bhi ho gay thi.
Or in tamam asayishon or saholiyaat kay liyay Karam Ali ko haftay main sath din athara ghantay rozana kam karna para tha. Is kay jism kay mukhtalif hison par chotay motay hadisat kay natijay main patchpan zakham kay nishanaat ka izafa hua tha.
Quatre ans plus tard, la vie avait changée pour la famille de Karam Ali. Personne ne mettait de pression sur la famille de Jahan Dad [son père]. Zinat [sa mère] avait arrêté de faire le ménage chez les gens et Asif [son frère] avait recommencé d’aller à l’école. Chez lui, on faisait maintenant les courses en espèces, sans être dans le besoin et beaucoup plus qu’il n’en fallait. Leur maison en piteux état s’était transformée en une maison en béton de quatre chambres sur deux étages. Sur le fronton on avait même mis une plaque « Mashallah ». Désormais, Jahan Dad regardait des films sur les cassettes VHS avec toute sa famille à la maison. L’aînée de Zinat, Amina s’était aussi fiancée.
Et pour tous ce confort et luxe, Karam Ali avait travaillé 18 heures par jour et ce 7 jours sur 7. Sur son corps, des accidents mineurs avaient donné naissance à 55 nouvelles cicatrices.
3. Le prix à payer
Quand on discute de l’amélioration de qualité de vie suite à l’immigration, on oublie d’en préciser le prix. D’un côté on se débarrasse des « roues » indispensables de corruption, de l’autre côté on gagne le contrôle au faciès. On a l’eau chaude à la maison mais on doit faire face à un déclassement social de soi versus l’évolution sociale dans le pays d’origine. Les classes moyennes acceptent les métiers manuels. Certes, leurs enfants vont pouvoir accéder à l’éducation gratuite mais eux ne resteront que des immigrés avec le français imparfait. Imparfaits devant leurs enfants, conscients de leurs difficultés, opportunistes pour la société. Bien sûr, personne ne les a forcées à quitter leur pays, quoique certains ont pris la route pour échapper à des conditions de vie atroces. Donc s’il y a des gains matériels, le tribut du stress psychologique à payer est énorme.
Selon l’article de François Duparc publié dans « Dialogue » en 2009 intitulé Traumatismes et Migrations Première partie : Temporalités des traumatismes et métapsychologie[5] , il y a 3 types de migrations :
- Pour fuir une menace mortelle (zone de guerre, génocide, emprisonnement ciblé)
- Séduction par une publicité mensongère d’une vie meilleure (« American Dream »)
- Migration réfléchie et préparée anticipant les difficultés de langue et d’intégration.
Les statistiques sur les motifs de migration en France[6] montrent que les premiers motifs d’immigration sont les raisons familiales et les études. Ces motifs tombent sous le couvert du troisième type de migration causant le moindre trauma mais ne sont pas sans conséquence.
Dans un premier temps, le migrant manifeste une sorte de déni légèrement maniaque ou hyperactif, accompagné d’une hyper-adaptation à la culture du pays d’accueil. Mais cette adaptation se fait sur un mode quasi opératoire, en faux-self[7] (Eiguer, 1998). » Pour éviter le rejet, les immigrés ont même tendance à renier des parties de soi.
L ’ « intégration » française qui, au fil des années est devenue « assimilation », est plus poussif qu’aux Etats Unis et en Angleterre. Christophe Bertossi dans son étude Les modèles d’intégration en France et Grande Bretagne pense que « Les politiques britanniques ont dégagé une approche fondée sur l’importance des groupes minoritaires et mis l’accent sur l’intégration, non pas comme un processus d’acculturation nationale et civique mais comme un projet d’égal accès aux droits dans une société britannique reconnaissant le multiculturalisme comme une réalité sociologique et politique »[8]. Dans la Revue Européenne des Migrations Internationales, Kastoryano Riva écrit : « Contrairement aux pays européens, les États-Unis, pays d’immigration constitué depuis deux siècles par des flux migratoires divers, entretiennent une relation, différente avec les populations immigrées. Un pays constitué par l’immigration donne par définition, à tout individu (même au nouveau venu) une légitimité de droit et de fait. »[9] Tandis que le modèle français, Christophe Bertossi continue « refuse toute forme de différenciation ethno-raciale dans l’espace public ». D’après un dossier apparu dans « Hommes et Migration : « Pour un nombre considérable de Pakistanais, selon une vision idéale de l’intégration, la France devrait être plus tolérante et accepter la différence, et s’acculturer ne devrait pas être le prix à payer pour vivre « normalement ». »[10] Une image de BDouin me vient à l’esprit où on demande à l’immigré de s’adapter en habits, en religion et en fin de compte d’être invisible dans la société.
Toujours selon l’étude de François Duparc citée plus haut : « Certains jugent que la synthèse complète des deux cultures dans la personnalité du migrant, même si elle peut se faire après une période de deuil suffisante, reste largement une utopie, dans la plupart des cas [selon les psychologues Eiger et Vega], (Eiger, 1998 ; Vega, 2001) ». Même si on pourrait penser que les conséquences ne sont vécues que par la personne qui fait le déplacement lors d’immigration, c’est en tout cas la logique de nos parents, mais en fait la seconde, la troisième et même les générations d’après hériteraient de ces traumatismes. Parce que d’après ce que j’ai compris, on récrit l’histoire sur ce qui aurait pu être si la migration n’avait pas eu lieu. Cette étude mentionne également un courant contraire où le psychiatre W. Vega (2001) suggère que la santé psychologique des immigrés est meilleure que celles des américains. L’effet ressenti par la deuxième génération au niveau de troubles psychologiques est supérieurs aux américains natifs parcontre.
Si on réfléchit maintenant par rapport à la diaspora pakistanaise, au final pas si loin dans notre généalogie, nos grands-parents ont déjà vécu le traumatisme de l’immigration. Cette fois-ci du premier type, où l’on craignait pour sa vie et que tout le passé avait disparu, sans aucune possibilité de retour. On peut trouver ce récit dans le célèbre nouvelle de Manto intitulé Toba Tek Singh. Le sujet de l’histoire est l’échange des malades mentaux entre l’Inde et le Pakistan après l’indépendance. Les malades ont du mal à savoir où ils sont, comment une terre sans avoir bougé peut changer de nom, et quel bout de terre appartient à qui car les politiques qui prennent ces décisions sont tout aussi perdus.
Manto, toujours dans l’introduction de son recueil de nouvelles Thanda Gosht se trouve également perdu.
Bambai chor kar karachi say hota hua ghaliban sat ya aath january unees so artalees ko yahan lahore pohncha. Teen mahinay meray dimagh ki ajeeb o ghareeb halat rahi. Samajh nahin aata tha, main kahan hun. Bumbai may hun, Karachi may hun, Karachi may apnay dost Hasan Abas kay ghar betha hun ya Lahore may jahan kay restorano main quaide-e-Azam fund, jamaa karnay kay liyay silsilay main raqs o suroor ki mehfilain aksar jamti thin.
Teen mahinay tak mera dimagh koi faisla na kar saka. Aysa maaloom hota tha kay parday par aik sath kai film chal rahay hain. Apsa main gud mud…Kabhi bumbai kay bazar or galian, kabhi karachi ki choti choti taiz raftaar tramain or gadha gariyaan or kabhi Lahore kay purshor restoran…samajh may nahin aata may kahan hun… Sara sara din kursi par betha khialaat may khoya rehta.
Parti de Bombay en passant par Karachi, je suis arrivé ici à Lahore environ le 7 ou 8 Janvier 1948. Pendant trois mois, ma tête était dans un état étrange. Je ne comprenais pas, où j’étais. A Bombay, à Karachi chez mon ami Hasan Abas ou dans les restaurants de Lahore où des programmes musicaux et dansants étaient souvent organisées pour lever les fonds pour Quaid-e-Azam Fund.
Durant trois mois, mon cerveau n’arrivait pas à se décider. On avait l’impression que plusieurs films étaient projetés de façon simultanée sur un drap . Qu’ils se confondaient entre eux… De temps en temps on apercevait les bazars et ruelles de Bombay, de temps à autre on voyait les très rapides petits trams et les charrettes d’âne de Karachi et puis quelques fois les bruyants restaurants de Lahore apparaissaient… Je n’arrivais pas à savoir où j’étais… Je passais mes journées entières assis sur une chaise perdu dans mes pensées.
Manto tombe dans une sorte de torpeur et a du mal à savoir comment la séparation va s’opérer dans la littérature Ourdou vu qu’il est écrivain du métier. Comment ce qui a été écrit d’un côté et de l’autre de la frontière sera différencié. J’ai trouvé du réconfort dans ses propos. Il avait comme mis des mots sur ma propre confusion.
Lekin jab likhnay betha to dimagh ko mutashir paya. Koshish kay bawajoud Hindousatn ko Pakistan say, or Pakistan ko Hindustan say alehda na kar saka. bar bar dimagh may yay uljhan peda karnay wala sawal gunjta, kia pakistan ka adab alehda ho ga. agar hoga to kaissay ho ga ? wo sab kuch jo salim hindustan main likha gaya tha, is ka malik kon hai, kia is ko bhi taqseem kia jay ga ? kia hindustanion or pakistanion kay buniadi masaïl aik jaissay nahin ? Kia idhar urdu bilkul na paid ho jay gi ? yahan pakistan may urdu kia shakal ikhtiyar karay gi ? kia humari istate mazhabi istate hai ?
Mais quand j’ai voulu écrire, j’ai trouvé ma pensées dispersées. Malgré l’effort, je ne pus différencier l’Inde du Pakistan et Pakistan de l’Inde. Une question qui semait la confusion résonnait dans ma tête : Est-ce que la littérature du Pakistan sera différente ? Si oui, comment sera-t-elle ? Tout ce qui avait été écrit dans l’Inde entière, qui en sera le propriétaire ? Est-ce que cela sera également partagé ?? Est-ce que les problèmes fondamentaux des indiens et des pakistanais ne sont pas semblables ? Est-ce qu’ici, l’Ourdou sera prospère ? Ici, au Pakistan, quelle facette l’Ourdou va prendre ?
De la même façon que cet écrivain, un grand nombre des grands-parents pakistanais ont vécu l’immigration. La deuxième génération accumule donc le traumatisme de l’immigration de leurs parents et la leur. Et nous, la 3ème génération, on se retrouve avec l’héritage de ces deux immigrations.
Nous avons le confort, quoique, tout est relatif. Le déclassement social nous oblige à vivre dans des banlieues. Les banlieues les moins chères sont des cadres moins idéaux pour vivre son rêve américain. Je vais vous lire un extrait d’étude Yaël Brinbaum, intitulé Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat . « Les conditions de scolarisation sont notamment en lien avec la ségrégation urbaine. « Toutes choses égales par ailleurs », la scolarisation en éducation prioritaire, loin de corriger les inégalités sociales, diminue le niveau scolaire. Elle augmente également les orientations dans les filières professionnelles [confirmant Alexia Stéfanou, 2017], la sortie sans diplôme et réduit les chances d’obtenir un baccalauréat. Les politiques successives d’éducation prioritaire, mises en place pour limiter voire pour corriger les injustices liées à ces phénomènes, n’ont pas les effets escomptés, voire augmentent les inégalités sociales. Les moins bonnes conditions d’enseignement, l’envoi d’enseignants moins expérimentés et le niveau plus faible ne permettent pas d’améliorer les résultats, sans compter les effets de la stigmatisation de ces établissements. Une politique effective d’éducation dès les premières années demeure plus que jamais une priorité, avec des moyens, mieux ciblés et un accompagnement scolaire des enfants très tôt en échec, et plus de mixité sociale. »[11] Ainsi, les enfants pour lesquels les parents ont fait des sacrifices sont aussi victimes d’une discrimination. Les enfants grandissent donc tiraillées entre deux identités car la politique française voudrait qu’on efface toute appartenance au pays d’origine, à la culture. Pour que de cette façon quand vous vous présentez comme « Je suis française, je vis en Franche-Comté », l’interlocuteur écarquille les yeux avec une question tacite mais pourtant formulée à haute voix : « Mais en vrai, tu viens d’où ? ». C’est humain d’être curieux mais c’est hypocrite de donner des cours d’assimilation et d’humilier les gens par derrière pour les réduire qu’à des êtres exotiques.
De mon point de vue, cette singularité d’immigration qui dans la courbe de la vie intervient de façon ponctuelle mais, dans cette durée très courte nous fait prendre des valeurs qui vont de « – infini » à « + infini » . La courbe de vie continue comme avant mais pourtant les êtres portent à jamais la trace de cet évènement. On a des problèmes d’identité qui empêchent une construction optimiste. On a une barrière de langue qui nous empêche de se lancer dans des projets politiques. On a des liens religieux plus forts que dans le pays d’accueil ne cautionne et voudrait qu’on les oblitère. On a une envie énorme de s’adapter, d’appartenir et pour cela il faut qu’on meure avant que la mort réelle ne survienne. [Note de l’éditeur : ce qui revient à une mort symbolique. Dans une vie on peut mourir symboliquement plusieurs fois pour renaitre à la beauté de son chemin de vie]
4. Conclusion
Pour conclure cette épisode, on peut dire que le déracinement des Hommes continue à cause d’autres hommes au pouvoir. Ce n’est une partie de plaisir ni pour celui qui découvre les difficultés sur le terrain ni pour celui qui se croit être préparé. Génération après génération, les hommes portent un poids d’héritage qui peut être source de joie ou de tristesse. Un déchirement non seulement physique, mais aussi psychologique s’opère au niveau des personnes qui choisissent l’immigration. Avoir un pied dans chaque bateau, c’est n‘avoir les deux dans aucun. La remise en cause d’intégrité des immigrants par les pays d’accueil, le bousculement de leurs mœurs, jusqu’à les rendre une ombre d’eux même rend le travail de reconstruction et construction du soi difficile. Nous essaierons inshallah dans le prochain podcast d’explorer l’identité de la première génération des immigrants pakistanais en France. D’ici là, j’espère que ce remue ménage apportera quelques réponses à chacun sur sa quête d’identité.
Merci d’avoir écouté le podcast. J’espère inshallah que nous nous retrouverons très vite autour de d’autres sujets intéressants. Portez-vous bien. Salam aleekum.
[1] https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/identite/
[2] Abou Zahab. Migrants pakistanais en France. In: Hommes et Migrations, n°1268-1269, Juillet-octobre 2007. Diasporas indiennes dans la ville. pp. 96-103;
[3] « Statement showing number of Overseas Pakistanis living, working and studying in different regions/countries of the world, as on 31st December, 2017 – Region-Wise distribution » (PDF). Ministry of Overseas Pakistanis and Human Resource Development. 31 December 2018. Retrieved 29 August 2019.
[4] Service, Tribune News. « India has largest diaspora population in world: UN ». The Tribune. Retrieved 3 March 2016.
[5] Traumatismes et migrations Première partie : Temporalités des traumatismes et métapsychologie François Duparc Dans Dialogue 2009/3 (n° 185), pages 15 à 28 https://www.cairn.info/revue-dialogue-2009-3-page-15.htm
[6] DEPARTEMENT DES STATISTIQUES, DES ETUDES ET DE LA DOCUMENTATION Numéro 96 – mai 2020
[7] https://fr.wikipedia.org/wiki/Vrai_self_et_faux_self
[8] Les Modèles d’intégration en France et en Grande-Bretagne Philosophies, politiques et institutions publiques de Christophe Bertossi, Chargé de recherche à L’Ifri(Paris).
[9] Kastoryano Riva. L’État et les immigrés : France, Allemagne, Grande-Bretagne et États-Unis. In: Revue européenne des migrations internationales, vol. 5, n°1,1989. Les politiques d’immigration en Europe et aux États-Unis. pp. 9-20;
[10] Hanif Roomi. Que disent les jeunes Pakistanais de l’intégration ?. In: Hommes et Migrations, n°1268-1269, Juillet-octobre 2007. Diasporas indiennes dans la ville. pp. 104-109;
[11] Yaël Brinbaum. Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat. Education et Formations, Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Direction de l’évaluation et de la prospective, 2019, La réussite des élèves : contextes familiaux, sociaux et territoriaux, pp. 73-104. halshs-02426359
8 novembre 2020 / admin / 2 Comments
Special thanks to Charlotte Attal to let me use her image as the header of this article. Cela fait parti d’un projet « Identités dérascisées » réalisé par Charlotte Attal (designeuse graphique) et Emelyne Chemir (designeuse textile). Pour en savoir plus : charlotte_attal
A. Sur les traces de mon Identité
I. Podcast : Décris moi le Pakistan avec tes clichés
1. Introduction
Salaam Aleekum ! Bismillahi rahmani raheem. Bienvenue au podcast Oraq. Le but est de partager avec vous les pensées sur une vie de diaspora pakistanaise en France. On parlera de religion, d’études, de travail, d’identité, d’Histoire avec un grand H et bien d’autres choses.
Je m’appelle Warq et suis vôtre hôte pour ce podcast. J’ai 28 ans, j’habite dans la région parisienne et je suis issue d’une immigration, arrivée en France à l’adolescence.
Dans ce podcast nous allons explorer l’image du Pakistan à travers les clichés. On explorera le Pakistan à travers les clichés des français, les clichés des immigrants pakistanais de deuxième génération et enfin ceux des pakistanais. Pour contrebalancer j’ai recueilli deux témoignages des pakistanais sur la France et sur les immigrants pakistanais. Ainsi, à la fin de ce podcast, chacun aura dit sa vérité…
1. A quoi fait penser le Pakistan au français ?
Lorsque les français me parlent du Pakistan, ils me parlent de terrorisme, d’affaire Sarkozy, de talibans. Puis immédiatement pour compenser, ils disent adorer les cheese nan que le restau « pakpak » de leur quartier fait. Ils disent adorer le Gulab jamun et Lassi mangue et que les samossas et le biryani sont une « tuerie ». Ils ont oublié de me mentionner que leur cousine adore les habits pakistanais, le sari et tout ça. A l’aéroport quand quelqu’un ne me regarde pas comme une terroriste il me fait un « Namasté ». Souvent, quand je décline mon identité j’ai droit à « Ah mais je croyais que t’étais une hindoue ». Hindouisme est une religion et pas une nationalité, For God Sake ! Les indiens et pakistanais c’est pas pareil, même si on mange pareil et qu’on s’habille pareil. Vous passerez votre temps à me demander combien de fêtes de mariage il y a, et de vous faire inviter à mon mariage par la même occasion. Vous me montrerez certainement vos compétences à imiter des actrices indiennes. Vous me demanderez de vous apprendre à dire quelques gros mots en ourdou. Et avec 80% de gens on en restera là pour la vie.
Tahira, possédant une maîtrise dans les Relations Internationales au Pakistan écrit dans son témoignage : “The French probably think that Pakistan is a backward, orthodox land. Their image of Pakistan would be that of a state of anarchists ruled by bearded men who punish all those who don’t believe what they believe. They also probably assume that Pakistan is a part of the Middle East. Their image of Pakistan probably has many parallels with what Media tells them about Pakistan which is not a lot but enough for them to believe that it is not a livable country.
Les français pensent probablement que le Pakistan est un pays orthodoxe et avec beaucoup de retard. Leur image du Pakistan serait celle d’une anarchie régulée par des « barbus » qui punissent tous ceux qui n’ont pas les mêmes croyances qu’eux. Ils pensent aussi sûrement que le Pakistan fait partie de Moyen Orient. Leur image du Pakistan est ciselée par ce que les médias leur font croire, ce qui est très suffisant pour eux pour croire que le Pakistan n’est pas un pays où l’on peut vivre.
2. Qu’est-ce que je pense du Pakistan ?
Lorsque je réfléchis sur mes liens avec le Pakistan, je pense aux mangues en été, je pense au paratha pour le matin, je pense aux samossas et biryani pour les fêtes, je pense au Rooh afza pour le ramadan. Quand j’ai fini ma liste, je me rends compte que c’est que de la nourriture. Je vais pousser ma liste plus loin et je vais penser à la chaleur écrasante de l’été, des chansons de bollywood dans les bus, des mariages arrangés, des appels à la prière. Dans un ultime effort, soudain me surviennent les images de nos nuits à la belle étoile sur le toit, les courses-poursuites avec mes profs à l’école, le lavage de la maison à grande eau, le rituel de mettre de l’huile sur les cheveux, les histoires de migration de grand-mère, les bonbons de mon grand-père, nos balades sur sa moto à 4 ou 5, le stand de burger au bout de la rue, les réunions pour réciter le Quran, l’eidi dépensée dans des fêtes foraine pour la Eid.
Je me rappelle de la maison de mes grands-parents dans leur village au Punjab. On y allait en train qu’on prenait à 16h de Pakistan Railways Karachi Cantonement Station à Karachi et on arrivait le lendemain 11h à Lahore Cantt. Railway station. Ce long trajet, où l’on avait le temps de s’ennuyer. Aujourd’hui, pour les pakistanais de France, s’ils n’ont plus de liens avec la famille au Pakistan, le lien affectif et le lien avec le pays commence à ternir. C’est aussi pour le maintien de ce lien que les familles vont chercher à épouser au pays.
Mais certains franco-pakistanais ont d’excellents souvenirs de vacances passés avec la grande famille mais ils ont l’impression que les autres les voient comme un portefeuille sur pattes, une personne chanceuse à la vie facile, une personne fragile qu’il faut accompagner et au passage en profiter. Cela génère aussi des frustrations pour les personnes habituées à être maîtres de leurs vies, de se trouver dans une position où leur caractère est un peu mis entre parenthèses. Le respect de l’image des parents empêche les enfants à vraiment être eux-mêmes, ce qui peut amener leurs cousins à les prendre pour des imbéciles et les ridiculiser.
Au final, les pakistanais de France auront presque une relation conflictuelle car après le prix de traumatisme qu’ils ont pu payé, ils se trouvent un peu coupables de mériter le meilleur des deux mondes. Ils ne se trouvent jamais satisfaits.
Arzam, étudiant en comptabilité m’écrit : Overseas Pakistanis have a great importance in the eyes of Pakistanis. Yet it wouldn’t be wrong to say that Pakistanis consider them as a money tree. No doubt on the contrary that they are anxious or concerned about the safety and security of their brothers or sisters living abroad specially in the countries where following religion is kind of difficult. Pakistani government too has a great concern for overseas Pakistanis as they play an important part in country GDP growth. Pakistani families usually spent a hard time to settle down any of their family member abroad. Yet it is also not wrong to say that their hearts beat together in hard times. Pakistanis also consider overseas Pakistanis as an ambassador of Pakistan.
« Les pakistanais d’outre-mer ont une grande importance au regard des pakistanais locaux. Même s’il ne serait pas faux d’affirmer qu’ils les considèrent comme des « arbres à sous ». Mais il n’y a pas de doute sur le fait qu’ils s’inquiètent vis à vis de la sûreté et la sécurité de leurs proches qui habitent à l’étranger, plus particulièrement s’il habitent dans les pays où la pratique de l’Islam est difficile. Le gouvernement pakistanais est lui aussi assez préoccupé par les problématiques des pakistanais d’outre-mer vu qu’ils ont un rôle important dans l’accroissement de PIB. Les familles pakistanaises se donnent vraiment du mal à installer une personne de leur famille à l’étranger. Il ne serait pas incorrect de dire que leurs cœurs battent ensemble en temps difficiles. Les pakistanais considèrent aussi les pakistanais d’outre-mer comme des ambassadeurs du Pakistan. «
Tahira, elle a une opinion plus tranchée et honnête : Pakistani immigrants believe that whilst Pakistan is a great country, it is not safe or secure. It is the place that they inevitably belong to but they are far too different now than what they used to be. So they cannot go back home to Pakistan and then adjust. They may claim to love Pakistan but they only love it from afar.
« Les immigrants pakistanais pensent que même si le Pakistan est un pays grandiose, il n’est pas sûr. C’est un endroit avec lequel ils ont des liens incontestables mais ils ont trop changé par rapport à ce qu’ils étaient pour revenir au Pakistan et s’y accommoder de nouveau. Ils peuvent proclamer qu’ils aiment le Pakistan mais ils le font que de loin. »
3. Ce que les pakistanais pensent du Pakistan
Les clichés que j’ai pu vous citer, le Pakistan est bien plus que tout ça, les gens sont bien plus que ça. Les médias dans leurs films ont besoin de stéréotypes pour raconter des histoires. Mais les personnes réelles sont bien plus que des stéréotypes. Une éducation dans les deux sens doit se faire dans une bonne atmosphère.
Arzam : Pakistani nation literally love their homeland and are really patriotic like they love to die for their homeland. They think Pakistan is a blessing of Allah for them and to be honnest it is. But many of them think that they aren’t using their resources efficiently. Pakistan is blessed with one of the world’s highest mountains, the sea, the desert, the plains, different weathers, minerals and much more. But they also know that yes, they are far back in technology and in other sectors too. And yet, Pakistanis are helpful and hospitable. They rank at top in the nations who donate a lot.
« La nation pakistanaise aime littéralement son pays. Les pakistanais sont vraiment patriotiques, au point de sacrifier leur vie pour leur patrie. Pour eux, le Pakistan est un bienfait d’Allah et pour être honnête il l’est ! Cependant beaucoup d’entre eux pensent qu’ils n’utilisent pas les ressources efficacement. Le Pakistan est doté des montagnes les plus hautes, de la mer, du désert, des plateaux, des saisons différentes, des minéraux et plein d’autres merveilles encore. Cependant, les pakistanais sont aussi conscients qu’ils sont assez en retard sur la technologie et dans d’autres secteurs. Mais aussi que les pakistanais sont très serviables et ils sont au top des nations qui font des dons. »
Je suis donc allée vérifier l’index de générosité sur Wikipédia et en 2018 le Pakistan occupait non pas la Première mais la 91ème place, tandis que la France occupait la 72ème position. Mais si on remonte en 2013, il était en 51ème position et la France occupait la 77ème position. Pour un pays qui est lui-même en difficulté, je trouve ça honorable. [1]
Tahira continue : Most Pakistanis are in here because they have a genuine affection and appreciation towards their motherland. They love Pakistan and they appreciate the care that it affers to them and the leisure it brings. Pakistanis love Pakistan because it is a place that will accept all their flaws and not throw them out. Pakistan has its shortcomings though. Pakistan is not a safe place by any means, and some Pakistanis are frustrated about the misallotment of resources which will always stop Pakistan from being great.
« La plupart de Pakistanais y restent parce qu’ils ont un amour véritable et de l’affection pour leur pays. Ils aiment le Pakistan et apprécient le soin qu’il leur offre et les divertissements qui le caractérisent. Les pakistanais aiment leur pays parce que c’est un endroit qui accepte leurs défauts et ne vas pas les expulser. Cependant le Pakistan a aussi ses difficultés. Ce n’est pas un endroit sûr et la très mauvaise gestion des ressources naturelles génère des frustrations au sein de la nation, ce qui va toujours être un obstacle pour que le Pakistan devienne un pays grandiose. »
4. Conclusion
Pour clôturer cette première épisode j’aimerais qu’on révise nos stéréotypes. Nous avons tous développés des clichés parce que consommer ce qu’on nous offre tout fait sous forme de films, reportages ou récits de voyages) est plus facile mais ça peut être biaisé par l’opinion des médias. Lorsqu’on voyage avec des groupes, on ne sort pas non plus des sentiers battus. Alors pour aller au-delà de ces clichés, il faut faire un peu d’exercice mental, ou avant de projeter ce que l’on sait, peut-être faire une recherche personnelle pour avoir ses propres bases qui nous permettent ensuite de naviguer et voir l’envers du décor.
Je suis peut être prédisposée à voir ce décor parce que moi-même j’ai traversé des frontières. Mais je me dois de faire cet exercice tout autant pour connaitre d’autres histoires que je ne connais pas. J’espère, inshallah, que nous pourrons prochainement aller explorer le Pakistan au-delà de ces clichés et ouvrir le dialogue.
Merci d’avoir écouté le podcast. J’espère inshallah que nous nous retrouverons très vite autour d’autres sujets intéressants. Portez-vous bien. Salam aleekum.
[1] https://en.wikipedia.org/wiki/World_Giving_Index
7 novembre 2020 / admin / 0 Comments
Sitaron Se Agay Jahan Aur Bhi Hain
Abhi Ishq Ke Imtihan Aur Bhi Hain
Other worlds exist beyond the stars—
More tests of love are still to come.
Au delà des étoiles d’autres mondes t’attendent,
De dévotion, d’autres épreuves t’attendent
Tehi, Zindagi Se Nahin Ye Fazaen
Yahan Saikron Karwan Aur Bhi Hain
This vast space does not lack life—
Hundreds of other caravans are here.
Ces vents ne sont pas stériles de vie
Des centaines de caravanes ici s’étendent
Qanaat Na Kar Alam-e-Rang-o-Bu Par
Chaman Aur Bhi Ashiyan Aur Bhi Hain
Do not be content with the world of color and smell,
Other gardens there are, other nests, too.
Ne te limite pas à monde de couleurs et senteurs
D’autres jardins, d’autres foyers t’attendent
Agar Kho Gya Ek Nasheeman To Kya Gham
Maqamat-e-Aah-o-Faghan Aur Bhi Hain
What is the worry if one nest is lost?
There are other places to sigh and cry for!
Ne t’attriste pas si tu perds un refuge
D’autres occasions de s’inquiéter t’attendent
Tu Shaheen Hai, Parwaz Hai Kaam Tera
Tere Samne Asman Aur Bhi Hain
You are an eagle, flight is your vocation:
You have other skies stretching out before you.
T’es un aigle, ta vocation est de voler
D’autres cieux devant toi t’attendent
Issi Roz-o-Shab Mein Ulajh Kar Na Reh Ja
Ke Tere Zaman-o-Makan Aur Bhi Hain
Do not let mere day and night ensnare you,
Other times and places belong to you.
Ne te perd pas dans l’alternance de ces jours et nuits
D’autres mesures spatio-temporelles t’attendent
Gye Din Ke Tanha Tha Main Anjuman Mein
Yahan Ab Mere Raazdaan Aur Bhi Hain
Gone are the days when I was alone in company—
Many here are my confidants now.
Sont révolus les jours ou j’étais seul dans ma philosophie
D’autres sympathisants maintenant m’attendent
N’hésitez pas à voir ma page Poems pour aller plus loin !
4 novembre 2020 / admin / 0 Comments
Phir Charagh-E-Lala Se Roshan Huway Koh-O-Daman
Mujh Ko Phir Naghmon Pe Uksane Laga Murg-E-Chaman
Hill and vale once more under the poppy’s lamps are bright,
In my heart the nightingale has set new songs alight;
Encore une fois des collines et des vallées se sont illuminées par les lampions de bourgeons
L’oiseau de jardin encore une fois me pousse à chanter (exprimer)
Phool Hain Sehra Mein Ya Pariyan Qitar Andar Qitar
Ude Ude, Neele Neele, Peele Peele Payrhan
Violet, violet, azure, azure, golden, golden, mantles—
Flowers, or fairies of the desert, rank on rank in sight?
Sont ce les fleurs en désert ou les fées les une derrières les autres?
Habillées en violet, indigo, bleu, azur, jaune, doré
Barg-E-Gul Par Rakh Gyi Shabnam Ka Moti Bad-E-Subah
Aur Chamkati Hai Iss Moti Ko Sooraj Ki Kiran
On the rosy‐spray dawn’s soft breeze has left a pearl of dew,
Now the sunbeam turns this gem a yet more glittering white.
Sur la pétale de fleur la brise matinale a déposé une perle de rosé.
Et une raie du soleil fait briller cette perle
Husn-E-Beparwa Ko Apni Be-Naqabi Ke Liye
Hun Agar Shehron Se Bann Payare To Shehar Ache K Bann
Town or woodland, which is sweeter, if for her unveiling
Careless beauty love towns less than where green woods invite?
Si la beauté désinvolte pour se dévoiler
préfère les forêts plus que les villes, alors les villes sont mieux ou les forêts ?
Apne Mann Mein Doob Kar Pa Ja Suragh-E-Zindagi
Tu Agar Mera Nahin Banta Na Bann, Apna To Bann
Delve into your soul and there seek our life’s buried tracks;
Will you not be mine? then be not mine, be your own right!
En plongeant au plus profond de toi et obtient la source de vie
Peu importe si tu n’est mon fidèle, soit au moins fidèle(être honnête, s’amender) avec toi-même
Mann Ki Duniya! Mann Ki Dunya Souz-O-Masti, Jazab-O-Shauq
Tann Ki Dunya! Tann Ki Dunya Sood-O-Soda, Maker-O-Fann
World of soul—the world of fire and ecstasy and longing:
World of sense—the world of gain that fraud and cunning blight;
Le monde de l’intérieur? état passionnel de transe, absorption et adoration (état supérieur de dévotion au Prophète [p.b.A.l :paix et bénédiction d’Allah sur lui] et à Allah)
Le monde matériel ? négociations intéressés, fourberie et hypocrisie.
Mann Ki Doulat Hath Ati Hai To Phir Jati Nahin
Tann Ki Doulat Chaon Hai, Ata Hai Dhan Jata Hai Dhan
Treasure of the soul once won is never lost again:
Treasure gold, a shadow—wealth soon comes and soon takes flight.
Une fois la richesse spirituel acquise, c’est permanent
La richesse matérielle, c’est comme de l’ombre. L’argent vient et s’en va
Mann Ki Duniya Mein Na Paya Mein Ne Afrangi Ka Raaj
Man Ki Duniya Mein Na Dekhe, Mein Ne Sheikh-O-Barhaman
In the spirit’s world I have not seen a white man’s Raj,
In that world I have not seen Hindu and Muslim fight.
Dans le monde spirituel je n’ai pas vu d’occident(étranger) régner
Dans le monde spirituel il n’y pas la distinction ni au niveau de castes ni au niveau de religion. (Brahmane haute caste d’Hindous et Cheikh, caste de Musulmans)
Pani Pani Kar Gyi Mujh Ko Qalandar Ki Ye Baat
Tu Jhuka Jab Ghair Ke Agay, Na Mann Tera Na Tann
Shame and shame that hermit’s saying pouted on me—you forfeit
Body and soul alike if once you cringe to another’s might!
Cette réplique de Qalandar(degré de guide spirituel) m’a couverte de honte.
Que lorsque tu t’es incliné devant un étranger, aucun des mondes -spirituel et matériel- ne t’appartiennent plus.
N’hésitez pas à faire un page sur la page
poems pour d’autres poems. 🙂